vendredi 31 juillet 2009

Anciennes maisons de Vielsalm.

(publié dans Pays de Salm, le 20 février 1966)

La démolition récente du bâtiment dit « maison Sépult » a encore ravi à Vielsalm un des rares vestiges de son passé. Il reste maintenant à la localité fort peu de chose pour rappeler le visage de Vielsalm d’autrefois.
Profitons de l’occasion pour attirer l’attention sur deux immeubles où l’histoire locale trouve quelques attaches.

Le premier se dresse dans la rue dite des Savoyards, cette rue si typique mais à l’aspect modifié depuis peu.

Tel qu’il est actuellement, le bâtiment envisagé ici paraît bien esseulé. Ses voisins, autrefois, le serraient de près ; ils l’ont peu à peu abandonné et l’on peut se demander si, bientôt, lui aussi ne subira pas une condamnation.
Il s’agit de la maison, vide en ce moment, et qu’occupa en dernier lieu la famille MULLER.

Modestement, elle a son histoire, et en voici quelques traits.

Au temps de sa jeunesse et pour son époque, c’était une demeure qui ne manquait pas de distinction. Elle a d’ailleurs abrité des occupants non dénués de relief.

Il y a plus de deux cents ans y habitait un notaire, Clément WARLET, déjà en fonctions vers 1730. il avait épousé, le 14 février 1729, Marie Emérentianne ARCHAMBEAU, née à Vielsalm en 1705.
Il est décédé le 10 mars 1763.
On connaît ses voisins. Du côté de la place du marché, il y avait Maurice SCHYLLE et sa famille. De l’autre côté, vers Priesmont, c’était la maison de Jean-Bernard OTTE, maieur de Salm durant de nombreuses années, maison qui, plus tard au siècle suivant sera dénommée « vieille caserne ».

Clément WARLET étant défunt en 1763, sa veuve éprouva sans doute des revers de fortune. A 64 ans, en 1769, elle était d’ailleurs devenue incapable de gagner sa vie et « ne subsistait que par les bons soins de son fils prêtre », Joseph Clément.
La maison exigeait à ce moment des frais d’entretien. Un premier emprunt de 160 écus, au sieur PAUL de Provedroux, ne suffirait pas pour les payer.
Ainsi, Marie Emerentianne se résigna à la vente de sa demeure. Le 24 octobre 1769, Jean Guillaume ORBAN, de Vielsalm, en fit l’acquisition pour 300 écus et 4 écus de « couvre-chef » (supplément)

Avec des activités agricoles, comme d’ailleurs presque toutes les familles de Vielsalm en ce temps-là, Jean-Guillaume ORBAN pratiquait déjà un petit commerce.
Mais c’est le fils, surtout, Jean Nicolas, qui retient l’attention.
Il est boutiquier. Né en 1776, il arrive à la majorité et à la période révolutionnaire et de régime nouveau.
Ses idées étaient sans doute assez avancées ; à 24 ans, on le voit adjoint au maire de la commune. En 1810, et jusqu’au 26 septembre 1823, il devient le premier magistrat de la commune, avec les fonctions de maire, succédant à son presque voisin Jean Christophe LAMBERTY.
Plus tard, Jean Nicolas revint aux affaires communales, toutefois avec d’autres fonctions.
Le 15 février 1837, à 61 ans, il est installé comme secrétaire communal jusqu’à sa démission en février 1849. dans l’histoire des communes de la région, il est le seul croyons-nous et à un âge aussi avancé qui ait servi sa commune de cette façon.

Après son décès en 1854, sa fille Catherine Jeanne continua d’habiter la demeure paternelle avec son mari, Michel DENIS, originaire de Neuville et horloger.
Plus tard, d’autres familles ont occupé la maison jusqu’en 1964.

Quel peut être l’âge de cette dernière ? Son emplacement, au cœur de ce que fut le Vielsalm primitif, permet de lui donner bien des années.

Le notaire WARLET, qui l’habita, aurait aujourd’hui plus de 250 ans, et l’on ne sait rien de ses prédécesseurs. Sans exagérer, on peut voir en elle, croyons-nous, environ trois siècles.
Si un jour, la pioche du démolisseur l’atteint, il faudra bien la traiter avec un peu de respect.

Gaston REMACLE

La pierre tombale d’un comte de Salm découverte à Vielsalm en 1953.

(publié dans L’Annonce de Vielsalm, le 22 août 1954)

Cet été aura vu l’avance rapide des travaux de reconstruction de l’église de Vielsalm. La toiture se complète chaque jour. L’ensemble du monument prend corps de plus en plus, et il dresse, sur le beau décor des horizons boisés, une masse imposante et originale.
Encore quelques mois, et ce coin de Vielsalm aura pris visage tout nouveau et attrayant.
Plus rien n’apparaîtra de ces blessures de guerre qui jetaient une souffrance dans le pittoresque et l’attrait de la localité.
Mais plus rien non plus, sur cet endroit historique, ne rappellera le passé.
A voir la fière église moderne, avec des abords coquets, qui se souviendra encore ! Qui se souviendra de la belle église, comme une « cathédrale », du 18e siècle ; de celles qui l’ont précédée ; du vieux cimetière avec ses dizaines de milliers de morts ? Si, comme dit LAMARTINE, « C’est la cendre des morts qui créa la Patrie », c’est bien ici qu’il faut trouver le cœur de ce qui fut l’ancienne paroisse de Salm.

Cette ancienne paroisse de Salm allait, on le sait, d’Ennal à Commanster, de Poteau à Cierreux et Goronne.
Sa fondation remonte à l’époque carolingienne. Mais son appellation de « Salm » ne viendra que plus tard, lorsque la terre elle-même, sous le régime féodal, aura pris nom de comté de Salm.
Où fut érigée la première église, modeste chapelle, sans doute ? A notre avis, non pas à l’endroit devenu Vielsalm, d’ailleurs inhabité aux temps carolingiens. Ce n’est que plus tard, après l’établissement, vers l’an 1000, des seigneurs qui prirent le nom de SALM, que le centre religieux s’est déplacé. Le système féodal, la présence du château à l’emplacement de la villa actuelle de Mme MOUTON, amenèrent pour la région une vue nouvelle. De gré ou de force, vraisemblablement, la vie religieuse elle-même dut en tenir compte. Et l’église, de Salm désormais, s’établit près du château.

Nous sommes ici vers le Xie siècle ou même peut-être le XIIe.
Depuis, au même emplacement, plusieurs bâtisses se sont succédé, chaque fois agrandies sûrement. Cinq ou six, peut-on admettre, si l’on tient compte de l’histoire locale et des modes de construction d’autrefois.

Et depuis également, le cimetière créé autour de l’édifice a accueilli les défunts jusqu’en 1873.
Dès lors, est-ce exagération que de parler de dizaines de milliers de morts, alors qu’à la fin du 18e siècle, par exemple, et sans compter ceux du ban des Halleux, il se faisait chaque année à Vielsalm environ 75 enterrements ?

Les édifices successifs, les tombes par milliers, celles de gens modestes et celles de personnalités, tout cela aurait dû, semble-t-il, laisser au sol un nombre considérable de vestiges. L’histoire locale y aurait trouvé une lumière plus vive.

Pourtant, au cours de déblais, l’an dernier, qu’a-t-on découvert ?
A notre avis, deux trouvailles surtout méritent de retenir l’attention.

Il s’agit de deux pierres. L’une, en arkose, ayant constitué des fonts baptismaux. L’autre, la pierre tombale d’un chevalier.

Laissant pour l’instant la première, pourtant bien caractéristique et plus ancienne nous voudrions ici insister sur la seconde.

Au moment de la découverte, on en a parlé déjà. Par sa masse, son caractère artistique marqué, son genre, elle a normalement frappé l’attention. Il n’est pas inutile, pensons-nous, d’y revenir.

La pierre en question se trouve toujours provisoirement, à l’heure actuelle, dans la cour de l’école libre à Vielsalm.

Il s’agit d’une dalle de granit mesurant 2,54 m. de longueur, 1,24 de largeur et 0,21 d’épaisseur. Autour de la pierre et longeant les bords, des bandeaux creux ; vraisemblablement, il y eut là une épitaphe en métal. Puis, comme cadre général, une brillante décoration de style ogival.

La partie centrale et maîtresse de la décoration présente un chevalier en armure. Au bas du gisant, un bouclier avec les deux saumons de SALM. Sur la cotte de mailles, deux grands saumons ; celui du côté droit apparaît très clairement, et mesure 0,92 m. Au côté gauche, une épée.
La tête est nue, avec cheveux retombant sur le côté. Mais la figure est occupée par un creux qui a dû contenir une matière autre que la pierre. Un creux également, sur la poitrine, indique la place des mains, jointes pour la prière.

Au-dessus de la tête du gisant, une main bénissant.
Plus haut, trois petits creux dont deux en forme d’anges tournés vers le troisième.

Enfin, à côté, dans la partie supérieure, deux enfants pourvus chacun, en forme d’ailes, de deux saumons, et accompagnés de l’écusson de Salm.

Le coin inférieur gauche est sérieusement ébréché. Il apparaît en outre avec une usure très marquée qui a enlevé entièrement le dessin décoratif selon un triangle d’environ 75 cm, pour chaque côté de l’angle droit.

Pour les restes de quel personnage la dalle a-t-elle été taillée ?

A en juger par les détails qui la décorent, elle se rapporte à un membre de l’ancienne famille seigneuriale de Salm, qui ne peut-être qu’un comte même.
On a dit que cette décoration serait attribuable au XVe siècle. Et comme est décédé en 1415 le dernier comte de Salm de la maison de VIANDEN, Henri VII, on en a conclu que la pierre tombale en question ne peut être que celle de Henri VII.

Conclusion un peu hâtive, nous paraît-il. Car, à les examiner soigneusement, les motifs décoratifs présentent un style général qui n’est pas celui du flamboyant, mais d’une époque antérieure. Pour notre part, nous les attribuons au XIVe siècle ; et nous avons entendu défendre également cette opinion par d’autre que nous, de façon nette.

Dans ces conditions, il est malaisé d’admettre le nom du comte Henri VII comme étant celui du personnage pour lequel la pierre a été réalisée. Mais on pense plutôt à son père, Henri VI, décédé en 1359 ou 1360.

D’autres détails confirment d’ailleurs cette opinion.
Les motifs décoratifs constitués par les deux enfants figurés au-dessus du gisant apparaissent manifestement comme étant d’une facture différente de celle du reste du travail. Ils offrent moins de finesse et moins de symétrie. Ils sont d’une autre main.

Ils se présentent aussi comme constituant une ajoute au dessin d’abord conçu et réalisé par l’artiste. Un effort sincère de l’esprit permet facilement de s’en rendre compte, et qu’il y a là un complément de décoration, qui a sa signification, sans doute, mais dont l’absence ne nuirait nullement à l’ensemble.

Cet ornement signifierait, a-t-on dit, des enfants morts tout jeunes, enfants du personnage représentés par le gisant.

Ce ne peut être le cas pour Henri VII. A son décès en 1415, on le sait formellement, celui-ci n’avait plus aucun héritier. Son épouse, Philippine de SCHOONVORST, était décédée déjà avant juillet 1399. à cette dernière date, trois enfants lui restaient, Henri, Jeanne, Marie, mais des enfants assez grands ; ils mourront sans descendance avant leur père. En 1415, celui-ci était donc seul, depuis plusieurs années déjà.

Comment, dès lors, expliquer que sur sa dalle mortuaire, confectionnée après 1415, on aurait fait mention, ultérieurement encore, de motifs rappelant des enfants décédés combien d’années avant leur père ?

Toutes ces considérations nous écartent de l’opinion selon laquelle la dalle concernerait Henri VII.

Mais il semble bien plus plausible de penser ici à Henri VI.
Celui-ci laissait une épouse, Mahaut de THUIN, qui lui survécut de plusieurs années, et au moins un fils, Henri VII ; tous deux ont pu se préoccuper, de la sorte et normalement, de la tombe de Henri VII.

Telle qu’elle a été mise au jour l’an dernier, la dalle gisait sous une couche de remblai, dans le chœur de l’ancienne église, près de l’autel ; sa disposition permet d’admettre qu’elle avait déjà été déplacée, avant d’être recouverte par le remblai, et pour servir à un usage autre que celui de couverture d’une tombe.

De ce fait, il y a lieu de déduire qu’elle ne se trouvait à cet endroit, invisible, depuis la construction de l’église en 1715.
Or, voilà qu’elle nous revient dans son état du début du XVIIIe siècle, c’est-à-dire avec de l’usure par les pas et dépourvue de sa décoration métallique.

Quelle était cette dernière ? Cuivre, bronze, argent ?

Quel serait le motif de sa disparition ? On peut émettre sans doute, à ce propos, plusieurs hypothèses.

Il ne serait pas exclu, croyons-nous, de penser qu’il s’agirait ici de faits de rapines et brigandage militaires.
Précisément, notre région a souffert, au début du XVIIe siècle, de bandes armées hostiles au culte catholique. N’a-t-on pas vu, en 1636, les Hollandais brûler la maison pastorale de Vielsalm et interdire la célébration de la messe dans l’église de Salm ? Et en 1631, d’autres bandes piller l’église de Saint-Martin (Bovigny) et la chapelle de Courtil ? Tant d’actes de violences ont été commis au siècle de malheur !

Le plan d’aménagement de la nouvelle église de Vielsalm et de ses abords comporterait, paraît-il, l’utilisation de la vieille dalle funéraire d’Henri VI. Elle serait encastrée dans l’un des murs de la tour.

Ce serait là une belle réalisation. Elle conserverait à Vielsalm, qui en a tant perdu, un beau vestige du passé.

Gaston REMACLE

jeudi 30 juillet 2009

« Vieu Chasteau » et « Vieille Saulme ».

(publié dans L'Annonce de Vielsalm, le 13 mars 1955)

Nous avons relu avec beaucoup d’intérêt l’étude de M. VANNÉRUS qu’a publiée ce journal dans ses deux derniers numéros, étude relative aux deux gâteaux de Salm-en-Ardenne.
Elle a retenu l’attention de bien des lecteurs.
Aussi, sans autre souci que celui de l’information, voudrions-nous verser au dossier de cette affaire des éléments complémentaires. Ils sont tirés d’une grande quantité d’archives des 16e et 17e siècles, que nous avons pu consulter, et dont ne fait pas état M. VANNÉRUS. Le lecteur pourra ensuite facilement tirer lui-même la conclusion.

Le « vieu chasteau ».

Qu’il y ait eu, à l’époque féodale, une forteresse à l’endroit devenu Vielsalm il n’y a pas à en douter.
On l’a dit déjà : la place de ce château nous est signalée par un record de justice du 18 novembre 1561 selon lequel « Gilles le Moulnier de la Vieille Saulme » a reçu héréditairement en fief le 9 septembre 1560, de la comtesse de Salm Elisabeth de HENNENBERG « la place appelée le Vieu chasteau gisant au dit Vielle Salm ».
Après 1560, cette dénomination de « vieux chasteau » s’est maintenue trois siècles encore à Vielsalm, et effectivement pour désigner l’endroit occupé actuellement par la villa de Madame MOUTON.
À ce sujet, nous avons recueilli dans les archives une série de mentions, parmi lesquelles les suivantes.

  • 1634. – « La succession féodalle » de « Maron vefve de feu Pier Gillet en son vivant mayeur consistant premièrement en la maison et chastesse situé à la Vielle Salm dit le vieu chasteau … ».

Pierre GILLET signalé dans ce texte est le fils de Gilles le meunier de Vielsalm, mentionné ci-dessus. Depuis 1560, une maison a donc été construite sur la place du vieux château, par Gilles ou son fils Pierre.

  • 1637. – « Gillet de Hottechamps assisté de Henry de Bodeux son beau fils […] vend et transporte à Collet Rosseau de la Vielle Salm […] sa parte et action des estableries, graingne, jardins aux arbres, et courtys derrier la dite graingne, de la maison et chaisteresse de ses beau père et mère situé au vieux chasteau, à la vielle Salm, derrier l’église … ».
  • 1664. – « Le 18 janvier 1664, par devant Prévost et hommes féodaulx du Comte de Salm comparant en personne le Sr Jean Salentin Pierrez mayeur de cestuy comté lequel at déclaré avoir vendu dez le 2 du mois 8bre de l’an 1662, à son beau frère Lambert Raymundy ce acceptant pour ses enfans procréez avecq sa femme, soeure au dit vendeur […] sa maison, appendice, et appartenances, cortys potagiers, jardins aux arbres extant aux granges, Estableries, et générallement toutte action qu’il peult avoir dans les Bastiments du vieux chetteau tant de son chef que frères et soeures, oncles, et cousins … sans rien exclure, ny horsmettre dans le circuit du dit vieux Chetteau, … ».

Jean Salentin PIERREZ qui vient d’être cité est l’arrière-petit-fils en ligne directe de Pierre GILLET. Lambert RAYMUNDY, liégeois d’origine, habitant Vielsalm, a épousé Anne sœur de Jean Salentin.
Après cette date, la place en question est l’objet de plusieurs successions et ventes. Une nouvelle maison y est bâtie vers 1665. Citons quelques textes :

  • 1674, 30 janvier. – « Anne vefve de feu Lambert Raymundy » achète aux orphelins Léonard BELHOMME de Rogery « la sixiesme parte du grand estable appartenant aux dits orphelins gisant sur le vieux chasteau […] Item la sixiesme parte de la gagière de la neuf maison et de son aisance gisante au même lieu dit vieux chasteau […] Item la sixiesme de la grange et estable des vaches au même lieu. Item la sixiesme parte de l’estable de moutons ioindant à la chavé et d’un costé à l’acquérante ».
  • 1696, 19 décembre. – « Le Sr Erich Adolphe Foccart prévost de la terre et comté de Salm pays de Luxembourg […] et dame Elenne Raymundy son espouse » (Hélène RAYMUNDY est la fille de Lambert RAYMUNDY, déjà cité), et le « Sr Jean Querin Doeumer et Elisabeth sa soeure » effectuent un partage selon lequel « la maison du vieux chasteau où ils résident la gagère de la neuve maison et générallement touts batimens scituez au dit vieux château avec les potggers et à herbe contenus dans son circuit sans aucune réserve ny exception seront et demeureront uniquement à sa dite soeure Jeniton … ».

Bientôt de nouvelles familles vont intervenir dans la propriété de l’endroit.

  • 1740, 28 juin. – « le Sr Jean Louis Coster cède au Sr Jean Raphaël bourgeois marchand résident à la Vielle Saulme […] une place de maison scituée au dit Vielle Saulme au lieu nommé le vieux château, joindant du dessous aux écuries du Sr Foccart et du deseur au jardin du Sr Louis Meurice procureur d’office moderne du comte de Salme … ».
  • 1776, 18 janvier. – « la demoiselle Marie Catherine Meurice veuve de Bartholomé Comté de Vielsalm […] et Pierre Meurice natif du dit Vielsalm résidant à Mont Petit Halleux, lesquels déclarent d’avoir vendu […] au Sieur Jean Bernard Otte mayeur et receveur du comté de Salme et au sieur Servais Lemoine marchand à Rencheux, ici présens acceptans un terrain et vieilles masures gisans au lieu dit le Vieux Château contigu derrière au Neuf Bâtiment construit par les acquerans au même lieu … ».









Jean Bernard Otte (1719 – 1793) finira par posséder à lui seul toute la place. Après lui, son fils Jean François Joseph (1760 – 1838), puis les héritiers de celui-ci jusque bien avant le 19e siècle.

  • 1835, 7 octobre. – « les habitants du bourg de Vielslam s’obligent solidairement à mettre à la disposition de l’entrepreneur qui sera chargé de la construction de la partie de cette route, depuis la maison du Sr Jean Nicolas Wathelet situé à Vielsalm jusqu’au mur qui ceint, vers le midi, la prairie ou enclos, nommé le vieux château, appartenant au sieur J.F.J. Otte de Vielsalm, toutes les corvées ou mains d’œuvre nécessaire pour enlever et transporter les pierres et terres existant sur ce point, afin d’opérer les déblai et remblai déterminés par les plans… ».

Ce dernier texte se rapporte au projet de construction de la grand-route de Trois-Ponts à Salmchâteau, qui ne sera toutefois réalisé que dix ans plus tard.
Malgré l’abandon du château avant 1362, puis sa ruine, le souvenir de cette demeure seigneuriale s’est donc conservé plusieurs siècles durant dans la toponymie de Vielsalm.

La « vieille Saulme ».

Le sens du déterminatif accompagnant le terme Salm pour composer le nom de Vielsalm devait être, aux 16e et 17e siècles, bien mieux connu que de nos jours ; on se trouvait en effet, à ce moment, plus près des origines de l’endroit.
Or, une quantité de documents de cette époque, dont ne fait pas état M. VANNÉRUS, donnent sans nul doute à ce déterminatif le sens de vieux.
Nous avons recueilli à ce propos une abondante documentation qu’il n ‘est pas possible de détailler ici.
Aux actes de la Cour de Salm, par exemple, George WIROTTE, qui est clerc juré de la Cour durant une trentaine d’années aux environs de 1600, mentionne toujours Vielsalm par « vieille Saulme ». ses graphies de cette forme sont innombrables. Or, Georges WIROTTE n’est pas un étranger dans le pays, ignorant du passé de Vielsalm ; son père et son grand-père étaient de Goronne où la famille WIROTTE se trouve déjà vers 1450.
D’autres documents de l’époque parlent même de « Salme la vieille ».
Un peu plus tard, à partir de 1636, les actes de la paroisse de Salm nous donnent aussi des indications intéressantes.
Dans ses actes de baptême, par exemple, et jusqu’à la fin de son pastorat en 1661, l’abbé Pierre GOMÉ, curé de Salm, mentionne toujours Vielsalm par « veteri Salma » ; il y a ainsi des centaines de mentions. Or, Pierre GOMÉ, lui aussi, connaît bien Vielsalm, parce qu’étant du pays et peut-être de Vielsalm même ; on rencontre des familles GOMÉ dans la région vers 1600, à Vielsalm, Cahay, Bêche.
Du 13 mars 1661 à 1700, les successeurs de Piere GOMÉ continueront de donner au déterminant viel le sens de vieux. Nous avons relevé dans les actes de baptêmes, pour cette période, 323 mentions de Vielsalm, soit 200 veteri Salma, 114 antiqua Salma, et 9 mentions en langue française (vielle Salm, viele Salm, viel Salm).
Par contre, à plusieurs reprises, apparaît la graphie Salma nova ; mais elle concerne Salmchâteau, ou plutôt une partie de cette localité. À cette époque, cette dernière localité comporte deux groupes habités considérés comme tout à fait distincts : l’un Bas château ; l’autre, signalé généralement sous le nom Salm, parfois comme « Salma nova », « Salmis de Castro », « Salma ad arcem ». avec le 18e siècle, le terme Salmchâteau finira par s’imposer.
D’autres considérations pourraient encore intervenir au sujet du passé de Vielsalm.
Ainsi, comment expliquer la présence du siège paroissial à cet endroit, déjà au 18e siècle pour le moins, sinon par le fait du voisinage de la demeure seigneuriale. De gré ou de force, dans l’esprit de l’époque, la vie du château aura fixé là le centre de vie religieuse.
Il est toutefois deux autres questions que n’aborde pas l’étude publiée de M. VANNÉRUS ; elles en dépassent d’ailleurs le cadre.
D’une part, que signifie le terme SALM, et comment expliquer sa présence dans l’appellation de Vielsalm ?
D’autre part, qu’y avait-il, avant la construction du château, sur le promontoire ayant servi de berceau à la localité ?
Deux problèmes intéressants pour l’histoire de la localité et de la région.

Gaston REMACLE

De l’exploitation des ardoises et du coticule au Comté de Salm, antérieurement à l’an 1625.

(publié dans les Annales de la Société géologique de Belgique, tome XXXVIII, 1910-1911, BB 3 à 5)

J’ai eu l’occasion, il y a peu de temps de lire un ouvrage devenu très rare, qui n’existe plus à ma connaissance qu’à la Bibliothèque royale de Bruxelles, et qui donne quelques renseignements sur l’exploitation du coticule et de l’ardoise du Comté de Salm ; je crois intéressant de transcrire tels quels les passages de ce travail concernant cette industrie, ainsi qu’un autre passage vantant les qualités d’un « pouhon » de la région.

Le titre de l’ouvrage est celui-ci :
« Déclaration chronologique concernante la vertueuse et mémorable vie S. Symetre, prestre et martyr. Entremeslée d’une chronographie tant des lieux de sa conversation que de plusieurs autres. Translatée et augmentée par M. Christophe de Gernichamps, Pasteur de Villers-S. Gertrude, au territoire de Durbuy ». (Imprimé à Liège par Léonard SHEAL, imprimeur-juré, en l’an 1625)

« annotation. Chronographie du Comté de Salm [suite]
D’avantage ce territoir a ce bonheur qu’il produit des pierres de moulin, et a mesme des carrieres à tirer des pierres propres à tout usage de massonerie. On y voire en une montagne pas fort distante du château se voyent plusieurs fosses d’où l’on tire des escailles très propres pour les couvertures des édifices, lesquelles en ce sont admirables, qu’elles se peuvent fendre si menuement et délicatement qu’on les peut quelque peu fleschir avant qu’elles se viennent à rompre estantes aucune d’une couleur perse, d’autres verdes.
L’usage et le soleil les endurcissent tellement que ne cédantes pas au fer, les cloux avec lesquels on les attache se trouvent consommez et mangez par la rouille, icelles demeurant entières ; et voilà pourquoi on en fait grand cas, les menant par navigation jusqu’en Hollande, Zélande, Angleterre et autres provinces, ce qui cause grand profit aux habitateurs de ce lieu.
D’où vient que parfois sont à voir des ouvriers s’employans alentour de cet ouvrage à nombre de septante et davantage lesquels vivent sous des loix et statuts particuliers tels, que si quelque difficulté ou doute entre eux survient, ils ont recours à iceux, ce qui cause qu’ils sont toujours très concordés et unanimes.
Mais à cause que leur vocation est fort pénible et laborieuse, ils se recréent quelquefois par boisson et d’autant qu’en taillant et fendant les roches il peut arriver que quelque lourde pièce de quelque rocher tombant dans les fosses et concavitez, vient à mettre tout en dégast par prevoyance et indices que le naturel des rochers leur a par expérience enseigné ils eschapent facilement semblables périls, de façon qu’iceux bien rarement se trouvent accablez ni endommagez aucunement. De mesmes pierres se font des tablettes très comodes à recevoir la croye, petites et grandes, portatifères autres lesquelles on apporte comunément es régions estrangères.
Outre tout quoi, il se trouve proche des fondations du Chasteau des queües à aiguiser toute sorte de ferremens [coticule], les plus exquises singulières et rares qui se peuvent recouvrer en aucun pays voisin comme attestent ceux qui les ont expérimenté. D’où ils ont prins occasion de les transporter annuellement en grand nombre aux relevées foires de Francfort et de là à Venise et ès autres provinces.
Celles sont d’une couleur jaunastre tirant sur le blanc, mais le moyen avec lequel on les tire est assez dangereux, partant que ceux qui les veulent mettre au jour se trainent par des trous soubterriens de bien longue estendue et fort estroitz, tellment qu’ils sont contraints par nécessité se trainer et grimper avant qu’ils arrivent aux lieux prétendus ; ou estant ils les tranchent du rocher selon les veines trouvées et menées et taschent les ayant préparées (ou le commodité de la place le permet) les jeter en lumière ; duquel œuvre ils sont pour le plus souvent empeschés et retardés au temps d’esté pour la crudité du lieu subterrien, et de sa froidir excessive. De façon que tant plus piquante et aprè est la froidure de l’hiver, tant plus aisément font ils leur besoing.
Cette contrée… elle est arrosée du fleuve nommé Glaine [La Glaine ou le Glain est l’ancien nom de la Salm] produisante de très bons poissons comme truites, barbillons et autres au bord et rivage duquel se voit une fontaine acide ou comme on dit vulgairement pouhon [Près de Grand-Halleux probablement], de mesme naturel que celuy de Spa, on y voire le surpassant en légèreté tesmoin l’expérience, en sorte que d’aucuns personnages d’auctorité l’on à icelle préférée ; ses effects sont de purger l’estomach, donner appétit, deschasser l’hydropisie, refroidir de foye, rompre la gravelle. La preuve de tout quoy est, partant que les paysants de ce lieu qui en boivent ordinairement ne se trouvent jamais atteints de ces infirmités ».


J’ai trouvé ce passage intéressant en ceci qu’il est de ceux qui donnent le plus de détails sur ces exploitations anciennes, qui ont si peu changé aujourd’hui si ce n’est que les exploitants du coticule s’éclairent à présent à l’acétylène et se protègent sous des boisages encore très primitifs ; ce qui a en tous cas le plus changé, c’est la foi dans l’omnipotence du pouhon de Grand-Halleux pour soulager tous les maux des humains. Dans cette région, le mode d'exploitation des ardoises est, comme on le sait, resté bien simple encore comme d’ailleurs celui du coticule ; l’exploitation en est presque partout discontinue et de fait au fur et à mesure de la commande dans presque toutes les carrières. Les progrès de l’exploitation des mines n’ont fait qu’effleurer cette contrée, où la lutte pour la vie n’a point encore créé la concurrence, protagoniste du progrès économique.

Charles FRAIPONT, ingénieur Civil des Mines, assistant à l’Université.

Vieux chemins au pays de Salm.



(inédit ?, 1959)

L’étude de la voirie de la région nous amène à conclure que le moyen âge, particulièrement après les XIe et XIIIe siècles, a vu s’établir un réseau de chemins nouveaux. Il témoigne de relations humaines différentes de celles des temps antérieurs, et il révèle d’autres préoccupations.
C’est un fait général qu’avec la fin des grandes invasions, plus de sécurité renaît. La population s’accroît. De nouveaux groupes d’habitations se créent, tandis que les anciens, qui ont survécu, prennent de l’ampleur. Des centres de la vie chrétienne naissent, rayonnent, et appellent la population, tels, ici, ceux de Stavelot et de Malmedy, et des paroisses s’organisent.
Le commerce aussi, peu à peu, prend de l’essor, provoque déplacements de personnes et charrois.
Inévitablement, les voies de circulation vont s’en ressentir. Elles n’auront plus des ambitions de longues distances et de sécurité qui exigeaient la ligne droite et le maintien sur les hauteurs. Mais, reprenant parfois des tronçons d’anciens chemins, sans doute, ailleurs elles s’en écartent selon les besoins plus immédiats, et elles iront d’une localité à l’autre, et, plus que leurs devancières, éviteront les fortes pentes.

Nous croyons avoir relevé quelques-uns de ces chemins ainsi créés à cette époque, et qui se sont maintenus jusqu’à la naissance de la voirie moderne plus parfaite et répondant à d’autres nécessités.

Leurs traces en sont, en général, toujours visibles ; au temps de notre jeunesse encore, des pas familiers leur restaient fidèles.

De Rogery, que l’on rejoignait facilement en venant d’Ourthe, de Beho et d’Audrange, un chemin prenait la direction de Stavelot. S’y raccordaient les charrois et les pas de la région de Bovigny, Cierreux, Bèche, Neuville.

Presque en ligne droite, il passe d’abord à gué le ruisseau de Cierreux, gagne l’extrémité est de Burtonville sous le nom de voye de Rogery, descend vers Sart-Hennard, passe la Salm, devient la grande vôye en abordant Petit-Thier, traverse Petit-Thier monte vers Les Plins passe au pas d’âne et se dirige alors vers Malmedy. Avant qu’il n’aborde Les Plins, une bifuraction s’en détache, descend à gauche vers Mon-le-Soie où vient le rejoindre un autre venant de Vielsalm par le gué de Tienne-Messe, la halinne vôye aujourd’hui désaffectée entre Priesmont et Ville-du-Bois, Rond-Chêne, Mon-le-Soie ; le chemin commun s’engage alors vers le haut de Logbiermé et vers Stavelot.

Un texte de 1753, qui le mentionne clairement : « un champ gisant à Mont le Soie desous le grand chemin de Salm à Stavelot » (CS 1753-1757/29) ; à l’Atlas des communications vicinales de Vielsalm, le tronçon qui précède Rond-Chêne est cité comme « chemin du village de Ville-du-Bois à Stavelot ».

A Mon-le-Soie a croisé ces derniers chemins un troisième qui conduit à Recht par Mon l’gros où il retrouve le chemin beaucoup plus ancien de Lierneux à Recht. Il constitue toujours, actuellement, la voie assurant les relations Grand-Halleux et Mon-le-Soie. A l’est de Mon-le-Soie, il est repris par les pâtures et les bois.
Une mention de ce chemin, du 16 août 1684 : « une demy iournée à la croix Jean Giet desseur le hour ioindant des deux costés aux hres Matthy Georis du hour et d’un autre au chemin allant vers le Soye » (CS 1683-1718/43).

Par rapport à Grand-Halleux, il présente un tracé plus court et une pente moins raide que la voie plus ancienne qu’il rejoignait donc vers Mon l’gros.

Du fait du passage de ces chemins, il n’est pas étonnant que des habitations se soient érigées pour constituer le hameau de Mon-le-Soie. L’endroit était déjà habité à la fin du XVIe siècle. Etre autres, ces mentions d’archives :

  • 1607. « Gillet des Soyes [émancipe] Jean son filz aagé d’environ quinze à seize ans » (CS 1602-1609/224vo).
  • 1621. « Jean des Soyes l’aisné… tourne en habot… le pré gisant aux Soyes, gisant pardessouz la maison du dit Jean tenant du costé inférieur au ruisseau et d’un autre endroit à Gillet » (CS 1617-1622/47)

Les dénombrements de 1561 et 1575 font état de « Jean de Soye » parmi les chefs de ménage d’Ennal dont Mon-le-Soie peut-être considéré comme une extension. Actuellement, Mon-le-Soie ne comprend plus qu’une maison et un ménage.
A notre avis, selon les mentions d’archives, l’endroit s’est d’abord dénommé Soye ( = petite scierie). Mon-le-Soie serait, selon le langage de la région, « chez le Soye », ou « chez la Soye ».

La direction de Recht a provoqué aussi une modification à un chemin plus ancien, celui qui, venant de l’ouest par Petit-Thier, vôye wiême et vers Recht.

A partir de bètch do thier, et via la croix du français, un autre tracé s’est établi. Il reste à mi-hauteur de la colline et permet d’éviter une pente assez prononcée.

Toutefois, la partie basse de Petit-Thier, et Blanchefontaine empruntaient, vers Recht, un autre chemin, parallèle au précédent et un peu plus bas.

Deux mentions :

  • 1598. « une pièce de terre derière les champs que tient présentement Jean Jeannette du petithierme tenant … pardesseur et pardessouz aux deux chemins de Reth » (CS 1587-1622/7).

1717. « certain champ … gisant au lieu vulg. Appellé le gotay Noel, joindant d’embas au chemin conduisant à Reth » (CS 1702-1725/171vo)

il avait, jusqu’à Poteau, le tracé actuel de la grand-route de l’Etat. Puis, par Moldenberg, il rejoignait le chemin venant de la Croix du Français.

Avant de quitter cette ectrémité du pays de Salm, signalons encore, entre Poteau et Recht, deux chemins coupant la grand-route de l’Etat, et se rejoignant au nord-ouest avant d’arriver à Ochsenbaracken, pour se diriger vers Malmedy.

L’un vient de la région de Crombach et Thommen, et s’approche assez près de Recht qu’il laisse à droite.

L’autre, à la borne 95/, de l’ancienne frontière, se détache du vieux chemin Stavelot-Luxembourg, et s’en écarte et vers l’est. Normalement, devaient le suivre les charrois venant de la région de Commanster et Beho. Avant d’arriver à la maison de M. Pierre DEJOSÉ qu’il laisse à droite, il a suivi un instant le tracé même de la grand-route actuelle Poteau-Recht. L’endroit où il l’abandonne, et ses environs, porte le nom, au cadastre et dans le langage local, de Salmwege.

L’essor de la ville de Liège et du nord du pays a influencé également la voirie de la région de Salm, y provoquant la naissance de chemins.

De Beho et environs, on peut marquer le début de l’un d’eux. Longeant la rive droite du Glain, il le franchit au pont de Saint-Martin, gagne Longchamps (Bovigny), tend vers Honvelez qu’il laisse à droite, descend vers la Ronce en obliquant légèrement, remonte en laissant Provedroux à droite, se dirige vers le moulin KOOS de Sart, puis le Crin-do-Sart, Arbrefontaine, et prend la direction du nord-ouest.

C’est sans doute ce chemin des environs de Erria-Bra signalé par ce texte de 1533 : « une certaine pièce d’héritage … qu’on diest minafays … ioindant d’un costet au chemin tendant de Salme à Liège doultre parte à la Cour de Hierloz et d’autre parte au prés et héritages du dit Enriaulx » .

(H.LEMAIRE, Notice sur la paroisse et l’ancienne vicomté de Bra, Liège, Donnay, 1882, p.24vo.)

Il a déjà porté le nom de « pasay de Lîdje » ou « vôye di Lîdje » en amont du gué (aujourd’hui pont) de Djivni (à l’ancien chemin d’Ourthe à Rogery).

  • 1569. « un champ sartable un peu plus haut, par de là le wy de Gevingny, joindant du costé du midy au Pasay de Lîdje, et de l’orient à la voye d’Ourte ».

(L’abbé C. GUILLAUME († 1944, curé émérite de Burtonville) qui cite ce texte dans ses notes manuscrites, ajoutait : « Nous en avons de plus récents, avec les mentions de « voie de Lîdje », et qui ont trait au même chemin ».)

La dénomination de vô de Lîdje lui est toujours attribuée près de Honvelez, et elle se rencontre également à Arbrefontaine.

Deux mentions à ce propos :

  • Du 28 septembre 1901 : « Pierre Kaifve et Jean Hubert Malsoult ambedeux d’Arbrefontaine [font un échange de terrains dont] un champ gisant à la voye de Liège » (CS 1587-1622/122).
  • Du 15 mai 1730 : « François Mottet d’Arbrefontaine … a mis en gage une demy journée de champ lieu dit à la voye de Liège finage du dit lieu » (CS 1730-1734/5).

A remarquer qu’après le pont de Saint-Martin, ainsi que sur la comune de Lierneux, il s’est confondu avec des tronçons de plus anciens chemins.

Celui qui passe au moulin KOOS de Sart et jusqu’au Crin-do-Sart est signalé en 896 : « via ad campum eorum Anglariam ducens ».

(HALKIN/ROLAND, Les chartes de Stavelot-Malmedy, T.1, p.116)

les localités de Cierreux et Rogery se raccordaient à ce chemin au-dessus de Honvelez. Gouvy le rekoignait à Bovigny par la vieille vôye de Sâm. Bihain, Goronne, Rencheux et Vielsalm le retrouvaient à Arbrefontaine. Tandis qu’un autre courant s’y rattachait au-delà d’Arbrefontaine, passant par Mont-Petit-Halleux, et amenait les voyageurs du ban des Halleux, de Ville-du-Bois, Petit-Thier et plus loin. Petit-Thier atteignait Mont par le bois Cheneux, Rond-Chêne (le chemin passe à une centaine de mètres au sud de Rond-Chêne), Hourt et le gué du Glain.

On peut dater de la première moitié du quatorzième siècle la construction du château de Salm, près de Salmchâteau. Elle a été le point de départ de la naissance de la localité voisine.

Mais une série de chemins apparaissent ainsi comme rayonnant de l’endroit ; ils ne s’expliquent que par la vitalité du manoir féodal qui a provoqué et appelé des relations humaines.

L’un tend vers Lierneux par La Comté, Crin-do-Sart, Menil où il retrouve une plus ancienne voie. La Comté est né sur son passage.

A La Comté, le croisait un chemin venant de Vielsalm, et Rencheux pour gagner Ottré et la région de Bihain.

Un autre, par Haironde, permet de se rendre à Cierreux, Rogery, et Bovigny.

Un troisième, passe le Glain avec le précédent, prend la direction de Taillis né à son passage, puis Commanster, où il se raccorde à d’autres voies vers l’est et le sud.

Enfin, signalons le raccord Salmchâteau-Vielsalm, par Basse-Ville – où il semble bien qu’il faut voir la naissance de Salmchâteau – et Pont-des-Perches, où l’on franchit le Glain, autrefois par un gué. Après Pont-des-Perches, se détachait la route dite des Chars-à-Bœufs à Vielsalm, qui à Neuville se prolongeait par la « vô d’Saint Vé », donc vers Saint-Vith (via Burtonville et la borne 95 de l’ancienne frontière Belgo-prussienne).

Dans cette région du pays de Salm, les routes modernes ont créé un nouveau courant de circulation. Il faut citer ici la route de Trois-Ponts à la Baraque-de-Fraiture par Vielsalm, Salmchâteau, Hébronval, créée en 1846 ; celle, de 1849, qui s’en détache à Salmchâteau et qui court vers le Grand-Duché de Luxembourg ; enfin une troisième, de Vielsalm à Poteau et plus loin, en 1856.

Le perfectionnement de plus en plus poussé des moyens de locomotion, exigeant des routes sans ornières et bien entretenues, a fait le reste. Les vieux chemins tombent en désuétude. Bientôt, repris par les pâtures et les bois, on n’en retrouvera plus qu’à grand-peine de vagues traces.

Gaston REMACLE


mercredi 29 juillet 2009

Carrières.

Des fragments en nombre considérable d’ardoises pour toitures ont été retrouvés sur l’emplacement de villas gallo-romaines qui ne sont pas tellement éloignées de Vielsalm : à Mont-Houffalize, à Sommerain, près de Limerlé et près de Bourcy.
D’où venaient ces ardoises ? On ne sait. En tout cas, le schiste ardoisier des environs de Cahay est d’excellente qualité et il ne serait nullement étonnant que celle-ci ait été reconnue au début de notre ère déjà.
Les archives ne disent rien à ce propos, à notre connaissance.
Des auteurs signalent comme probable l’exploitation de notre schiste ardoisier aux temps de Rome, mais sans indiquer sur quoi se fonde leur opinion.

( R. DE MAEYER, De Romeinsche villa’s in Belgie, Anvers, 1937, pp.47 et 303 ; C. DUBOIS, Vestiges antiques dans les cantons de Malmedy et de Saint-Vith, dans Folklore Stavelot-Malmedy, 1947, p.14 ; G. JOTTRAND, Vielsalm et ses environs ; C.-J. COMHAIRE, L’emploi de l’ardoise pour couvrir les toitures, dans A.S.A.B. T.XV, 1901, pp.365-372)

Pour Gaston REMACLE, il estime que l’observation soigneuse du thier allant des Quatre-Vents au Gros-Thier perçoit des signes révélant le long passé des exploitations primitives.
C’est que les derniers terrils situés du côté de l’est présentent un aspect fort ancien. Ils ont même été contournés pour une exploitation plus récente, mais encore à ciel ouvert alors que l’exploitation moderne est souterraine depuis un certain temps déjà, et s’est portée davantage vers l’ouest.
L’œil attentif découvre des signes d’une autre valeur encore, des chemins. Le bas du thier, près des plus anciens terrils, apparaît comme un centre de rayonnement, dans toutes les directions, de voies présentant les caractéristiques des chemins des premiers siècles.
Mais un tel centre de rayonnement, de force expansive, ne se justifie que par la présence fort active de l’homme. Ici, seule l’exploitation des couches du thier peut l’expliquer.
Gaston REMACLE croit donc qu’il y a lieu d’admettre, sur base des signes toujours marqués au sol, que la fabrication des ardoises, dans la région de Vielsalm, a été entreprise sur une échelle sérieuse au début de notre ère.

Quant à la pierre dite « à rasoir », et qui se rencontre notamment près de Salmchâteau, les Romains en ont-ils pratiqué l’industrie ?
Les travaux auxquels ils se seraient livrés éventuellement à ce sujet ne pouvaient être importants, vu le peu d’ampleur des endroits d’extraction. On n’en a trouvé aucun vestige. Les archives non plus n’en font pas mention.
Gaston REMACLE précise qu’il n’a jamais rencontré de pierre à rasoir dans un musée archéologique.

Chemins.

La grande voie romaine de Reims à Cologne passait à proximité du pays de Salm. De Bastogne, elle atteignait Haut-Bellain, arrivait aux environs d’Audrange, puis d’Hinderhausen, et gagnait Meyerode, Bullange, Rocherath.

(C. DUBOIS, Vestiges antiques dans les cantons de Malmedy et et de Saint-Vith, dans Folklore Stavelot-Malmedy, 1947, pp.18-19.
G. REMACLE pense qu’elle passait à Audrange même, Maldange et Hinderhausen)


Une des plus importantes de la Gaule du nord, on la date du premier siècle au moins.
Comme de toute voie principale à cette époque, des chemins secondaires ou diverticules s’en détachaient, et dont les traces nombreuses sont encore visibles à l’heure actuelle.
Il est même possible que certains de ces diverticules aient déjà été inscrits au sol au cours de l’âge celtique.
Tous respectent manifestement les principes caractéristiques des chemins de l’époque romaine : la ligne droite et le maintien des hauteurs.
Ainsi, des centres de rayonnement de ces voies nous sont apparus, notamment la base du Thier-des-Carrières, Audrange, Langlire et Lierneux, etc.
À signaler aussi particulièrement le vieux chemin de Stavelot à Luxembourg, par Poteau.

Le détail du tracé de ces chemins a été étudié dans les articles suivants :

Monnaies.

(mise-à-jour le 01/09/09)

En juin 1953, des fouilles entreprises en vue du captage de la source minérale de Hourt (Grand-Halleux) révélaient une surprise ; un dépôt d’une soixantaine de pièces très anciennes.
Une poterie fine, mais réduite en fragments, avait contenu ce trésor.
Les pièces, d’un alliage de cuivre et d’étain, étaient du deuxième siècle.
Plusieurs amateurs de la commune de Grand-Halleux se les ont partagées et les possèdent encore en grande partie à l’heure présente [1968].


Ndlr :

1) P. LEJEUNE dit que ces pièces ont été datées de la seconde moitié du IIe siècle (règnes d'Antonin et Faustine. 138-161) par Albert LEKEU, professeur de latin à l'école moyenne de Vielsalm.
(Les pièces romaines du pouhon de Hourt, dans G.S.H.A n°6 (1977) p.76)
2) A. L[EKEU] Le pouhon du Hourt, dans L'Annonce de Vielsalm du 12 juillet 1953.
3) L'inventeur de cette découverte était Abel JEUNEJEAN. Il y avait 64 pièces qui furent réparties entre 4 ouvriers travaillant à l'aménagement du pouhon : A. JEUNEJEAN en eut 40; MARCAS de Dairomont en aut 12; Camille NOEL en eut 10 et Joseph BARBETTE en eut 2. Toutes les pièces ne dataient pas du règne d'Antonin et de Faustine, sur certaines il s'agissait de Nero (37-68) et Commodus (180-192).
(C.G. Les pièces romaines de Hourt, dans G.S.H.A. n°7 (1977) p.73)

A travers l’histoire régionale, Vielsalm et ses environs :

(publié dans ?; le 28 octobre 1978)

Au temps de la préhistoire.

On appelle préhistoriques, les temps sur lesquels on n’est renseigné par aucun document écrit et précédant l’ère chrétienne. On se bas alors, pour connaître cette époque, sur des vestiges matériels. Ceux-ci ne manquent pas dans notre région ; ils permettent d’admettre qu’elle a été habitée déjà depuis fort longtemps et même par une population très active. De l’examen de ces vestiges, on peut conclure qu’ils se rapportent pour la plupart aux derniers siècles avant J.-C., ce qu’on appelle l’époque de la Tène, ou l’âge du fer, et qui a vu dans nos régions des populations celtiques.
Voici quelques-uns de ces vestiges.
  • Le camp dit abusivement « romain » au sommet du Gros-Thier entre Bèche et Salmchâteau. Il n’a rien de « romain » ; il a été édifié pour servir de refuge et de défense aux populations de ce temps-là.

  • Plusieurs tombes ont été découvertes et fouillées sur le territoire de la commune de Bovigny et aux abords, livrant des poteries, anneaux et bracelets, une hache.

  • Autre vestige : des pierre taillées en forme de fève de café, d’environ 40 cm. De longueur et destinées à servir de meules à broyer le grain. On en retrouve encore sur le banc d’arkose qui va des Quatre-Vents (Neuville) vers l’est, ainsi que près de Provedroux ; on a dû en fabriquer des quantités considérables.

  • Une longue série d’excavations pour l’extraction de la pierre d’arkose constitue un indice encore de cette époque. Partant des environs de Joubiéval, on la retrouve à l’est des Quatre-Vents, puis plus loin au-delà des Mauvaises-Pierres (Petit-Thier). On ne peut que lui donner un âge d’environ deux millénaires.

  • Entre autres, deux noms antiques de cours d’eau de la région témoignent aussi de la présence celtique. Il s’agit de GLAIN et SALM, deux termes que l’on rencontre dans toute l’Europe. Termes hydronimiques, c’est-à-dire désignant de l’eau. GLAIN se rapporte à « eau brillante » ; SALM à « eau un peu trouble ».

  • Le long de plusieurs de nos ruisseaux, particulièrement celui de Louxibou descendant vers Cierreux, celui de Bèchefa descendant vers Bèche, ainsi qu’aux sources du Salm, on constate la présence d’une quantité de tertres irréguliers et d’origine artificielle, des « tambales » dit le langage du pays. Ils appartiennent à une bande qui va du plateau des Tailles jusqu’à la haute Amblève. Les archéologues sont d’accord pour reconnaître qu’il s’agit là de résidus de délavages aurifères et ils situent leur origine à l’âge du fer. Il y a là une activité considérable.

  • On sait que la Gaule a été jadis un des pays grands producteurs d’or. César en a tiré des sommes considérables ; elles lui ont permis de conquérir Rome où l’abondance d’or, après la guerre des Gaules, fit tomber le rapport de valeur de l’or à l’argent de 1/11,91 en 150 à 1/8,39 en 50 avant J.-C.

  • D’autres vestiges plus anciens encore ont été trouvés non loin de notre région. Par exemple, des haches en pierre polie, près de Gouvy, près de Baclain, entre Hébronval et Bihain en 1947.

Ndlr:

Cet article a déjà été publié, morcelé, de 1972 à 1974, sous la rubrique "Connaissons notre région".

Vieux chemins au pays de Salm.

(publié dans Excelsior, 2e trimestre 1954-1955)


« L’histoire et la géographie locales, le folklore, la littérature régionale
sont les premiers éléments d’une vraie culture humaine
».
Ernest
NATALIS, professeur à l’Université de Liège.


Les environs de Vielsalm sont habités depuis plusieurs milliers d’années. Des vestiges de peuplades antiques constituent la preuve de cette présence humaine.
Sans remonter jusqu’à la préhistoire, plus près de nous déjà la période romaine nous a laissé des traces sérieuses d’activité.
Je voudrais particulièrement attirer ici l’attention sur celles que constituent les chemins.

Après la conquête de la Gaule du nord, les Romains se préoccupèrent immédiatement d’ouvrir la masse presque impénétrable de la forêt d’Ardenne. Ils y édifièrent quelques grandes voies, capables de permettre l’administration civile et militaire.
Ainsi, dès le premier siècle de notre ère, s’établit non loin d’ici la voie Reims-Cologne, passant par Bastogne, Bellain, Audrange, et vers Amblève.
A ces voies principales vint se raccorder tout un réseau de diverticules, servant de trait d’union entre les diverses exploitations, agricoles ou industrielles, et parfois les ouvrages de défense. Ils consolident ou complétaient une voirie plus ancienne, venant parfois du fond des âges.

D’une façon générale, ces chemins de raccordement ont continué d’être fréquentés au cours du moyen âge ; beaucoup d’entre eux, même, ont laissé de leurs traces visibles jusqu’à nos jours. C’est le cas, par exemple, pour notre région, où les routes actuelles les plus importantes ne comptent qu’un siècle d’existence ou même moins (La route de Salmchâteau à Trois-Ponts est de 1846, celle de Vielsalm à Poteau de 1865).
On connaît les grands principes de la voirie romaine : autant que possible garder la ligne droite et se maintenir sur les hauteurs afin d’assurer la vue sur le territoire à surveiller Fallait-il descendre en plaine ou franchir un ruisseau ? Vite, on passait, on gravissait la côte opposée, et l’on reprenait la hauteur.

(Voyez, par exemple, sur le carte ci-jointe, comment les routes actuelles ont tendance à suivre les vallées tandis que les anciens chemins coupent perpendiculairement ces vallées. Le Glain est ainsi franchi sept fois, et le ruisseau de Petit-Thier trois fois.)





il n’est donc pas impossible de reconstituer, par un examen patient des vestiges marqués au sol, l’itinéraire de certaines routes des premiers siècles de notre ère. Y parvenir c’est trouver là une révélation de l’activité de l’époque.

Cette recherche découvre ainsi des centres de rayonnement, et donc de vie, parfois bien insoupçonnés. C’est ce qui se manifeste pour notre région.

Vous étonnerai-je, par exemple, en signalant, comme pareil centre de rayonnement, le thier au-dessus des Quatre-Vents près de Neuville-Vielsalm ?

Plusieurs vieux chemins s’en détachent dont certains, par le passage au sommet du thier, se dirigent vers le sud. L’un court vers Audrange en s’approchant de Beho. Un second descend vers Bêche, franchit le Glain près de Salmchâteau, remonte, se dirige vers Langlire après avoir voisiné Provedroux. Un autre s’en est séparé à Gottale, gagne Cierreux et plus loin. Un autre encore, vers l’est, conduit à Hinderhausen et Saint-Vith, par Burtonville. Un cinquième s’engage vers Ville-du-Bois où une bifurcation, près de l’église, le porte d’une part vers Malmedy, d’autre part vers le nord-est par Petit-Thier et Recht. Enfin, un dernier dévale de Cahay, constitue la rue Général Jacques à Vielsalm jusqu’à Sous-Bois ; ici, une branche escalade le Thier-de-la-Justice vers Stavelot, tandis qu’une autre branche atteint Lierneux par Rencheux, Goronne et Menil.

Qu’en conclure, sinon qu’il y a eu là, au-dessus de Neuville, il y a plus de quinze siècles, une activité expansive et sérieuse. Et comment l’expliquer si ce n’est par l’exploitation de la richesse de l’endroit, le schiste ardoisier.
On sait d’ailleurs qu’à ce moment l’emploi du schiste ardoisier pour toitures est chose réelle en nos régions et, par exemple, qu’on a retrouvé des ardoises dans les ruines de villas romaines, à Sommerain, près de Limerlé, et près de Bourcy.

Plusieurs localités apparaissent également comme centres de rayonnement de chemins établis selon les principes de la voirie romaine. Ou plutôt, comme points de convergence de ces chemins.

Je signale, à ce sujet, Audrange, Lierneux, Langlire.

Audrange se place sur le tracé primitif de la grande voie Reims-Cologne. Vers cette localité accourent plusieurs diverticules. De Stavelot, par Poteau (Petit-Thier) ; ce chemin suit la crête constituant la ligne de partage des eaux Meuse-Moselle. Des Quatre-Vents, comme indiqué ci-dessus. Du nord-ouest, par Rochelinval, la Croix-de-Tigeonville, Petit-Thier, les abords de Commanster. De Langlire, par Bovigny centre, Belvâ, Saint-Martin, Lamerlé. De l’est, par la fagne de Bihain, puis le relèvement du terrain entre les communes de Bovigny et de Limerlé.
A Lierneux se raccordent aussi plusieurs voies antiques, à travers champs et bois. De l’est, par Recht, Hour, Farnières, Menil. Des Quatre-Vents. De Langlire. De la direction de Bihain. Etc. Lierneux est l’une des plus anciennes localités de chez nous.
Quant à Langlire, nous venons de le citer à plusieurs reprises. A son sujet, je mentionne en outre un vieux chemin venant de Stavelot par Farnières, Goronne, le Crin-do-Sart, le moulin KOOS, et que cite formellement un document de 896.

« Suivez des yeux les vieux chemins qui vous ramènent de l’horizon… », a écrit quelqu’un, « et venez avec confiance chercher l’homme au rendez-vous commun qu’ils se sont donné ».

Nos routes modernes accaparent les faveurs des gens pressés que nous sommes. Et les vieux chemins tombent de plus en plus dans l’abandon. La forêt, les travaux de l’homme, et peu à peu l’oubli, les reprennent.
Pourtant, beaucoup de leurs empreintes visibles se révèlent encore à des yeux de réflexion. Une ornière, un talus, un buisson, une souche, une pierre même constituent des signes révélateurs. Il y a eu là une vie.

Parfois, le hasard d’une fouille vient apporter aussi son témoignage. C’est une tombe, ou des monnaies, ou quelque autre objet qui, enfoui depuis deux millénaires, est ramené au jour.

Le trésor retiré en 1953 de la fontaine du pouhon à Hour ne témoigne-t-il pas en faveur du chemin qui franchit le Glain à quelques pas de la source ? Et toutes les tombes, çà et là ?
Dans la montée vers Farnières ; à plusieurs endroits de la commune de Bovigny ; entre Ville-du-Bois et Petit-Thier ; et ailleurs.

Tombes isolées, ou vrais cimetières. Je signale particulièrement, à ce propos, un ensemble de plus de trente tombes romaines entre Bihain et Hébronval ; et un autre, aussi important, entre Courtil et Gouvy, bien antérieur celui-ci à la période romaine. Le vieux chemin tout proche y trouve confirmation de son ancienneté.

Restons-en là. Mon dessein n’était pas de relever ici toutes les anciennes voies de chez nous. Car il en est d’autres encore. Leur description détaillée dépasserait de loin le cadre des présentes notes. Mais on voulait seulement éveiller l’attention à leur sujet.
Les vieux chemins vous intéressent-ils ? Ils ne tarderont pas à vous manifester leurs grandes volontés : la recherche des ligne de faîte, et l’allure rectiligne.

Ils témoigneront d’une connaissance approfondie du pays. Ils évoqueront une pénétration, dans la vie sociale du temps de leur origine, plus profonde même que celle des chemins de fer au siècle dernier.

Allez à leur découverte. C’est passionnant. Un tumulte vivant dort en souvenir sur le silence actuel de leurs traces.
Et c’est un peu l’âme de ceux qui nous ont devancés que vous trouverez dans ces choses.

Gaston REMACLE

mardi 28 juillet 2009

Meules.

(mise-à-jour le 06/08/2013)

De nos jours encore, on retrouve sur le sol, près de Bèche, aux environs de Burtonville, comme dans la forêt entre ce village et Tinseubois, et plus loin encore, des meules de moulin en arkose à différents degrés d’achèvement. Nous en avons examiné plus de septante.
Il ne s’agit plus ici de meules ovoïdes, du type préhistorique ; mais elles sont plus grandes, circulaires, d’environ 1 m. de diamètre, avec un trou au centre.



Meule découverte entre Beaufays et Burtonville.

Des meules de même type se rencontrent aussi en nombre important aux environs d’Ondenval et Thirimont au pays de Malmedy, et aux environs de Joubiéval, sur le même banc d’arkose que celui des environs de Burtonville.

(G. REMACLE, Les meules en arkose, dans Ardenne et Famenne, 1960 ; C. DUBOIS, Vestiges antiques dans les cantons de Malmedy et de Saint-Vith, dans Folklore Stavelot-Malmedy, 1947, p.16.)






Dans l’ensemble, elles ont dû faire l’objet d’une activité considérable, basée sur une connaissance approfondie de la forêt, quantité de blocs épars ayant servi à la fabrication sur place de ces meules.
L’industrie de ces pierres ne peut se situer qu’à l’époque romaine.



Meule à Sart-Lierneux (il y en avait 2 autres au même endroit).



Meule abandonnée en cours de façonnage au Bois St-Jean; diamètre 1,24 m.

(photographies de Gaston REMACLE)

Ndlr:

1) Quand a cessé la fabrication de ces meules ? Christophe de GERNICHAMPS, pasteur de Villers-Ste-Gertrude, dans son histoire de St-Symètre (1625) déclara à propos du comté de Salm " D'avantage ce territoir à ce bonheur qu'il produit des pierres de moulin [...]"...

2) une meule a été découverte à La Bedine vers 1976.
(P.LEJEUNE, Une meule à La Bèdine, dans G.S.H.A. n°6 (1977) pp.75-76)

lundi 27 juillet 2009

Connaissons notre région. (XXV)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) le 14 juin 1974)

Le vieux moulin.

La « rue du moulin » à Vielsalm rappelle l’existence d’un moulin à farine. Il était situé sous la villa Mouton. Il a été démoli en 1915 pour faciliter le passage de la voie de chemin de fer Vielsalm – Saint-Vith créée à ce moment. Il en subsiste encore des vestiges. C’était un moulin « à trois tournants », donc à trois paires de meules. Il était alimenté en force motrice par un bief de dérivation de l’eau de Glain, bief qui se voit encore maintenant. Entre le bief et le Glain se trouve le pré dit « entre deux eaux ». ce moulin était très ancien et avait été restauré après plusieurs incendies. Son plus ancien meunier connu s’appelait Gilles, décédé vers 1570.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XXIV)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Pierre tombale dans l’église de Salm.

Date probable : 14me siècle. Dalle funéraire de 2 m.50 sur 1 m.24, découverte lors de la reconstruction de l’église en 1953. Dans un beau décor gothique rayonnant, elle représente un chevalier aux armoiries de Salm : Henri VI, comte de Salm, décédé en 1359 ou 1360. Les saumons sont placés en cercle au lieu de la position habituelle : dos à dos.
Le visage et la chevelure, ainsi que les mains étaient représentés en métal. Ces pièces ont disparu.
Des anges lancent l’encensoir vers Dieu le Père, qui tient un enfant représentant le défunt.
Aux pieds du personnage, un chien couché.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XXIII)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Les armoiries de Salm.

La famille de Salm-en-Ardenne portait des armoiries caractérisées par deux saumons adossés, de gueules (c’est-à-dire de couleur rouge), sur champ ou fond d’argent (blanc). Ces deux saumons rappelaient, par analogie, le nom de Salm, celui de la famille ; ces armoiries étaient donc des armoiries parlantes.
Ce sont ces signes héraldiques qui interviennent dans les armoiries particulières des communes de Vielsalm et de Grand-Halleux : pour Vielsalm, « d’argent à deux saumons adossés de gueules » selon arrêté royal du 9 janvier 1934 ; pour Grand-Halleux, également « d’argent à deux saumons adossés de gueules », mais sur un écu tenu de la main droite (la dextre), par un saint Laurent debout et auréolé, vêtu de l’aube et de la chasuble et tenant de la main gauche (la senestre) un gril d’or (arrêté royal du 29 septembre 1952).

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XXII)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Les deux châteaux de Salm.

La première demeure ou château des comtes de Salm s’éleva donc vers l’an mille à l’endroit situé en face de l’église actuelle de Vielsalm. Il n’en subsiste rien, mais l’endroit a porté longtemps le nom de « vieux château ». un peu avant 1350, un seigneur de Salm abandonna son château ou ce qui restait, et en bâtit un nouveau ; ce fut toutefois à un autre endroit, à environ 3 km. En amont. On peut encore maintenant en constater les ruines dominant le village de Salmchâteau. Ce nouveau château, ce fut, dans le langage, une « nouvelle Salm », par rapport à l’ancienne que désormais on appela « la vieille Salm », expression devenue « Vielsalm ». au pied de la hauteur supportant le nouveau château, des demeures peu à peu s’élevèrent, constituant le village appelé maintenant « Salmchâteau ». quant aux ruines du premier château, un comte de Salm les donna, en 1561, à « Gilles le meunier » de Vielsalm.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XXI)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

À l’origine de Vielsalm.

C’est à l’endroit, en face de l’église, occupé maintenant par la villa dite villa Mouton, que les premiers seigneurs qui prirent le nom « de Salm » bâtirent leur maison forte, cela vers l’an mille. L’endroit, jusqu’alors désert, était un promontoire rocheux s’élevant au-dessus du cours d’eau, mais il a été déformé depuis le siècle dernier par le passage de la route de l’Etat et la voie du chemin de fer Vielsalm – Saint-Vith. Aux abords de cette maison forte, peu à peu l’une ou l’autre maison s’est élevée pour vivre dans l’entourage du manoir. Il y avait huit maisons déjà vers l’année 1500, constituant l’origine d’une localité devenue Vielsalm. Cette localité s’appela longtemps SALM, et plus tard son nom est devenu Vielsalm comme nous l’indiquerons prochainement.

Gaston REMACLE

Ndlr :
La « villa Mouton » occupait l’emplacement actuel de l’établissement « Les contes de Salm ».

Connaissons notre région. (XX)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Le nom de Salm.

D’où vient le nom de Salm ? Comme nous l’avons déjà dit, c’est un terme d’une langue fort ancienne, terme hydronomique, c’est-à-dire désignant de l’eau, mais eau d’une certaine qualité. Il a été appliqué, dans notre région, à un cours d’eau prenant sa source en la commune de Petit-Thier ; la preuve en est que trois noms de lieux situés à son passage reprennent, de temps immémorial, le nom de Salm (Sâm) : vîf sâme, à la source, sursâm à Petit-Thier, sâmfa près de Ville-du-Bois ; et enfin, une quatrième fois à l’endroit devenu Vielsalm sur lequel s’éleva la première demeure des Seigneurs qui prirent le nom de l’endroit, « de Salm » ; désormais, ce nom désigna la famille de ces seigneurs, ainsi que leur descendance. Le ruisseau en question est celui qui longe le terrain de football de Vielsalm.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XIX)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Le comté de Salm.

Le comté de Salm-en-Ardenne duquel notre région fait partie, est né vers l’an 1000. Son existence apparaît à ce moment du fait qu’un document daté de 1034-35, mentionne pour la première fois un comte de Salm, soit « comes Gisilbertus de Salmo ». ce personnage appartenait à la famille des seigneurs fondateurs de la dynastie des comtes de Luxembourg. C’était une des plus illustres de l’époque et elle possédait de vastes domaines entre Meuse et Moselle.

Avant les environs de l’an mille, qu’était ce territoire devenu terre de Salm ? C’était un îlot entouré de tous côtés par des terres de Stavelot et sa constitution primitive reste assez obscure. Le comté de Salm a vécu environ huit siècle ; le 1er octobre 1795 (9 vendémiaire an IV), les provinces des Pays-Bas étaient rattachées à la France par un décret de la Convention, ce qui supprimait l’existence du comté de Salm.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XVIII)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Le pouhon de Hourt.

Nous parlions dernièrement de la source d’eau minérale de Hourt, dans laquelle on avait trouvé des pièces de monnaie romaines en 1953. Il y a déjà bien longtemps que l’on connaît les propriétés de l’eau de cette source. Voici ce qu’on écrivait en 1625 :
« Cette contrée est arrosée du fleuve nommé Glaine, au bord et rivage duquel se voit une fontaine acide ou comme on dit vulgairement pouhon, de mesme naturel que celuy de Spa, en sorte que d’aucuns personnages d’auctorité l’on à icelle préférée ; ces effets sont de purger l’estomach, donner appétit, deschasser l’hydropisie, refroidir le foye, rompe la gravelle. La preuve de tout quoy est que les paysans de ce lieu qui en boivent ordinairement ne se trouvent jamais atteints de ces infirmités ».

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XVII)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Découvertes de trésors (suite).

Une découverte de trésor bien intéressante a été faite en 1953 sur le territoire de la commune de Grand-Halleux. Au cours de l’été de 1953, l’administration communale de Grand-Halleux voulut dégager la source minérale de Hourt. Dans la vase qui tapissait le fond de la source, les fouilleurs découvrirent avec surprise les fragments d’une poterie très fine et, éparpillées tout autour, une soixantaine de pièces de monnaie anciennes. Examinées par des spécialistes, on a pu les identifier comme étant d’origine romaine, de l’époque des Antonins ; cette dynastie régna sur Rome de 96 à 191.
Sans doute, c’est un homme prudent qui avait choisi cette cachette du pouhon pour y mettre son trésor à l’abri, et il sera décédé avant d’avoir pu reprendre sa fortune. Sans nul doute aussi, il devait habiter assez près de la source, et c’est bien là une preuve qu’à l’époque romaine le territoire de Grand-Halleux était habité.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XVI)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Découvertes de trésors (suite).

En 1915, au cours de la construction de la voie ferrée Vielsalm – St-Vith, un ouvrier y employé comme terrassier, Jules SERVAIS de Rencheux, en démolissant l’un des soubassements sur lesquels repose la villa Mouton, à Vielsalm, mit au jour un baril sans anse et un pot avec anse remplis de monnaies. Il y avait là plus de 3 000 pièces, soit 2 en or, quelques-unes en argent, et le reste en métal de moindre valeur. Ces pièces étaient monnaies d’Allemagne, d’Autriche, d’Italie, de Hollande, de France. Elles dataient des XVe, XVe, XVIIe et XVIIIe siècles. La plus ancienne remontait à 1461. Les autorités allemandes mirent la main sur cette trouvaille, en firent faire le nettoyage et l’évaluation. Cinq ouvrier y travaillèrent durant dix jours. Le trésor fut évalué à 1 200 F. ; une fortune assez rondelette pour l’époque.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XV)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Découvertes de trésors.

À plusieurs reprises, des trésors autrefois cachés ont été trouvés par hasard dans notre région.
Le 17 juillet 1846, lors de la construction de la route de Trois-Ponts à Salmchâteau,on mit au jour, dans la traverse de Grand-Halleux, une cruche grise renfermant 2 295 pièces de monnaie, dont 2 281 entières, savoir 2 en cuivre, 424 en billon, 1 855 en argent. Elles appartenaient à l’Allemagne, l’Angleterre, à la France, les Pays-Bas, et embrassaient une durée de 148 ans, soit de 1137 à 1285, cette dernière date étant probablement à peu près celle de l’enfouissement. Parmi les monnayeurs ayant procédé à la frappe de ces pièces, Arnol II, archevêque de Trèves, intervenait pour 1 110 pièces ; Jean I, duc de Brabant pour 537 pièces ; Philippe-Auguste, roi de France, pour 175 pièces ; Louis IX, roi de France, pour 79 ; Henri III d’Angleterre pour 30, etc. …

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XIV, 2)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Sur Saint Gengoux (suite).

L’église de Vielsalm détruite en 1940 comportait, au petit autel, une peinture représentant le meurtre de saint Gengoux. Dans l’église actuelle, il y a toujours une petite statue du saint (ancienne, en habit militaire). La chapelle, maintenant incorporée au mémorial des agents coloniaux, existait déjà avant 1600 et est dédiée à saint Gengoux. Il y a encore une chapelle [dédiée] au même saint près du terrain de football et construite en 1928. Il y a aussi à Vielsalm la « clinique Saint-Gengoux », un « Rallye Saint-Gengoux » de sonneurs de cors, une troupe de scouts « Saint-Gengoux », la « mutualité Saint-Gengoux ». En dessous de la nouvelle piscine, dans le talus, il y avait de temps immémorial la « fontaine Saint-Gengoux », aujourd’hui comblée depuis une trentaine d’années ; ses eaux possédaient, disait-on, des propriétés spéciales pour la guérison des maux d’yeux. Enfin, disons qu’autrefois, le prénom de Gengoux était souvent donné aux petits garçons, comme Laurent à Grand-Halleux et Maurice à Arbrefontaine ; actuellement, il n’y a plus, dans la commune de Vielsalm, qu’un seul Gengoux, M. Gengoux PAQUAY, à Priesmont.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XIV)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Sur Saint Gengoux.

Saint Gengoux est le patron primaire de la paroisse de Vielsalm comme saint Laurent celui de Grand-Halleux, et saint Maurice celui d’Arbrefontaine.
Gengoux, ou Gangulphe (on trouve 24 manières différentes d’écrire ou prononcer son nom) naquit en 703 au château de Varennes sur Amance, près de Langres (France). Il épousa une femme du nom de Ganéa et combattit au service de son suzerain Pépin le Bref. Il mourut le 11 mai 763, assassiné par le complice de sa femme, qui était très volage.
La vie de Gengoux avait été sainte. Les prodiges miraculeux qui suivirent sa mort firent sensation ; le culte du saint se répandit de façon immédiate et extraordinaire.
Actuellement le diocèse de Namur compte quatre églises qui lui sont dédiées : Chéoux-Rendeux, Florennes, Vielsalm et Villers-devant-Orval.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XIII)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Nos communes.

C’est en vertu de la loi du 28 pluviose an VIII (17 février 1800), qu’ont été créées les communes de Grand-Halleux, Arbrefontaine, Vielsalm, comme les communes coisines de Beho, Bovigny, Lierneux. Depuis lors, les limites de la commune de Grand-Halleux n’ont pas changé et cette commune compte toujours 2 484 hectares. La commune d’Arbrefontaine, elle, s’est agrandie de la section de Goronne, détachée de Vielsalm le 1 janvier 1853, selon une loi votée le 11 novembre 1852 à la Chambre des représentants et le 3 décembre suivant au Sénat ; la commune mesure actuellement 2 051 ha. ; Vielsalm perdit encore, à partir du 1 janvier 1848, ce qui est devenu la commune de Petit-Thier, selon une loi du 10 mars 1847 ; la commune de Petit-Thier a une superficie de 1 907 ha. La commune de Vielsalm qui à l’origine mesurait 5 468 ha., en compte encore 2 848 ha.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XII)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

L’abbé DUMONT, premier curé-doyen de Vielsalm.

C’est à partir de 1803 qu’a existé le doyenné de Vielsalm. Le premier curé-doyen, à partir d’octobre 1803, fut l’abbé Jean-Nicolas DUMONT. Né à Vielsalm le 17 septembre 1757, fils de Gérard-François et Marie-Elisabeth FRAIKIN. Décédé le 27 juillet 1827. Fut d’abord vicaire à Ligneuville, puis curé à Butgenbach. Sous le régime républicain français, il eut des difficultés avec l’autorité du moment. Arrêté par la gendarmerie de Malmedy, il fut condamné à la déportation au-delà du Rhin. Il put revenir au cours de 1802, et fut désigné pour Vielsalm.
Voici son portrait : « Taille de 1 m.732, cheveux et sourcils gris, yeux bleus, menton rond, nez pointu, visage allongé marqué de petite vérole ». Par testament, il légua tous ses biens (sauf une petite partie à sa sœur habitant Vienne), « aux pauvres de la paroisse de Vielsalm y compris Petit-Thier » : l’actif de cette donation s’élevait à 36 036,90 F.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (XI)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Villages disparus (suite).

Non loin de Bèche, près du vieux chemin allant de cette localité vers Quatre-Vents, se trouve l’endroit dénommé « Gotale ». il était autrefois lieu de passage de tout le ban de Bovigny vers Vielsalm.
Cet endroit a été habité et on peut encore y relever l’emplacement de cinq bâtiments. Selon la tradition, l’un de ceux-ci était une forge. Effectivement, y a vécu « Paquay le cloutier » (âgé de 55 ans en 1655), qui y a fabriqué des quantités considérables de clous. En 1575, ce hameau comportait six ménages ; très probablement, il n’y a jamais eu là plus de six familles. La dernière manifestation de vie de Gotale est un acte de baptême, du 15 août 1701, de Jean-Henri, fils de Jean ROUAL et Catherine.
Gotale a failli renaître vers 1882. La famille GOENTGES de Kapelle, y bâtit une modeste maison qui brûla vers 1900. Elle ne fut pas rebâtie.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (X)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Villages disparus (suite).

Un autre petit village disparu, ou presque, de la commune de Grand-Halleux, est Mont-le-Soie. L’endroit était habité déjà vers 1560 avec « Jehan de Soye ». la dénomination primitive du lieu est « Soyes » ou « Soye ». Vers 1670, apparaît l’appellation « Mont Soye », puis « Mont le Soye », bien que, en même temps, « Soye » reste utilisé longtemps encore.
« Mon le Soye » signifie « chez le Soye ». L’expression « Mont-le-Soye » qui est une francisation de l’appellation wallonne, a fini par prévaloir.
C’était autrefois un endroit fort fréquenté, notamment pour le passage vers Stavelot, ainsi que par la circulation des Halleux vers Recht et plus loin.
Un texte de 1656 : « Soye est désert, ayant eu trois maisons qui sont estés bruslées par les Hollandois, les biens estant abandonnés et ruynés ». Mais le hameau est revenu à la vie et a comporté jusqu’à cinq mémages encore au siècle dernier ; actuellement, il n’y a plus qu’une famille.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (IX)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Villages disparus.

Dans la région, plusieurs endroits aujourd’hui occupés par des terrains de culture ou des bois ont été autrefois habités, soit par une maison isolée ou même par un petit groupe de demeures. La vie s’en est retirée peu à peu, attirée sans doute plus activement ailleurs par les nécessités du moment.
L’un de ces groupes a existé entre Ennal et Mont-le-Soie, à l’endroit dénommé Sâte ou ol Sâte. On peut encore y voir, actuellement l’emplacement de six bâtiments au moins. Il est certain que l’endroit n’était plus habité déjà vers 1450. C’était alors une époque qui a vu beaucoup de désordres et de calamités. De diverses considérations, il y a lieu de penser que l’habitation a duré quelque 150 ou 200 ans. En 1966, M. Paul DEROCHETTE de Grand-Halleux a dégagé les ruines de l’un de ces bâtiments et mis au jour de nombreux débris de poteries appartenant à la céramique fabriquée entre la fin du XIIe siècle et le milieu du XIVe.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (VIII)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Au temps de la préhistoire (suite).

Le long de plusieurs de nos ruisseaux, particulièrement celui de Louxibou descendant vers Cierreux, celui de Bèchefa descendant vers Bèche, ainsi qu’aux sources du Salm, on constate la présence d’une quantité de tertres irréguliers et d’origine artificielle, des « tambales » dit le langage du pays. Ils appartiennent à une bande qui va du plateau des Tailles jusqu’à la haute Amblève. Les archéologues sont d’accord pour reconnaître qu’il s’agit là de résidus de délavages aurifères et ils situent leur origine à l’âge du fer. Il y a là une activité considérable. On sait que la Gaule a été jadis un des pays grands producteurs d’or. César en a tiré des sommes considérables ; elles lui ont permis de conquérir Rome où l’abondance d’or, après la guerre des Gaules, fit tomber le rapport de valeur de l’or à l’argent de 1/11,91 en 150 à 1/8,39 en 50 avant J.-C.
D’autres vestiges plus anciens encore ont été trouvés non loin de notre région.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (VII)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Au temps de la préhistoire (suite).

Autre vestige : des pierre taillées en forme de fève de café, d’environ 40 cm. De longueur et destinées à servir de meules à broyer le grain. On en retrouve encore sur le banc d’arkose qui va des Quatre-Vents (Neuville) vers l’est, ainsi que près de Provedroux ; on a dû en fabriquer des quantités considérables.
Une longue série d’excavations pour l’extraction de la pierre d’arkose constitue un indice encore de cette époque. Partant des environs de Joubiéval, on la retrouve à l’est des Quatre-Vents, puis plus loin au-delà des Mauvaises-Pierres (Petit-Thier). On ne peut que lui donner un âge d’environ deux millénaires.

Entre autres, deux noms antiques de cours d’eau de la région témoignent aussi de la présence celtique. Il s’agit de GLAIN et SALM, deux termes que l’on rencontre dans toute l’Europe. Termes hydronimiques, c’est-à-dire désignant de l’eau. GLAIN se rapporte à « eau brillante » ; SALM à « eau un peu trouble ».

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (VI)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Au temps de la préhistoire.

On appelle préhistoriques, les temps sur lesquels on n’est renseigné par aucun document écrit et précédant l’ère chrétienne. On se bas alors, pour connaître cette époque, sur des vestiges matériels. Ceux-ci ne manquent pas dans notre région ; ils permettent d’admettre qu’elle a été habitée déjà depuis fort longtemps et même par une population très active. De l’examen de ces vestiges, on peut conclure qu’ils se rapportent pour la plupart aux derniers siècles avant J.-C., ce qu’on appelle l’époque de la Tène, ou l’âge du fer, et qui a vu dans nos régions des populations celtiques. Voici quelques-uns de ces vestiges.

  • Le camp dit abusivement « romain » au sommet du Gros-Thier entre Bèche et Salmchâteau. Il n’a rien de « romain » ; il a été édifié pour servir de refuge et de défense aux populations de ce temps-là.
  • Plusieurs tombes ont été découvertes et fouillées sur le territoire de la commune de Bovigny et aux abords, livrant des poteries, anneaux et bracelets, une hache.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (V)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

Une ancienne paroisse voisine.

L’ancienne paroisse de Salm avait comme voisine les paroisses au moins aussi anciennes qu’elle, de Lierneux, Wanne, Thommen et Glain (Saint-Martin), toutes fondées par les moines de Stavelot.
Celle de Glain a changé de nom. Elle comprenait le territoire de l’actuelle commune de Bovigny, sauf Cierreux qui dépendait de Salm. En des textes latins, elle est dénommée « de Glaniaco » en 814 et 950. Plus tard, au XIIme siècle, on la désigne sous le nom de « Saint-Martin », du nom du patron. À la suite d’évènements malheureux de toutes sortes, guerres, ravages, épidémies, aux XIVme et XVme siècles, le curé de la paroisse finit par devoir abandonner son presbytère non loin de l’église et son séjour à Bovigny, de provisoire d’abord, devint peu à peu définitif. Le 2 juin 1717, la chose fut régularisée et le titre d’église paroissiale de Saint-Martin fut transféré à la « chapelle » de Bovigny. Les abords de l’ancienne église de Saint-Martin ont fait l’objet de fouilles scientifiques en 1970 ; on y a découvert les restes d’un fort important cimetière.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (IV)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) en 1972-1974)

À son origine et pendant longtemps, l’ancienne paroisse de Salm ne comporta qu’un seul édifice du culte, chapelle ou église, que tous les paroissiens rejoignaient en temps opportun.
Dès le début, cette église s’est-elle fixée à l’endroit devenu Vielsalm, désert à ce moment-là ? ce n’est pas certain et nous pensons que, édifiée non loin toutefois, elle n’y est venue qu’après quelque temps avec la naissance du comté de Salm et une nouvelle autorité dans la région. Au cours des siècles, l’augmentation de la population notamment devait faire de l’église paroissiale un édifice trop petit et d’accès trop éloigné pour bien des personnes. Aussi vit-on peu à peu des communautés villageoises en expansion s’efforcer d’avoir chez elles un édifice du culte également, avec un vicaire écolâtre, ce avec l’accord de l’autorité religieuse et dans le cadre de la paroisse. Ainsi, Grand-Halleux eu sa chapelle déjà avant 1450, Goronne en 1691, Commanster en 1683, Salmchâteau en 1725, Burtonville en 1703, Petit-Thier en 1704, Cierreux en 1704, Ville-du-Bois en 1766.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (III)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?), le 10 novembre 1972)


L’ancienne paroisse de Salm.

Un document de 1131 mentionne l’existence de l’ « ecclesia de Salmes » ; c’est à propos de redevances dues par cette église à l’abbaye de Stavelot. Sans nul doute, cette église de Salm est l’ancienne paroisse de Salm qui a subsisté jusqu’en 1803. Ainsi signalée en 1131, elle existait alors déjà depuis longtemps, certainement, et sa création nepeut être due qu’au travail apostolique des moines de Stavelot. C’est vers 650 que l’abbé Remacle et ses compagnons s’installèrent à Stavelot et commencèrent sans tarder l’évangélisation de la région..
Cette paroisse de Salm était fort grande. Elle comprenait les territoires des actuelles communes de Grand-Halleux, Petit-Thier et Vielsalm, de même que les villages de Goronne, Cierreux et Commanster. Elle avait ainsi pris les limites de deux anciens domaines contigus. On ne sait quel a été son nom à son origine ; Quant à celui de « Salm », nous dirons prochainement d’où il vient.

Gaston REMACLE

Connaissons notre région. (I)

(série d’articles publiés dans « Les Annonces de l ‘Ourthe » ( ?) le 3 novembre 1972)


Au départ de cette série de notes sur la passé de la région, il convient sans doute de parler de la paroisse de Vielsalm.
Il y a bien des siècles déjà qu’un centre paroissial s’est créé à l’endroit devenu Vielsalm ; on ne sait quand. Il s’agissait alors d’une grande paroisse régionale dont nous reparlerons.
Avec le même centre, la paroisse actuelle de Vielsalm est née en 1803, du démembrement de l’ancienne paroisse et à la suite du concordat napoléonien de 1801. La nouvelle organisation des paroisses fit aussi de Vielsalm le centre d’un doyenné de même nom. Cette nouvelle paroisse de Vielsalm ne comprit plus Cierreux, Goronne, Grand-Halleux, Petit-Thier, Salmchâteau.
Plus tard, elle perdit encore Commanster en 1835, Ville-du-Bois en 1842, Neuville et Burtonville en 1913. La paroisse de Vielsalm ainsi que toutes celles du canton, sont passées le 15 janvier 1843 au diocèse de Namur, alors que précédemment la région avait toujours fait partie du diocèse de Liège.

Gaston REMACLE

dimanche 26 juillet 2009

La Salm est-elle la Salm ?

(publié dans L’Avenir du Luxembourg, le 4 février 1947)

Un problème toponymique au pays de Salm.

Deux billets parus dernièrement dans l’ « Avenir » ont émis des doutes au sujet de la dénomination de la rivière appelée « La Salm », et ils ont invité à donner notre avis à ce sujet.
Il s’agit bien là, en effet, d’un point intéressant de l’histoire régionale. Il vaut la peine qu’on s’attache à l’éclairer. Fort modestement, dans les lignes qui suivent nous apporterons notre opinion, avec la seule ambition de servir la vérité et d’aider à faire mieux aimer notre petite patrie salmienne.

Sans autre préambule, disons immédiatement que, malgré l’opinion courante d’aujourd’hui, notre Salm n’est pas la Salm.

La rivière que sur les cartes et à l’école on dénomme Salm a, depuis environ un siècle, perdu sa vraie et antique appellation.
Quelque scribe, certain jour, ignorant l’histoire et la toponymie régionales, l’a notée Salm, comme il a mutilé, au cadastre, combien de termes toponymiques. Et le nom de Salm décerné de la sorte à la rivière, reproduit, multiplié dans les documents basés sur cette graphie, est resté. L’enseignement l’a consacré.

Qui se souvient encore, au pays de Salm, du vrai nom de notre rivière ? Et pourtant, moins d’un siècle s’est écoulé depuis cette substitution.
Non, la Salm n’est pas la Salm. La Salm, de son vrai nom, et bien, c’est … le Glain !
Quand, il y a bien plus d’un millénaire, notre rivière a reçu un vocable propre par les populations d’alentour, c’est Glain qui devint le terme choisi.

Ce serait à prouver, va-t-on dire. Chose facile, croyons-nous. Ne citons pas ici, à cet effet, de mentions documentaires : le cadre de cet article ne s’y prête pas. Il serait aisé, pourtant d’en présenter un bel exemple, portant sur treize siècles.

Bornons-nous à puiser, dans la toponymie actuelle même, le long de la rivière en question, des signes qui ne trompent pas. Qui ne pourrait les vérifier ! Voici.

Le pont à proximité de l’entrée Sud du tunnel de Trois-Ponts, s’appelle toujours le pont de Glain.
Un lieu-dit de la commune de Grand-Halleux, bordant notre rivière, c’est à Glain. Un autre, à Salmchâteau, se dit Fosse à Glain. Plus en amont encore, à proximité de l’ancien village de Glain on trouve Fag de Glain. Et encore, non loin, Fond de Glainchamps.

Qu’on le remarque. Ces dénominations sont actuelles. Elles s’échelonnent tout le long de notre cours d’eau. Et peut-être y en aurait-il d’autres encore du genre si l’on cherchait bien.

Elles constituent les restes authentiques, les débris épars d’une seule dénomination implantée de la source à l’embouchure et qui, malgré les copistes négligents et ceux qui leur ont fait confiance, n’a pu être arrachée jusqu’ici du traditionnel et populaire langage.

Est-ce assez ? Car les documents historiques apportent, eux-aussi, une confirmation, dans le même sens. Pour s’en persuader, il suffirait de consulter les plans cadastraux des communes de Vielsalm et de Grand-Halleux. C’est convaincant. Et l’on se demande quelle désinvolture, d’un autre côté, a ignoré de telle sorte l’histoire.

Voilà donc qui est fixé. Le vieux Glain, déjà ainsi dénommé en 670, a perdu son identité originelle. Depuis le siècle dernier, le Glain est devenu la Salm.

Il faut le déplorer, certes. Et oserait-on jamais espérer voir les sphères officielles reconnaître la vérité et rendre à notre rivière son authentique appellation d’origine ? Pourrions-nous ne pas en formuler le vœu ?...

Mais si la Salm n’est pas la Salm, la question n’est pas résolue ? Effectivement. Elle ne fait que rebondir. Ou plutôt elle pose de nouveaux points d’interrogation, plus mystérieux et plus troublants.

Car il est entendu, n’est-ce-pas, dans l’opinion courante, que la rivière dénommée actuellement la Salm, et parce que Salm, aurait prêté son nom à tout ce qui, dans les limites de l’ancien comté, pore ou a porté le nom de Salm : famille seigneuriale, château, bourgs de Vielsalm et de Salmchâteau. Opinion erronée, nous le savons maintenant, puisque la rivière en question s’appelait Glain et non Salm.

Comment la rivière aurait-elle donné à la terre environnante et à ses maîtres un nom qu’elle ne possédait pas ?

Mais alors, d’où viendrait cette appellation de Salm, restée pour désigner, après l’ancien comté et ce qui s’y rapporte, notre région actuelle ?
… Il est un ruisseau, guère inférieur en importance au Glain, qui de l’Est à l’Ouest, coupe le primitif comté de Salm en deux parties presque égales.

Son nom ? À l’école, il reçoit celui d’ « eau maréchale », de « ruisseau de Petit-Thier ». au cadastre, diverses appellations s’échelonnent tout le long de son cours : « ruisseau de Hermanmont », « ruisseau de Beaufays », « ruisseau du Moulin de Petit-Thier », « ruisseau de devant Tinseubois ». Comment tant de dénominations ! Plutôt, comment est-il dépourvu de nom, car cette diversité même d’appellations témoigne de l’ignorance d’un nom fixé. Comment, depuis plus de deux mille ans que la région est habitée, ce ruisseau est-il resté anonyme ? Les hommes ont pourtant toujours cherché à dénommer les choses.

En réalité, ici encore le mal vient des copistes officiels. Car le ruisseau a reçu un nom. Celui que la fidélité du langage local, sans s’en douter, va nous permettre de reconstituer.

Ces considérations nous écartent de notre soucis présent, Salm, dira-t-on. Que non ! Et précisément, nous y touchons.

Car notre ruisseau a sa source la plus importante à un endroit qui s’appelle toujours vîf-sâm, au-dessus de Tinseubois.

Un lieu-dit, sous Petit-Thier, est « sur Salm ». un autre, plus bas, entre Beaufays et Ville-du-Bois, toujours sur le passage de notre cours d’eau, c’est Sâmfa. Il y a même une légende qui place Ville-du-Bois « sur la Salm ». Ce n’est pas tout.

Plus bas encore, juste contre cette eau venant de vîf sâm, il y a le promontoire rocheux, aujourd’hui déformé, et sur lequel s’établit le premier château des comtes qui prirent le nom de … Salm. Ce promontoire, ce château, puis tout contre une chapelle primitive, puis peu à peu un bourg, on l’a deviné, c’est l’ancien Vielsalm.

En faut-il davantage ? De la source à la rencontre avec le Glain, Salm se retrouve sur tout le cours du ruisseau. Et en même temps – comment hésiter encore devant un tel ensemble – Voilà que nous apparaît la provenance du terme Salm qui s’est fixé dans l’appellation de l’ancien château, de la famille seigneuriale déjà vers 1035, de son domaine, de l’ancienne paroisse, de Vielsalm, de Salmchâteau, et qui s’est même substitué à celui de la rivière Glain.

On n’hésite plus quand on sait ce phénomène humain selon lequel bien des habitats ont pris le nom de la rivière au bord de laquelle ils se sont établis.

La vraie Salm, c’est le ruisseau de devant Tinseubois, de Beaufays, de Hermanmont, jusqu’au Glain sous Rencheux.

Un détail encore. Ce terme Salm n’aurait-il pas un sens ? On a voulu l’expliquer par les prétendus saumons des armoiries de Salm. C’est de la fantaisie. Seule une analogie de forme et de phonétique rapproche Salm et saumon. En réalité, Salm est un terme hydronomique d’origine pré-romaine, celtique ; il se rencontre un peu partout. Rien d’étonnant, en tout cas, qu’il se rencontre en notre région, celle-ci ayant été habitée bien avant la période romaine.

Faut-il ajouter, détail intéressant, qu’en ces temps reculés le ruisseau de vîf-sâm, comme d’autres de la région, a vu sur une partie de son cours des recherches aurifères dont on trouve encore actuellement des traces.

Et nous voilà fixés. Il faut donc laisser les supputations fantaisistes sur la provenance du mot Salm employé chez nous. Et, dès lors, rejeter également comme telles les données historiques qui reposent sur elles.

Gaston REMACLE