lundi 31 décembre 2012

Dans l’Organe de Vielsalm il y a bien longtemps


L’Annonce de Vielsalm que vous avez en main, que vous attendez impatiemment dès le mercredi pour certains, que vous lisez de A à Z, que vous prêtez à l’un ou à l’autre et que vous commentez avec vos amis et connaissances est le seul journal édité et imprimé à Vielsalm, et ce depuis 1903 (ou à peu près). Il n’en a pas toujours été ainsi puisque d’autres ont existé dont L’organe de Vielsalm ( et de l’arrondissement de Bastogne) depuis la fin 1886 jusqu’au début de 1940. Il était édité et imprimé par Armand puis Gaston Gillet et, pour terminer, dans l’actuelle rue du Vieux Marché à l’emplacement de la fleuriste Chantal Post. Beaucoup se souviennent encore de la construction en bois qui était en même temps un studio photographique puisque les Gillet nous ont laissé une grande quantité de photos et de cartes postales en plus des imprimés de toutes sortes.

Monsieur L.G. de Vielsalm est l’heureux propriétaire de nombreuses années de L’Organe reliées ou non et me permet de les consulter. Je l’en remercie vivement. Toutefois, il lui manque les premières années, les plus intéressantes peut-être, qu’il a prêtées il y a quelques années. L’emprunteur a malheureusement oublié de les restituer. La lecture de ces lignes lui rappelleront de le faire : il n’est jamais trop tard.

Les Archives de l’Etat à Arlon possèdent les années 1886 à 1934 et Georges Benoît a commencé à publier sur son très riche site (Tapez simplement Vielsalm et ses environs) des résumés de ces journaux pour les années 1886 et 1887. La rubrique qui débute aujourd’hui ne compte pas lui couper l’herbe sous le pied ni lui faire de la concurrence.

                                                                                            Robert NIZET

L’Organe du dimanche 3 décembre 1905
Le compte-rendu de la séance du conseil communal où il est beaucoup question de chemins occupe toute la première page et les 2/5 de la seconde et la chronique régionale est très restreinte. Le plus intéressant se trouve dans les deux pages de publicités et d’annonces diverses. L’éditeur signale que l’Organe sera envoyé gratuitement jusqu’au 31 décembre aux personnes souscrivant à un abonnement pour l’année 1906. C’est toujours actuellement le cas, mais pour l’Annonce. Une publicité que l’on va retrouver durant des semaines sinon des mois affirme que la prospérité attend tout travailleur de bonne volonté au Canada : on donne gratuitement des fermes de 64ha. Il serait intéressant de savoir si des gens de la région se sont laissés tenter. Si quelqu’un a des informations sur le sujet, elles sont les bienvenues.
A Limerlé, des femmes et des jeunes filles voyageant isolément étaient l’objet d’agressions souvent brutales de la part d’un jeune homme de la localité. Il faut croire que la passion de ce personnage l’a poussé un peu trop loin dans ses entreprenantes poursuites car le Parquet de Marche est descendu sur place et a entendu plusieurs témoins.

L’Organe du dimanche 2 décembre 1906 signale qu’un violent incendie a complètement réduit en cendres l’habitation de Charles Guillaume, cabaretier à Cahay. Tout le mobilier a été la proie des flammes et c’est à grand peine que les sinistrés ont pu se sauver.
Avis est donné aux miliciens appelés à participer au tirage au sort de 1907 et qui ont l’intention de s’assurer d’un remplaçant peuvent dès maintenant déposer la caution de 200 francs chez le receveur de l’enregistrement. Ça ne leur laissait guère de temps pour constituer une cagnotte !
 Le Café de la Place est à remettre pour le 1er janvier prochain. Là aussi il ne fallait pas traîner !

Po rire
-         Qui lihofe don so l’Organe qui vos estos si attentif, dimande Henri à Hubert.
-         -Les marièdjes.
-         Quèle idé ?
-         Po vèye si s’marèye pu d’hommes qui d’feumes !
Une blague qui n’est vraiment plus d’actualité depuis que le mariage a été étendu aux homosexuels.

                                                                                              (A suivre)

jeudi 27 décembre 2012

Le petit patrimoine de Gouvy






Vient de paraître « Le Petit Patrimoine de Gouvy » Vol. 1

Consacré au petit patrimoine de Cherain et Montleban.

lundi 24 décembre 2012

HISTOIRE : La princesse KARADJA

Mary SMITH, fille d’un sénateur suédois fort riche Lars-Othon SMITH, née à Stockholm (Suède) le 12 mars 1868, fut envoyée en pension à Genève de 1877 à 1884. Dans les années 1882-83, elle fut la muse du peintre ZORN à Londres. C’est elle qui est représentée sur ses tableaux: Mary dans le studio (1882-83) et Mary sur la Tamise (1883). Elle épousa le 24 avril 1887, selon le rite orthodoxe grec, un prince turc, ministre à la cour de Stockholm, Copenhague et La Haye Jean Karadja Pacha, né à Neuplie, Athènes (Grèce) en 1835. Le couple vécut d'abord à Stockholm, puis à La Haye et enfin à Londres.
La princesse Karadja et ses enfants dans la calèche, devant le château de Bovigny, journal suédois, 1899.
Le 26 mai 1893, devant le notaire DOUNY à Vielsalm, le baron Oscar de MESNIL de VOLKRANGE, rentier, rue de la Loi n°117, à Bruxelles, vendit à son Excellence Mary-Louise SMITH, Princesse KARADJA, épouse assistée de son Excellence Jean-Constantin-Alexandre-Othon Prince KARADJA PACHA, envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S.M. l’Empereur des Othomans, demeurant ensemble à La Haye, une propriété dénommée « château de Bovigny » se composant d’un château récemment construit, avec toutes ses dépendances, serres, établissement de pisciculture, maison de garde, jardins, terres, pâtures et bois, pour 30 000F.
Gravure du château de Bovigny, journal suédois, 1899.
Le prince KARADJA réaménagea complètement le château, sur les plans de l’architecte KUPPER à Bastogne. Les travaux se chiffrèrent à 13 679,24 F. Il fit appel à des entrepreneurs locaux: LEMAIRE à Vielsalm, MEYER et BRUYÈRE à Beho. Menuiserie : SCHMITZ à Beho ; Briquetiers : LAURENT à Rochefort et PERRET à Marche ; Tailleurs de pierres : MOUTSCHEN à Beho, LENOIR à Gouvy ; Plomberie : VREULS à Liège ; Maçonnerie : ESSER ; Plafonnage : BONTEMPS à Gouvy.
Le prince, malade, fut soigné par les médecins SCHEURETTE, BERNARD et MASIUS. Il manda le Notaire JACQUES à son chevet le 29 juillet 1894 ; il institua la princesse légataire universelle de ses biens. Il mourut en son château de Bovigny (commune de Beho !) le 11 août 1894, à l'âge de 59 ans. Le décès fut déclaré par le Notaire JACQUES et le cocher Philippe BELHOMME. Pendant la veillée, le défunt se consuma (combustion spontanée ?). La princesse y vit un signe paranormal. Les funérailles furent célébrées par deux archimandrites grecs et l’inhumation eut lieu dans une crypte sous la chapelle orthodoxe érigée près du château et ornée de la devise : « Parce que c’est beau, c’est à aimer » (Merci B.C. J).
Le 10 décembre 1894, à la requête de Mary-Louise SMITH, rentière, demeurant au château de Bovigny, veuve du prince KARADJA, en présence d’Auguste PIETTE, receveur communal à Vielsalm mandataire de Benjamin de VRIES, consul de Turquie à La Haye, subrogé-tuteur des enfants, et de Frédéric JACQUES, notaire à Vielsalm, firent l’inventaire des biens meubles du château de Bovigny.
Intérieur du château de Bovigny, cheminée aux armes de la famille Karadja, journal suédois, 1899.






















Cet inventaire nous livre quelques curiosités : Dans le vestibule attenant à l’entrée du château, on pouvait admirer une armure. Dans la pièce y attenant servant de grand salon : piano, bahuts, petites vitrines anciennes, harmonium, petite armoire avec glace, coffre à charbon, étagère, petites tables turques incrustées, petites tables en bois noir, tapis de « Sémyrne », tapis d’Aubusson, petits lustres en cuivre, petit sofa en étoffe turque, petit sofa en velours, fauteuils en bois, tables en bois, chaises recouvertes de velours, fauteuils à dossiers en bois, fauteuils en étoffes, chaises en bois, glace, petits tabourets en velours, chevalet en bois noir, petites étagères, grande étagère, grandes lampes, paravents en cuivre doré, petite table avec vitrine, table bibliothèque. De multiples tableaux, dont certains de l’école Hollandaise, d’autres signés Van HAANEN, AUKER, WESTERBRUC, CORDIER, REMOLINAR, WOUVERIAU, Van TOL ; des aquarelles de LACOSTE, PASSINI, ANDERSON, MEYER. Consoles, candélabres, encrier, faïence de Rouen, de « Capadimonte », de Delft , porcelaine de Saxe, potiches italiennes, anglaises ou en Delft, argenterie et métal anglais, etc. Dans la salle à manger : trois cornes montées sur argent. Il y avait le petit salon à écrire, la chambre d’enfants y attenant, la cuisine. La laiterie était située sous la terrasse, elle comprenait : turbine centrifuge, baratte, malaxeuse, machine à lessiver, machine à calandrer. Plus de mille bouteilles dans les caves : bordeaux, mousseux, champagne, cognacs et liqueurs diverses.

Du pallier du premier étage, on accédait à la chambre à coucher de la tour, où se trouvait le coffre-fort. La chambre à coucher attenant à la précédente comprenait le prie-Dieu. La salle de bains y attenant était déjà dotée d’une baignoire. Une autre chambre joignait cette salle.
Au second étage, une multitude de chambres à coucher, dont une dans la tour. Les domestiques étaient logés sous le grenier, ils disposaient de 5 lits en fer, d’autant de tables de toilette et de chaises en bois blanc. Cela contrastait fort avec le reste.
Dans la remise : voiture « Victoria », coupé, wagonnette, charrette à âne. L’écurie disposait de 5 juments (anglaises et ardennaises), 1 poulain et 2 ânes. La ferme comportait une dizaine de vaches et veaux, quatorze moutons, une vingtaine de cochons, des oies, canards, poules et lapins.

La princesse au château de Bovigny, journal suédois, 1899.

La princesse voyageait entre la Belgique, la Grande-Bretagne et la France. Elle fut un écrivain polyvalent sous le nom de « Mary princesse Karadja » : poésie, prose, pièces de théâtre et nombreux écrits spirituels. Elle employait le suédois, l’anglais, l’allemand. En français, elle publia « Étincelles » à Paris en 1892, puis  en 1902 : « L’Évangile de l’espoir ». Elle pratiqua l’ésotérisme et fonda « the White Cross Union » (l’Union de la Croix Blanche) et fut présidente de l’Alliance gnostique universelle, fondée en 1912 pour propager la gnose (connaissance) des « Grandes lois spirituelles qui régissent l'Univers, et ainsi favoriser l'évolution spirituelle de l'humanité. »
Khwaja KAMAL-UD-DIN


Khwaja Kamal-ud-Din, auteur de nombreuses publications à propos de l'Islam, rendit compte de sa rencontre  avec la princesse à Bovigny début juillet 1913. Il narre avec sérieux que, depuis qu’elle était veuve, elle était impliquée dans des activités savantes. Elle prétendait recevoir la révélation divine et sa mission était de divulguer ces secrets qu'elle croyait être cachés dans les Évangiles, la Torah et la religion égyptienne antique. Il se réjouissait de la teneur de ses propos proche de l’Islam selon lui.
Le « Corpus Christi Caller and Daily Herald », publié au Texas le 10 novembre 1914 consacre un article à la princesse. Il signale que la princesse comme président et trésorier honoraire de la société de secours belge avait transformé le château de Bovigny, situé en plein coeur de la zone de guerre, en hôpital. En reconnaissance de son travail, le gouverneur de Liège lui adressa une lettre de gratitude.

La princesse Karadja mourut à Locarno (Suisse) le 7 septembre 1943, âgée de 75 ans.

Georges BENOIT