mercredi 2 septembre 2009

L’église de Mont-Saint-Martin à Bovigny.

(publié dans Ardenne et Famenne, 1968-1969/1)

I.
Plusieurs documents nous font savoir qu’au haut Moyen Age existait, en Ardenne, une villa, un domaine du nom de Glain, mentionné sous la dénomination de Glaniau villa, Glaniaco, Glaniacho, Glengou.
Vers 720, 6 décembre, Charles Martel, maire du palais, vint y tenir un plaid (à Glaniau villa) et y rendit une sentence devant une cour nombreuse.

(J.HALKIN/ C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, t.I, Bruxelles, 1909, pp.39-40)

Un autre document, une charte privée du 14 avril 915 indique les limites de ce domaine : la terre de Saint-Remacle (Lierneux), la terre de Saint-Aubin (Gouvy), et les terres de deux particuliers Erlebold et Everhelm (ces deux dernières sont le domaine de Thommen et ce qui fut le comté de Salm primitif).

(J.HALKIN/ C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, t.I, Bruxelles, 1909, pp.126-129)

Ces limites sont celles de l’actuelle commune de Bovigny et de ce qui fut l’ancienne paroisse de Mont-Saint-Martin jusqu’à 1803, excepté toutefois Cierreux (au nord du ruisseau) qui, jusqu’à 1803, fit partie de la paroisse de Salm.
On estime raisonnablement que l’emplacement du chef-lieu du domaine de Glain se trouvait à l’endroit occupé actuellement par les bâtiments de la ferme dite « des Concessions ».

II.

Le 1 octobre 814, l’empereur Louis le Pieux confirma les monastères de Stavelot et de Malmedy dans la possession de plusieurs dîmes et chapelles situées en territoire royal, parmi lesquelles celle de glaniaco. Confirmation renouvelée le 1er février 950 par Otton Ier.

(J.HALKIN/ C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, t.I, Bruxelles, 1909, pp.66 et 163)

Ces droits, fait remarquer le diplôme impérial, avaient déjà été donnés aux monastères par les prédécesseurs de Louis (ab antecessoribus nostris).
De quels devanciers s’agit-il ? De deux ou trois ? En tout cas cela nous reporte pour le moins au VIIIe siècle.
En 814, la chapelle de Glaniaco existait donc déjà depuis longtemps.

III.

Vers 1130, au commencement de l’abbatiat de Wibald, un dénombrement des églises à la collation de l’abbé de Stavelot cite celle de « Monte Sancti Martini ».

(J.HALKIN/ C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, t.I, Bruxelles, 1909, p.305)

À la même date, Mont-Saint-Martin est encore cité dans le relevé des églises et terres payant des redevances à l’église de Stavelot.

(J.HALKIN/ C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, t.I, Bruxelles, 1909, p.309)

Désormais, c’est sous ce nom de Saint-Martin, de Mont-Saint-Martin, que seront mentionnées, dans les documents, l’église et la paroisse en question. Que cette église, à partir de certain moment, ait été désigné par le nom de son titulaire, rien d’étonnant. De même, que le mont sur lequel s’élevait l’édifice.

IV.

Glain, chef-lieu de la villa royale, est à l’écart de Mont-Saint-Martin. Dès lors, le bâtiment capella de Glaniaco se trouvait-il au chef-lieu du domaine royal ? Ou faut-il le voir, déjà à son origine, sur le sommet du Mont ? Il y a là un problème.
Géographiquement, le Mont-Saint-Martin est bien mieux placé que Glain pour servir de centre paroissial ; il n’est pas tellement éloigné non plus du chef-lieu de l’ancien domaine, environ 1 km., et sur un terrain de même niveau.
D’autre part, en 814 et déjà depuis les devanciers de Louis le Pieux, la capella de Glaniaco était église non seulement du chef-lieu, mais église régionale ; car des dîmes, que l’on peut croire importantes à raison du fait qu’elles font l’objet d’un diplôme impérial, lui étaient attachées.
À notre avis, ce caractère régional permet de penser que, dès l’origine de la paroisse, aux premiers temps de l’évangélisation par les moines de Stavelot, l’église paroissiale s’est trouvée sur le thier devenu « Mont-Saint-Martin ».
La dénomination église de Glain peut très bien d’ailleurs avoir signifié église du domaine de Glain, quel qu’ait été l’emplacement de l’édifice du culte, cela quand la vie au chef-lieu était encore active. Cette vie venant à faiblir et disparaître peu à peu, entre 814 et 1130 (cela fait trois siècles), le nom du patron de l’église aura prévalu sur l’ancienne dénomination.

V.

Le 2 juin 1717, à la suite d’une demande des paroissiens adressée à l’évêque de Liège, le titre d’église paroissiale de Saint-Martin fut transféré à la « chapelle de Bovigny ».
C’était la régularisation d’une situation de fait.

(A.P. Bovigny. Cité par L.LOMRY/ P.-F. LOMRY, La toponymie de la commune de Bovigny, dans A.I.A.LUX., Arlon, 1947, p.135)

Depuis longtemps, une partie de la paroisse avait été ravagée. Bien des endroits, habités autrefois, étaient devenus déserts : Lamerlé, Outrimont, Pumont, Oburcy, Belvaux, Walo, et d’autres. La situation de l’église, sur le mont, était devenue réellement excentrique et le curé résidait à Bovigny, près de ce qui restait de ses paroissiens.
À quel moment la dévastation de la paroisse s’est-elle effectuée ? Le P. LEMAIRE la place « vers le milieu du XVIIe siècle ».

(H.LEMAIRE, Ancienne église de Saint-Martin en Ardenne, Luxembourg, 1879, pp.17-26. L’auteur pense qu’on inhumait déjà à Bovigny avant 1717, basant son opinion sur la présence à Bovigny d’une croix tombale datée de 1666 (p.21))

Toutefois, elle a eu lieu bien avant. Le dénombrement des chefs de ménage de 1472 ne cite aucune des localités notées ci-dessus.

(A.E.A.)

Non plus que les dénombrements ultérieurs.

(J.GROB/J. VANNERUS, Dénombrements des feux des duché de Luxembourg et comté de Chiny, t.I, Bruxelles, 1921. G.REMACLE, Chefs de ménage de Bovigny, dans B.I.A.LUX., 1965-2.
N.B. Sur l’ancienne paroisse de Saint-Martin, voir aussi D. GUILLEAUME, L’archidiaconé d’Ardenne dans l’ancien diocèse de Liège, Liège, 1913)


Sans entrer dans d’autres détails, remarquons seulement que les temps du XIVe siècle, au plus tard, ont amené bien des malheurs dans le pays, et nous situons, quant à nous, la dévastation du ban de Saint-Martin à cette époque.
Le maintien du droit de collation, et d’une part aux dîmes, dans le chef de l’abbaye de Stavelot, a gardé jusqu’en 1717, à l’église du Mont-Saint-Martin, son titre d’église paroissiale.

Gaston REMACLE, 24/10/1968

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