jeudi 17 novembre 2011

La Belgique pittoresque et monumentale

Viel-Salm.

Stavelot que nous quittons est grande dans le passé par le souvenir de son abbaye princière; riche, naguère, par ses tanneries; devenue célèbre aujourd'hui par le grand bienfaiteur de l'époque, M. Nicolaï, le donateur du pauvre, le banquier de l'indigence.

Quittant tout cela, qu'allons nous chercher à Viel-Salm ?
Un site enchanteur, une ruine, des ardoisières et un excellent hôtel tenu par M. Janin.
Si vous aspirez à plus, si vous voulez davantage, renoncez à nous suivre.

Assis sur le siège extérieur, découvrant le pays au loin, mon ravissement commence en m'élevant au-dessus des bords de l'Emblève dont je descends le cours jusqu'au pont où je le traverse. Alors la rivière qui reçoit la Salme, se courbe sur la droite et va, à quelque distance, former la cascade du Coo, et, beaucoup plus loin, à travers les roches isolées du quarreux, arroser la vallée de Remouchamps, et enfin, mêler à Doux-flamme ses eaux à celles de l'Ourte qui verse les siennes dans la Meuse, à Liège.
La Meuse, l'Ourte , l'Emblève ….,
voilà la marche ascendante en remontant le cours des rivières dont les beautés variées soutiennent la comparaison avec celles du Rhin et de la Suisse. Nous avons suivi tous ces bords, parcouru toutes ces vallées enchanteresses , el nous voici maintenant sur la rive gauche de la Salm, au hameau des Trois-ponts, et là, d'autres et nouvelles beautés de sites s'offrent à notre œil enchanté.

Assez resserrée, parfois trop étroite pour le plaisir des yeux, la vallée s'élargit et prend les proportions de la plaine à Halleux, grand village qui rompt la monotonie de la chaîne des monts dont les rochers, trop rares, ne varient pas assez les aspects.

En approchant de Viel-Salm, les montagnes s'affaissent, et deux rivières nouvelles, en creusant les ravins, ajoutent à la beauté du tableau. L'église s'élève, majestueuse, sur la cîme des monts, et à l'entrée de la modeste cité, se présente, assise sur la hauteur, entre ces ruisseaux qu'elle domine, la jolie et excellente auberge tenue par M. Janin.

Délicieuse et hospitalière, elle s'avance comme pour recevoir les voyageurs ; aussi y est-on tellement bien, qu'elle possède toujours de nombreux touristes et des pensionnaires.
Maintenant, il faut aller au-delà, d'abord visiter les carrières d'ardoises, puis les ruines du vieux castel à Salm-le-Château.
Avec du talent, on peut poétiser tous les sujets, et le travail des carrières devrait trouver un poëte égal au mérite de notre Weustenraad qui a su décrire, en vers sublimes, tous les prodiges de la locomotive.
Mais ce tableau de roche qu'on creuse, de ces pierres qui se détachent et tombent en lamelles pour former des ardoises ; de ces nombreux ouvriers qui les tirent, les apprêtent et les enlèvent ; tout cet ensemble si curieux, si animé et si pittoresque ne pourrait être décrit qu'en prenant un temps que je consacre à de lointains souvenirs.

Un des avantages des courses, c’est de raviver les impressions et d'évoquer le passé.
N'ai-je pas vu des carrières d'ardoises à Lamberis, dans la principauté de Gall, en Angleterre ?
Ai-je oublié celles plus belles encore, peut-être, près d'Angers ?
Enfin, qui ne connaît les fameuses ardoisières du Fumai ?
Pensant à celles-là et à bien d'autres encore, le loisir de décrire les carrières de Viel-Sam me manque.

En dirai-je autant de la ruine du gothique manoir qui domine Salm-le-Château ?
Est-il d'ailleurs vrai que j'aie été jusque là ?
Sans l'avoir vue, n'eu ai-je pas pris la description quelque part ?
Échappons au danger que n'a pas su éviter Valleri dans son ouvrage, excellent d'ailleurs, sur l'Italie.
Il décrit une ruine d'après une gravure de fantaisie, alors que le dessin véritable nous a été représenté par M. Raoul-Rochette à son cours d'archéologie, et, à cette occasion, l'éloquent professeur nous a cité bien des erreurs anciennes répétées par des livres nouveaux, de la part de voyageurs qui n'avaient pas visité les lieux ou su les décrire.
Pressé par le temps et d'ailleurs rappelé à l'hôtel par l'intérêt de la société, je n'ai pris, des ruines de Salm, qu'une idée trop superficielle pour que je puisse en offrir la description. D'ailleurs la lithographie donne mieux et à moins de frais ; je renvoie donc au dessin. Par là, j'épargne le temps et je sauve de l'ennui.
L'ennui !... Mais ce serait le donner que de reproduire ce qu'on a vu, et répéter ce qu'on a dit... Or, comme le retour à Stavelot s'opère par la même route, pour éviter les répétitions, je déclare être rentré dans la cité de S'-Remacle.


Albert d'Otreppe de Bouvette (extrait de La Belgique pittoresque et monumentale : élans patriotiques. Essai de tablettes liégeoises, 58e livraison, mai 1866, Liège, pp. 33-36).

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