lundi 7 mai 2012

Les ceux de chez nous

EPILOGUE D’UN FAIT DE GUERRE 

Le 4 février 1944, la ferme Bourgraff à Bovigny est attaquée par les allemands arrivés par l’arrière : certains habitants sont actifs dans la résistance, un aviateur américain abattu récemment y a été hébergé et une dénonciation est à l’origine de cette action. Neuf personnes sont faites prisonnières dont la maman et la fille aînée. Le papa sera arrêté quinze jours plus tard. Jean Bourgraff, dix ans à l’époque, est à ce moment à l’école, cinquante mètres plus bas. Il entend la fusillade puis voit passer les prisonniers, dont sa maman qu’il ne reverra pas. Avec frère et sœur, il est alors hébergé à Eghezée dans un château où sa tante est cuisinière : ils y passeront plusieurs mois dans l’ignorance totale du sort de leur famille. Ils recevront bien quelques pages arrachées d’un livre de prières sur lesquelles la maman a, depuis la prison Saint-Léonard, griffonné quelques mots et, en juillet seulement, apprendront que le papa est détenu à Buchenwald, la maman et la sœur à Ravensbrück. Ceci les rassure car ils s’imaginent qu’étant dans des camps, ils sont en sécurité, et qu’on s’occupe d’eux ! En 1945, des prisonniers rentrent, mais pas la maman, décédée faute de soins. On apprend alors que des lettres arrivaient régulièrement mais chez les grands- parents à Bellain, donc de l’autre côté de la frontière : Jean et sa famille ne pourront en prendre connaissance que bien plus tard. Mais comme toujours et partout, la vie continue. Jean va avoir un parcours professionnel exemplaire et même hors du commun. Né donc à Bovigny en 1934 d’un père cheminot et d’une maman ménagère, il fait son école primaire au village, l’école moyenne à Vielsalm, l’athénée à Stavelot puis réussit un régendat littéraire à Nivelles en 1956. Il enseigne un an à Spa puis quatre années au Congo ( Luluabourg et Katanga) où il donne aux petits noirs des cours de français et d’histoire. Au moment de repartir en septembre 1961, l’avion est supprimé pour fait de guerre dans notre ancienne colonie. Jean abandonne donc l’enseignement et entre dans une société américaine – Burroughs- qui s’occupe de mécanographie. Il y assiste aux prémices de l’informatique. Après neuf années, il crée sa propre société de mini-informatique où chacun a ses systèmes opérationnels et ses programmes propres. Il passe un contrat d’exclusivité pur la Belgique et le Congo et veut réaliser pour des PME ce que l’on fait pour les grosses entreprises. La société est basée à Liège mais recueille surtout un gros succès en Flandre. Les affaires sont florissantes. Il reste actif dans cette société jusqu’en 2008 et cède les rênes de celle-ci à son fils en 2010. Le voilà retraité : il peut s’occuper activement de son jardin accolé à la magnifique maison qu’il a fait construire sur l’emplacement de la ferme des grands parents : So l’crap da Mathy. Mais les événements de 1944 ne l’ont pas quitté une seconde. Pendant six décennies, il a vécu avec ce souvenir et surtout les rumeurs, les non-dits, les fausses informations, certaines écrites, sur ces faits dramatiques. Et il écrit, il remplit plusieurs cahiers, et il cherche. Non seulement il cherche mais il trouve, notamment des témoins à Priesmont, à Rencheux, à Ennal, plus loin aussi, qui vont lui apprendre beaucoup de choses et surtout la vérité. Peut-être pas toute, mais une bonne partie, et notamment que les Juifs n’ont pas été les seules victimes du nazisme. Il va faire aussi plusieurs voyages dans les anciens camps de concentration nazis.


La photo le montre en grande discussion avec l’archiviste du Mémorial de Ravensbrûck, Frau Schnell, et l’auteur du livre de référence sur le complexe concentrationniste Bernhard Strebel. La quête de Jean Bourgraff qui s’assimile assez bien à une enquête policière se concrétisera prochainement par la parution d’un livre de 360 pages qu’il a donc rédigé à partir de ses cahiers écrits au cours des ans, qu’il a composé lui-même après avoir suivi les cours de Word à l’ILLEPS-Vielsalm et qu’il édite à compte d’auteur. Son ouvrage « ENTRE GLAIN ET HAVEL » ( Le Havel est une rivière du nord de l’Allemagne, affluent de l’Elbe, qui alimente une multitude de lacs et baigne notamment la ville de Fürstenberg), il le présentera dimanche prochain à 14 heures au local du football de Bovigny. Que ceux qui s’intéressent à la guerre et à ses suites ou tout simplement à l’histoire de notre région n’hésitent pas à aller écouter Jean Bourgraff. L’homme est passionnant. Son histoire aussi et son livre n’est pas un simple exposé de faits, il va en profondeur.

Robert NIZET

1 commentaire:

  1. Very enertgetic blog, I liked that a lot.
    Will there be a part 2?

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