(publié dans …, le 9 octobre 1960)
Aller de Vielsalm à Liège en dog-cart, en moins de quatre heures.
Qui se souvient encore, à Vielsalm, d’un pari sensationnel et original, dont on parla beaucoup et au loin, en la fin d’année 1885.
Il s’agissait de faire le trajet de Vielsalm à Liège, soit 69 km., en quatre heures, dans une voiture tirée par deux chevaux attelés en tandem.
C’est M. Georges CHAUDOIR, de Vielsalm, qui avait engagé ce pari, avec d’autres membres de la société de chasse à courre. Il le gagna superbement.
D’autres paris, s’élevant à près de 50 000 fr. vinrent encore s’y ajouter.
Au cours du mois de novembre, M. CHAUDOIR avait, pour arriver à un rendez-vous de chasse, parcouru 15 km. Avec une étonnante rapidité. Peu auparavant, il avait encore réussi à effectuer le trajet de Spa à Malmedy, et retour, soit 8 lieues, en une heure et demie.
Quelques membres de la société de chasse à courre ayant soutenu que des chevaux ne pouvaient effectuer de telle prouesses, Monsieur CHAUDOIR s’engagea à faire le pari précité.
Nous avons pu retrouver quelques notes au sujet de cette affaire, et nous en donnons ci-après un écho.
M. CHAUDOIR prit ses dispositions. Il fit venir une voiture de course, de 96 kg., genre coureuse américaine. Il choisit, pour placer dans les brancards, un bon cheval de chasse, et il acheta, comme cheval de volée, une petite jument pleine de feu appelée Cora, déjà renommée pour certains exploits.
Il étudia également avec soin le trajet à parcourir, faisant plusieurs fois le trajet de Vielsalm à Liège, avec son ami le baron de MACAR. Ce ne fut pas sans aventures et sans dommages, car la voiture, certain jour, se brisa, le cheval blessé dut être abattu, et les voyageurs même durent faire à pied plusieurs lieues sous une pluie battante.
Cependant le 6 décembre, à 9 heures du matin, M. CHAUDOIR montait dans sa légère voiture de course à Vielsalm, et il partit au grand trot.
Le précédait une autre voiture, dont les occupants devaient veiller à rendre la route libre ; un maréchal-ferrant les accompagnait.
En même temps, M. Gaston de SINÇAY partait à cheval.
Itinéraire à suivre : Grand-Halleux, Trois-Ponts, Coo, La Gleize, Stoumont, Quarreux, Remouchamps, Trooz, Chaudfontaine, Chênée, soit 69 km. Il comprenait trois côtes assez raides à monter, ainsi que plusieurs tronçons de route rocailleuse.
M. CHAUDOIR ne ralentit l’allure de son attelage que quelques instants afin de rafraîchir les naseaux de ses chevaux.
M. de SINÇAY arrivait à Liège, galopant déjà à 11 heures 53.
Peu après, à 12 h.6 minutes, M. CHAUDOIR était en vue de Chênée, le fouet non déroulé, et à grande allure.
La nouvelle du match en cours s’était répandue rapidement. Les curieux accouraient sur le passage des coursiers.
À Chênée, une foule compacte se pressait sur les trottoirs. Au pont du Val-Benoit, terminus de l’épreuve, affluence énorme.
À midi 19 minutes, soudain, alors qu’on était encore loin de l’attendre, apparut l’intrépide tandem.
Brillante victoire ! Elle était remportée en 3 heures 19 minutes, soit avec 41 minutes d’avance sur l’heure prévue.
Les chevaux avaient fourni près de 14 lieues à une vitesse extraordinaire. Ils étaient pourtant à peine essoufflés, ne paraissant même pas avoir chaud, comme le constatèrent les juges à l’arrivée, MM. Le baron de MACAR et Ludovic de SINÇAY.
Le trajet de Vielsalm à Liège par chemin de fer, 73 km., s’effectuait alors en 3 h. 06, train direct. M. CHAUDOIR, en gagnant son pari, avait presque atteint cette vitesse. Tandis que M. Gaston de SINÇAY, en 2 h.53, l’avait dépassé.
Cet événement fit grand bruit à l’époque dans toute la région et il constitua, pour les sportmen du moment, un abondant sujet de discussion.
Et vraiment, ce n’était pas sans raison.
Gaston REMACLE
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