samedi 10 octobre 2009

Deux comtes de Salm Evêques de Tournai sous l’ancien Régime. (1)

(publié dan L’Annonce de Vielsalm, le 5 décembre 1954)

Au hasard de recherches effectuées, au cours de cet été, à la Bibliothèque de Tournai, nous tombâmes tout à fait par hasard sur la mention de deux comtes de Salm qui furent les deux derniers évêques de Tournai sous l’ancien régime.

Il n’en fallait plus pour aiguiser notre curiosité de mieux connaître ces personnages illustres qui, ainsi que nous allons le montrer, se rattachent — de loin sans doute — à la grande famille des SALM de nos Ardennes. En guise de modeste contribution à la connaissance de notre renommée lignée de comtes salmiens, dont les historiens locaux et particulièrement M. Gaston REMACLE, ont dit tout ce qu’il était actuellement possible de dire, nus livrons aujourd’hui au lecteur le fruit de nos recherches.

Une question préalable : comment se fait-il que des comtes de Salm aient occupé le siège épiscopal tournaisien ?
Il faut savoir que la prise de Tournai par Louis XIV en 1667 valut à cette ville d’avoir pour évêques une série de gentilshommes français. Mais, après la victoire des Alliés et le traité d’Utrecht (1713), ce furent des princes allemands qui remplacèrent les favoris de la cour de Versailles : Jean-Ernest comte de LÖWENSTEIN-WERTHEIM (1713 – 1731) et les deux SALM qui menèrent l’histoire de l’Eglise de Tournai jusqu’au cœur de la grande Révolution.

Le comte François-Ernest de SALM-REIFFERSCHEID se rattachait par son double nom à deux familles aussi illustres l’une que l’autre.
On sait que la ligné masculine des comtes de Salm, en Ardennes, s’était éteinte en 1416, avec la mort d’Henri VII, qui avait survécu à ses trois enfants : Henri, son fils tué en 1408 à la bataille d’Othée, et ses filles Jeanne, décédée entre 1399 et 1402, et Marie, mariée à Otton de ROUGRAVE, morte sans enfants en 1415. À la mort de cette dernière, Henri VII désigna pour lui succéder son plus proche parent, Jean, sire de WASSEMBERG et de REIFFERSCHEID, lequel prit le titre de comte de Salm et fut la souche des comtes de SALM-REIFFERSCHEID.

François-Ernest naquit à Vienne, le 6 juin 1698, de Marie-Agnès, comtesse de SLAVATA, et de François-Guillaume, comte du Saint-Empire romain, de Salm et de Reifferscheid, seigneur de Bedbur, de Dyck, d’Alster et de Hackenbroich, maréchal héréditaire de l’archevêché de Cologne, ci-devant capitaine de la compagnie des archers de l’Empereur, et présentement grand-écuyer de l’Impératrice douairière Guillemine-Amélie, et privé conseiller de l’Empereur.
En outre, François-Ernest était le neveu de l’Evêque de Tournai, Jean-Ernest de Bavière, comte de LÖWENSTEIN-WERTHEIM. Et lorsque ce dernier prélat mourut à Aix-la-Chapelle, le 26 juillet 1731, l’empereur Charles VI désigna le jeune chanoine de Strasbourg et de Cologne pour succéder à son oncle maternel dans cet important bénéfice ecclésiastique (1er octobre 1731).
Le sacre eut lieu à Vienne le 29 mars 1732. Le nouvel élu prêta un mois plus tard (23 avril) le serment de fidélité à Sa Majesté impériale et catholique, entre les mains de Son Altesse sérénissime Marie-Elisabeth, gouvernante générale des Pays-Bas. Le 11 septembre, il arrivait à Tournai. Une délégation du chapitre alla lui souhaiter la bienvenue et lui offrir la magnifique chape avec la riche crosse pastorale de son oncle et prédécesseur sur le siège épiscopal. Le lendemain, un Te Deum triomphal, avec accompagnement de « symphonie », retentissant sous les voûtes de la vieille cathédrale à l’occasion de la prise de possession canonique du prélat et de sa joyeuse entrée.
(Cfr. Actes du Vicariat, aux Archives de l’évêché de Tournai)

Le comte de Salm fit preuve en toutes circonstances d’une foi profonde et d’une non moins vive piété.

La majeure partie de ses mandements réclamaient des prières aux fidèles : tantôt pour obtenir un héritier au trône d’Autriche, tantôt pour le succès des armées de l’Empire, tantôt pour prévenir des malheurs publics ou conjurer une épidémie. Le même esprit le guidait dans son zèle pour la sanctification des jours de fêtes (mandement du 27 octobre 1751, aux Archives de l’évêché de Tournai), et dans les prescriptions religieuses au clergé de son diocèse (mandement du 9 avril 1765, idem).
Mais, en haut seigneur qu’il était, le prélat se révélait aussi très jaloux de son autorité et très susceptible dans l’exercice de son pouvoir. Ce trait de caractère devait le mettre plus d’une fois en conflit avec le chapitre, surtout à cause de son doyen ; il ne peut évidemment être question d’en donner le détail dans le cadre de cet article.



Le prélat aimait le faste des grands salons et des beaux séjours. Le château d’Helchin (localité à quelques kilomètres de Tournai) dut à ce goût du luxe d’être transformé en une résidence charmante, aux jardins splendides et aux eaux magnifiques. Il se plaisait à passer les mois d’été dans ce « petit Versailles ».
L’hiver, au contraire, le voyait revenir dans son palais épiscopal. L’un et l’autre de ces immeubles regorgeaient de collections remarquables.

Le comte de Salm était aussi un mélomane au suprême degré. Il avait attiré dans son palais épiscopal les artistes les plus renommés, qu’il hébergeait et payait largement.

Ces goûts dispendieux épuisèrent souvent les ressources de l’évêque. Pour rétablir ses finances et s’obliger à un genre de vie plus simple, il s’exilait alors de son diocèse. Il se trouvait précisément dans une de ces situations embarrassées lorsque Louis XV fit le siège de Tournai et emporta la ville d’assaut (1745). Absent depuis six mois, le comte de SALM revint précipitamment sur l’ordre sur l’ordre exprès de l’impératrice Marie-Thérèse. En dix jours de poste, il brûla le long trajet de Vienne à Tournai, où il arriva juste à temps pour recevoir en habits pontificaux le monarque vainqueur et chanter le Te Deum d’actions de grâces.

Durant toute la domination française, jusqu’en février 1749, François-Ernest se retira dans son séminaire épiscopal où il vécut économiquement avec un personnel des plus réduit, uniquement composé d’un domestique, d’un valet de chambre et d’un cocher. Mais lorsqu’après le traité d’Aix-la-Chapelle, des feux de joie saluèrent à Tournai le départ des Français devenus impopulaires par leurs ruineuses exactions, le prélat en revint à son ancienne magnificence.

Il mourut à Strasbourg, le 16 juin 1770, à l’âge de 72 ans, après 38 années d’épiscopat. Suivant l’usage, on brisa aussitôt le sceau du défunt et on remit les morceaux au Chapitre qui reprenait par intérim le gouvernement du diocèse. Son sceau se trouve au musée d’antiquités à Bruxelles, sous le n.4222 ; et l’empreinte, au musée de Tournai.



La cathédrale de Tournai en 1720.

Rappelons que, comme armoiries, les comtes de SALM-REIFFERSCHEID portaient écartelé. Au 1 parti d’argent et encore de même, à deux saumons adossés de gueules sur la première partition (SALM), et sur la seconde partition un écusson de gueules plein, surmonté d’un lambel d’azur à cinq pièces (REIFFERSCHEID). Au 2 de gueules, au lion couronné d’argent, l’écu semé de billettes de même (BEDBUR). Au 3 d’or, au lion d’argent (HACKENBROICH). Au 4 fascé d’or et de gueules de neuf pièces, au lion d’argent brochant sur tout (ALSTER). Et sur le tout, d’argent à trois fusées de gueules 2 et 1 (DYCK).

Toutefois, sur la vignette surmontant les mandements de l’évêque de Tournai (Collection de Mandements, aux Archives de l’évêché), on trouve constamment les deux derniers quartiers intervertis : le 3 terminant l’écu, et le 4 tenant la place du 3, mais avec le lion retourné, de manière à prendre l’aspect affronté.

R.L.

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