lundi 18 juin 2012

LA PREMIERE AUTOMOBILE A VIELSALM ???

Dans un rapport de stage (1) effectué par Marie-Bernadette Bodeux en 1979 au garage Jeunejean (concessionnaire Renault) dans le cadre de l’épreuve écrite pour l’examen de qualification à l’I.S.C. de Vielsalm, on lit dans l’introduction :





- Les origines du garage Jeunejean remontent aux environs de 1880. A cette
époque le grand-père et le père (Jules Jeunejean) de Monsieur (Arthur) Jeunejean
travaillaient ensemble. Leur petite entreprise était située rue du Vieux Marché
à l’emplacement de l’actuel salon de coiffure Lanuit (2). Ils ont géré dans un
premier temps un commerce de bicyclettes et ensuite ont développé le marché de
la motocyclette dans la région.

- C’est en 1898 que la première voiture arrive à Vielsalm chez Monsieur Jules
Jeunejean. Il s’agissait d’une de Dion-Bouton un cylindre.

- En 1931, il (= Arthur Jeunejean) s’établit avenue de la Salm (3) et vend des motos
et des voitures de marque Gillet et Citroën.



Deux photos illustrent cette introduction avec les légendes suivantes :



- La première voiture de Vielsalm, une de Dion-Bouton 1 cylindre (cette voiture
est actuellement au Musée de la Voiture à Bruxelles)
- Monsieur Jeunejean et sa maman (+/-1910)

Ce texte et la légende des photos ne manquent pas d’interpeller. Ces informations ont sans doute été données à la stagiaire de vive voix et reproduites sans être vérifiées : ce n’était pas l’objectif du stage portant sur la comptabilité et l’organisation de l’entreprise mais il semble bien qu’elles ne soient guère exactes.

Que la première voiture apparue à Vielsalm ait été la propriété de la famille Jeunejean, des mécaniciens, est plausible et même vraisemblable.

Que cette première voiture (1ère photo) date de 1898 est manifestement faux : jusqu’en 1903 au moins et même plus tard pour certaines marques, les voitures automobiles (concept alors récent) ressemblaient plutôt à des calèches hippomobiles auxquelles on aurait enlevé les timons alors que le véhicule représenté est déjà une voiture « moderne » : moteur à l’avant, habitacle (ouvert) au centre et coffre ( ou support pour un panier ou une valise) à l’arrière.

Qu’il s’agisse d’une de Dion-Bouton de 1898 n’est pas exact non plus puisque la première voiture de la marque fabriquée en grand nombre avec 2970 exemplaires entre 1899 et 1902 était un vis-à-vis appelé la petite voiture donc pas du tout la voiture photographiée. En fait, selon Monsieur Yvan Mahy, le plus gros collectionneur belge de véhicules anciens (plus de 1000 !) dont une partie de la collection est exposée à l’Autoworld de Bruxelles et une autre partie à Leuze-en-Hainaut (4) il s’agit d’une Ford T de 1910 ou 1911. Il possède d’ailleurs le même modèle.

L’autre photo montre effectivement une de Dion-Bouton datant d’entre 1903 et 1906. L’Amicale de Dion-Bouton de France précise que ça devrait être un bicylindre de 10HP de type W si elle est de 1904. Mais la teinte noire qui fut préconisée en 1905 pourrait la faire correspondre à un type AB. Monsieur Mahy n’a pas souvenance d’une première automobile qui existerait encore quelque part.

L’endroit des photographies
Au début du 20ème siècle l’extrémité vers Salmchâteau du côté droit de l’actuelle rue du Vieux Marché ne comportait que deux immeubles :
- la pharmacie Rausens devenue plus tard le domicile et le cabinet du dentiste Maurice Delaval et actuellement propriété de Monsieur et Madame Mullen ;
- l’horlogerie-bijouterie de Florent Guillaume (père) inchangée à ce jour mais volets toujours baissés !
Entre les deux existait un parc arboré dans lequel a été photographiée la fameuse voiture. On distingue en effet entre les arbres la grande fenêtre en trois parties verticales que l’on retrouve sur l’autre photo.

La date des prises de vue
Jules Jeunejean né à Verviers le 15 mars 1873, frère d’Arnold (des machines agricoles) était arrivé ( revenu ?) à Vielsalm en 1886 et avait épousé en 1902 Augustine Detrés ( 5). De cette union était nés trois filles et un fils, Arthur, le 9 juin 1907. (Celui-ci épousera ultérieurement Maria Mathieu : ils auront trois fils : Jules, Jean-Jacques et Luc).
Sur les deux photos, Arthur est le deuxième personnage à partir de la gauche. Sur la photo avec sa maman il est bien mieux visible et y apparaît comme un petit garçon de 3 à 5 ans. Cette photo en tout cas daterait donc de 1911-1913. L’indication du rapport de stage mentionné ci-dessus peut donc être considérée comme exacte. L’autre photo devrait dater des mêmes années.

Le nouveau garage Jeunejean
En 1931 (d’après ce rapport de stage) Arthur s’installe donc au bas des Chars-à-Bœufs dans un nouveau garage construit par un autre Jeunejean, Joseph, fils d’Auguste et d’Hortense Archambeau. Auguste est un des neuf enfants de Léonard-Joseph Jeunejean (1839-1890) et de Geneviève Martiny (1841-1911), mes arrières- grands-parents maternels de Ville-du-Bois. Joseph épousera la fille du pharmacien Rausens, Simone, et s’expatriera au Maroc (dès 1931 ?) Sur la troisième photo, Simone est sur le pas de la porte, Joseph au guidon de la deuxième moto à partir de la gauche.
Pour trouver un ancêtre commun aux deux branches Jeunejean, il faut remonter à Henri Le Jeusne Jehan né vers 1635 à Ville-du-Bois et marié à Anne avant 1666 !

Tout ceci, j’en conviens, ne nous donne aucune certitude ni sur la date ni sur la marque de la première voiture à Vielsalm. On peut supposer sans grand risque d’erreur que ce serait plutôt la de Dion-Bouton. Remarquons que Gaston Remacle donne comme date de la première voiture à Vielsalm 1899 et comme propriétaire Jules Jeunejean ! Des investigations plus poussées sont actuellement en cours pour tenter de confirmer ces informations de deux sources différentes. Reste à voir si elles aboutiront.

Il est cependant tout à fait possible que la première auto apparue chez nous ne soit pas celle d’un habitant de la localité. Ce pourrait par contre être celle d’un participant à la chasse à courre. Ces gens étaient généralement très bien nantis et certains étaient à la pointe du progrès, parfois même des sportsmen disait-on alors. Ils eurent donc très tôt des automobiles et arrivaient avec elles à Vielsalm pour la période de chasse.

Je tire cette présomption d’abord de la reproduction que je possède (comme beaucoup d’autres sans doute) d’une photo d’époque non datée et montrant un rendez-vous de chasse (à courre). On y voit six anciennes voitures et un tricycle datant à coup sûr d’avant 1910. Qui possède l’original de cette photo ? Peut-être y a-t-il une date au dos de celle-ci ? Il serait très intéressant de la connaître.


Ensuite, une carte postale éditée par Octave Baccus montre un autre rendez-vous de chasse, à Deiffelt probablement mais le cachet postal est déjà ici de 1914. On y distingue aussi six voitures dont une seule est bien visible.





Une autre photo éditée aussi par Octave Baccus sous forme de photo-carte et reproduite ici montre une magnifique voiture de maître, prise à l’arrière de la villa « Chez Nous », anciennement auberge de jeunesse sur l’emplacement actuel du domicile et du cabinet de Monsieur et Madame Lenoir, dentistes, rue du Général Jacques. Le document a été envoyé le 29.09.1910 à Monsieur Louis Denis, chauffeur d’auto à Mariemont par un certain Georges qui s’ennuyait royalement à Vielsalm ! Les propriétaires des lieux à ce moment sont le vicomte Albert de Jonghe et son épouse Isabelle Cornet d’Elzius qui était la fille d’une sœur du baron de Rosée. J’ai tendance à croire qu’il s’agit de leur voiture et de leur chauffeur mais on ne peut exclure qu’il s’agirait d’un ami venu leur rendre visite au volant d’une voiture extraordinaire qui aurait attiré l’attention de notre grand photographe. En effet l’identification de ce « coupé de ville » a posé des problèmes à Monsieur Mahy, ma référence en la matière. J’ai donc sollicité les lecteurs des Annonces de l’Ourthe via La petite gazette de l’anecdote et de l’insolite de René Henry. Plusieurs passionnés ont donné différents avis mais d’après Monsieur Martin Huwart de Ville-au-Bois (Aywaille), cette voiture serait une FONDU modèle 1910 fabriquée à Vilvorde dans la division auto d’une usine de matériel pour chemin de fer. Il m’a d’ailleurs procuré une autre photo d’une voiture identique, ce qui me convainc de son identification sauf vraiment preuve irréfutable du contraire. Merci donc à Monsieur Huwart même si certains ne sont pas d’accord avec lui et semblent chercher la petite bête !

Dernière minute

En dernière minute me parvient l’information suivant laquelle le véhicule immatriculé 13979 (déductible en examinant l’original à la loupe) correspond bien au vicomte A. de Jonghe de Bruxelles.


Robert Nizet

(1) Aimablement prêté par Jean-Claude Duvivier
(2) Actuellement en 2012 annexe du magasin de jouets Lanuit et/ou friterie La fontaine de France
(3) Immeuble occupé en 2012 par l’entreprise de chauffage Philippe Hurdebise
(4) Mahymobiles
(5) Généalogie Jeune jean par Gaston Remacle

2 commentaires:

  1. sur votre seconde photo, vous écrivez : L’Amicale de Dion-Bouton de France précise que ça devrait être un bicylindre de 10HP de type W si elle est de 1904. Mais la teinte noire qui fut préconisée en 1905 pourrait la faire correspondre à un type AB.
    je vous confirme qu'il s'agit bien d'une voiture ddb type W modèle 1904 (présenté au salon de paris 1903). il n'est pas possible que ce soit un type AB ou un autre type, le modèle W est très spécifique.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour!
      Merci pour votre information.
      Comme vous semblez en connaître assez long sur de Dion-Bouton, pensez-vous qu'il serait possible de savoir si Jules Jeunejean de Vielsalm aurait acheté en 1899 une de Dion-Bouton qui serait donc un vis-à-vis? Où s'adresser? Mes tentatives à ce jour sont restées vaines.

      Cordialement
      Robert Nizet, Vielsalm

      Supprimer