samedi 9 mai 2015

Extrait de La Belgique Monumentale et Pittoresque (1844)

Jusqu'ici, nous n'avons encore vu les Ardennes que sous leur côté pittoresque et riant; elles vont nous apparaître maintenant sous leur aspect d'aridité et de désolation. ll n'y a jusqu'à présent pour arriver à La Roche qu'une seule route praticable pour les voitures : c'est un embranchement qui va rejoindre â Champion la grande route de Namur à Arlon. Du côté de l'est, une autre route est en construction qui se dirigera sur Stavelot en passant par Viel-Salm. Cette route est un vrai travail de géants. Elle est entièrement taillée dans le roc vif, depuis le fond de la vallée de l'Ourthe jusqu'au sommet de la montagne de Samrée, une des plus hautes du Luxembourg. A cette hauteur, la nature du sol change. Plus de vertes et fertiles vallées, plus de coteaux couverts de jardins en amphithéâtre. De mornes bruyères, des montagnes noires et pelées, des marécages semés de dangereuses fondrières, s'étendent â perte de vue. Comme compensation seulement, si vous gravissez quelques points élevés, d'immenses lignes d'horizon étendent autour de vous leurs cercles bleuâtres. Et si cette partie de l'Ardenne est la plus sauvage, c'est celle aussi où les mœurs des habitants ont conservé le plus de rudesse. Les villages des l'ailles, de La Baraque, de Bérisménil, ne jouissent pas dans les cantons environnants d'une très-bonne réputation. On accuse généralement leurs habitants d'avoir trop souvent recours dans leurs querelles au chêne noueux de leurs forêts. Il est à espérer que les grandes communications qui vont s'ouvrir dans ce pays auront bientôt fait disparaître ce que ces mœurs ont conservé de par trop primitif.
La vallée où coule la rivière de Salm forme comme une oasis au milieu de cette contrée sauvage. La rivière de Salm, qui est un affluent de l'Emblève, traverse les villages de Viel-Salm et de Salin-Château, et quitte la province de Luxembourg au nord du Petit-Halleux, pour entrer dans celle de Liége.
SALM est le nom d'un comté qui était un fief de celui de Luxembourg.
Le fondateur de la maison de Salm, puissante maison princière dont plusieurs branches existent encore, fut Herman I", fils de Gilbert et frère de Conrad, comtes de Luxembourg, qui fut proclamé empereur d'Allemagne en l'an 1081. Henri I", son arrière-petit-fils, mort en 1165, laissa deux fils : Henri, qui est le chef de la maison de Salm en Lorraine, et Conrad, qui continue la maison de Salm en Ardenne. Le quatorzième comte de Salm en Ardenne, Henri VI, survécut à son fils unique, Henri, tué en 1408 à la bataille d'Othée. Il institua pour héritier son plus proche parent, Jean, seigneur de Reiferseheid, tige des comtes de Salm-Reiferscheid, Bedbur et Kranthein, et des comtes de Salm-Reiferscheid Dyck, aujourd'hui régnants, maison dite de Bas-Salm.
La ligne masculine des comtes de Salm en Lorraine s'éteignit en 1560 dans la personne de Simon, comte de Salm en Lorraine, qui laissa une fille unique nommée Jeanne. C'est d'elle que descendent les différentes branches encore existantes de la maison de liant-Salm. La maison de Salm-Salm est formée de la réunion de ces deux branches. On se rappelle qu'en 1850 un prince de Salm-Salm se présenta comme candidat au trône de Belgique, en s'appuyant avec raison sur son origine entièrement belge.
La constitution géologique des environs de Vieil-Salm est extrêmement remarquable et forme une des principales richesses du pays. Outre les ardoisières d'Ottré, qui sont d'un grand produit, le phyllade pailleté de Vieil-Salm, d'Ottré, d'Osart, de la Comté et de Bihain est traversé de veines de coticule (pierre à rasoir) jaune, à bords translucides, très-estimé dans le commerce et qui s'exporte dans toute l'Europe. On entaille les pierres à rasoir de sorte qu'une couche de coticule jaune adhère a une couche de phyllade et en soit en quelque sorte supportée.


A. BARON, « La Belgique monumentale, historique et pittoresque », Volume 2, Bruxelles, 1844, pp. 102-103

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