BERTHOLET.
Bertholet (Jean), historien, naquit à Vieil-Salm, bourg de
la province de Liège, le 30 décembre 1688.
Dès qu'il fut en âge de fréquenter un collège avec fruit,
ses parents l'envoyèrent à Luxembourg où il fit son cours d'humanités et sa
philosophie sous la conduite des jésuites.
Ayant pris la résolution d'embrasser leur institut,
Bertholet se rendit au collège de Tournay, où il commença son noviciat le 8
octobre 1708.
Après ses premiers vœux et son année de répétition, il fut
chargé, selon la coutume, de régenter les basses classes, et il remplit ces
fonctions l'espace de sept ans à Tournay et ailleurs.
Il commença à Douai son cours de théologie qu'il acheva à
Paris : ayant été ordonné prêtre, il se lia à la Société de Jésus par la
profession solennelle des quatre vœux. Cette cérémonie eut lieu à Armentières,
le 2 février 1723.
La prédication lui fut principalement recommandée par ses
supérieurs ; il s'en occupa pendant quatorze années avec le plus grand zèle. Il
parcourut toutes les villes et les communes de la province Gallo-Belgique.
L'activité de sa vie empêcha qu'on vit les défauts de son caractère.
Enfin sa santé ne pouvant plus soutenir cette fatigue, il
abandonna la chaire et se voua, du consentement de ses supérieurs, à la
composition de divers ouvrages historiques. L'histoire ancienne de la province
du Luxembourg semblait l'intéresser le plus. Il étudia tour à tour les P. P.
Catrou, Rouillé, Longueval et l'abbé Fleury qu'il avait choisis pour ses
modèles.
L'auteur n'étant pas d'accord avec ses supérieurs, au sujet
de la publication de son ouvrage, et l'étant encore moins avec ses imprimeurs
et ses graveurs, il se créa beaucoup de difficultés désagréables pour lui-même,
et nuisibles au succès de son livre. Changeant souvent d'imprimeur et de
relieur, il laissa à chacun d'eux une partie de sa publication en paiement de
ce qu'il leur devait. Ce fut dans cette circonstance que son caractère parut
dans tout son jour. Tout le monde fut convaincu que le père Bertholet était un
drôle de corps, un original. Pour ne pas devoir s'adresser à ses supérieurs, il
avait emprunté à tous ses collègues de toute la province Wallone, la petite
somme de leurs épargnes. Mais toutes ces sommes réunies ne pouvaient couvrir
les dépenses incessantes d'une publication aussi longue que celle de l'histoire
du Luxembourg. Il en résulta qu'on eut la plus grande peine à fournir aux
derniers souscripteurs un exemplaire complet. « Il faut vous dire »,
écrivit le père Mareschal à un de ses amis de Bruxelles, le 31 mai 1767, « que
l’entêtement de l'auteur a été cause de la dispersion des différents volumes de
son histoire. Il s'est obstiné à imprimer sans avoir les fonds nécessaires, et
a emprunté de nos collègues ou des étrangers de quoi fournir aux frais les plus
pressants. Outre cela, il a eu des difficultés avec son papetier, son
imprimeur, son graveur et différents relieurs, ce qui l'a obligé à envoyer aux
uns une partie de ses volumes à mesure qu'ils sortaient de la presse, pour les
apaiser; et que d'autres ont saisi d'autres parties pour s'assurer de leur dû. »
Il résulte clairement de cet exposé que l'administration de
Marie-Thérèse n'a pu avoir la moindre influence sur l'esprit ou les goûts de
Jean Bertholet. M. De Reiffenberg, en insinuant l'opinion contraire à la page
47 de sa fameuse « Introduction », a donc commis une erreur grave.
Mais ce qui est plus fort, c'est que le père Bertholet a passé la majeure
partie de sa vie hors de la Belgique, et que la plupart de ses travaux
historiques ont été élaborés avant sa retraite à Liège et avant le règne de
Marie-Thérèse. Il est d'ailleurs difficile de comprendre comment les lois de
cette souveraine auraient pu avoir de l'influence sur la Société de Jésus, à
Liège.
La volumineuse histoire du Luxembourg ne fut pas la seule
publication de l'auteur. Mais toutes lui attirèrent des critiques assez
violentes dont les mauvais effets rejaillissaient jusque sur l'ordre des
jésuites. Ses supérieurs crurent qu'il était de leur intérêt comme de leur
honneur d'y mettre un terme.
La mort l'arracha de ses travaux historiques à Liège, le 26
février 1755, à l'âge de 67 ans.
Nous devons au père Jean Bertholet, les ouvrages suivants :
1° « Histoire ecclésiastique et civile du duché de
Luxembourg et du comté de Chiny », Luxembourg, 1741-1743, 8 vol. in-4°.
Cet ouvrage, vivement critiqué dès son apparition, n'a pas eu de succès. M.
Dewez, en résumant toutes ces critiques, accuse l'auteur d'avoir entassé sans
goût comme sans méthode, tous les miracles ridicules dont sont remplies les
vieilles légendes. Voici le jugement du célèbre évêque Hontheim sur le même
livre : « Licèt quàm ad pluribus rebus exteris, ad universalem magis quàm ad
particularem historiam pertinentibus nos gravaverit auctor, atque in super
regulis critices se modicè admodùm tinctum probaverit ; in eo tamen illi
debitores sumus, quod ex Luxemburgensi principali archivo (quod ci patuit)
probationum loco complures cartas aliaque non contemnenda monumenta ediderit,
ad res harum partium, signanter vero ad monasticen superioris Archidiœcesis, apprime
facientia. » Cette, critique est judicieuse ; elle n'est pas entachée de la
dédaigneuse philosophie de M. Dewez.
On voit que Bertholet a été égaré par ses modèles les pères
Catrou et Rouillé. Je suis loin de vouloir me mettre en opposition avec tout le
monde, mais je suis convaincu qu'il est souvent difficile de faire mieux que
celui qu'on hasarde de critiquer. Bertholet fut accusé par son frère, le père
Michel Simon, plus connu sous le nom de Khalen, d'avoir copié les mémoires de
M. Pierret, qu'il aurait eus du baron de Marchant d'Ansebourg. Un capucin se
mit aussi delà partie, et ce religieux fut plus laborieux et plus actif que le
père Khalen. Enfin l'ouvrage de J. Bertholet occasionna une espèce de
soulèvement dans la république des lettres. On lui attribue à tort un opuscule qui
au contraire a été publié contre lui, comme l'indique suffisamment le titre que
voici : « L'Ancienne tradition d'Arlon, injustement attaquée par le P.
Bertholet, jésuite ; mais justement défendue par la ville d'Arlon et le
magistrat d'Arlon », Luxembourg , 1744, in-8e.
2° « Histoire de l'institution de la Fête-Dieu, avec la Vie des bienheureuses Julienne et Eve, toutes deux originaires de Liège », Liège, 1746, in-4°. Ce livre, orné de quantité de tailles-douces, est dédié au prince-évêque Jean-Théodore de Bavière. L'auteur y a inséré beaucoup de hors-d'œuvre comme dans ses autres compositions. D'ailleurs il n'écrit pas avec la simplicité que demande l'histoire. On est autorisé à présumer que tout ce volume est le résultat d'un sermon prononcé par le père Bertholet à Saint-Martin-en-Mont.
3° « Oraison funèbre de S. M. l’Impératrice-mère
Élisabeth-Christine, née duchesse de Brunswick Wolffenbuttel, etc., composée en
latin par le R. P. Jacques De Laet, de la comp. de Jésus, et traduite du latin
en français par le R.P. », etc., Bruxelles, 1751, in-4°.
4° « Histoire de l'église et de la principauté de Liège »,
1749, manusc. in-fol. de la Bibliothèque de l'Université de Liège. On lit en tête
de ce livre : « Les réviseurs ont rejeté ce livre à la révision, tant ceux
de la province Gallo-Belgique que ceux de la Flandre-Belgique, où l'auteur,
autorisé par N. R. P. Général, s'était adressé. Signé : J. - B. De Marne,
collegii Leodiensis vice rector ».
5° « Vies des Saints des Pays-Bas, selon l'ordre du
Martyrologe belgique, où sont rapportées les fondations des évêchés, des
églises collégiales, des abbayes, des monastères et des couvents des différents
ordres religieux, soit d'hommes, soit de femmes », manusc. en 2 vol.
infol., qui est probablement celui désigné par la Commission d'histoire, sous
le titre de : « Histoire ecclésiastique des Pays-Bas, y compris le
Martyrologe Belgique », dont le premier volume se trouve à la Bibliothèque
du séminaire, et le second dans celle de l'Université de Liège.
6° « La Vie des Saintes des Pays-Bas, ou les femmes
illustres dans l'Église », 1747, in-fol. Ce manuscrit ne se trouve pas sur
la liste des ouvrages du père Bertholet, dressée par un de ses confrères de
Liège après sa mort; il est comme le précédent, à la Bibliothèque de Liège.
7° « Abrégé de l'histoire ecclésiastique et civile du
duché de Luxembourg et du comté de Chiny », in-fol. Le manuscrit original
de 635 appartient à M. Lavalleye, professeur à l'Université de Liège.
M. –F. – V. GOETHALS, « Lectures relatives à l'histoire
des sciences, des arts, des lettres, des mœurs et de la politique en Belgique,
et dans les pays limitrophes, commencées en 1818 », tome 3, Bruxelles, 1838, pp. 221-227.
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