samedi 1 août 2009

Anciennes maisons de Vielsalm. (2)

(publié dans Pays de Salm, le 27 février 1966)

parlons aujourd’hui d’une autre maison, toute remplie de bien des souvenirs de Vielsalm si elle pouvait nous les exprimer.
Certes, son aspect n’est plus celui de sa jeunesse ; elle a été amplement complétée, aménagée aussi pour des fins nouvelles, et même sa façade a changé d’allure. Toutefois, il lui demeure certaines portions chargées d’ans.
Il s’agit de l’école St-Joseph.

En 1637 ou un peu avant, s’installe à Vielsalm Jean RUTH. Encore un étranger au pays. Il devient greffier du comté, et le premier acte rédigé de son écriture – mais quelle écriture, indéchiffrable à première vue ! – est du 30 novembre 1637.
Un document dira de lui, un peu plus tard : « estranger ny at grands moyens, vive honnestement de sa charge ».
Où s’est-il installé car, depuis 1636 la moitié de la localité est en ruines à la suite d’un vaste incendie allumé par des troupes hollandaises.
Bientôt, il effectue plusieurs achats, en 1643, 1651, de parts de maisons, à Jean MIDO, à Jean le CHARLIER, à Balthasar ROBERT… ; toutes se situent à l’endroit de l’actuelle école St-Joseph.
Jean fait alors, sans doute, table rase de ces constructions et, en 1656 déjà, il a « une maison bastie par le même greffier située sur le marché à la Vielsalm ».
Peu auparavant, il a épousé Anne, fille de Gérard d’EYSDEN, haut-officier du comté de Salm, dont il aura 11 enfants, à partir de 1641.il devient aussi, après quelque temps, officier du comté de Manderscheid Kayl.

Il vivait encore le 31 janvier 1661, date de son second mariage à Salm.

Gérard, son premier fils, né en 1642, lui succéda dans les fonctions de greffier de Salm, déjà en 1670.
Lui aussi, comme son père, rechercha une alliance qui pouvait le pousser loin. Il fixa son choix sur une fille du haut-officier de Salm à ce moment, c’est-à-dire Marie Gertrude fille de Guillaume HALL.
15 enfants naquirent de ce mariage, tous baptisés à Vielsalm. Ainsi habitée, la maison RUTH devait certes bourdonner comme une ruche et avoir déjà une certaine ampleur.
Génération suivante. Les enfants de Gérard RUTH se sont peu à peu dispersés. La maison de Vielsalm devient, en indivision, propriété de trois d’entre eux : Eric Adolphe, Jeanne Elisabeth, célibataire et Isabelle décédée vers 1750.
Depuis longtemps déjà, la propriété joignant la maison est constituée.
Elle s’étend depuis le « marché jusqu’au sentier qui va derrier la maison de Belveaux » (la dite maison BELVEAUX est à l’origine des bâtiments groupant les demeures actuelles de MM. LEROT et GODFRAIND).
Il faut s’arrêter un peu ici à Eric Adolphe, personnage dont l’activité a marqué fortement la vie du comté de Salm durant une partie du 18e siècle.

Il est né en 1693. il épousa, le 29 septembre 1738, sa voisine Marguerite HONVELEZ dont il eut un fils et une fille.
Fils et petit-fils de greffiers de Salm, petit-fils et arrière-petit-fils de haut-officier de Salm, filleul aussi d’un autre haut-officier, Eric Adolphe FOCCART (le prénom Eric Adolphe imitait celui du comte de Salm Eric Adolphe, décédé en 1673), le jeune RUTH se trouvait ainsi placé à l’entrée de la vie sur une voie que l’on devine. Rien d’étonnant donc de le voir devenir échevin de Salm, greffier, puis haut-officier même après son parrain, de 1726 à son décès en 1762. on lui reconnaissait un beau talent de parole et d’écriture, qu’appréciait son seigneur.
De sa maison, au haut du « marché » à Vielsalm, Eric-Adolphe orientait et commandait les destinées du comté de Salm. Ce ne fut pas sans heurts et sans diversité. C’est l’époque des grands procès des sujets de Salm contre leur seigneur, et le passage aussi de troupes étrangères à plusieurs reprises. RUTH joua ici un rôle un peu particulier dont nous avons conté ailleurs (voir l’ouvrage « Vielsalm et ses environs ») quelques péripéties, et vous y renvoyons.
Aucun des enfants d’Eric Adolphe ne reprit la maison paternelle, d’ailleurs en indivision. Le fils, Gérard Joseph, quitta Vielsalm pour passer à Luxembourg et, homme de loi, y devint secrétaire du Conseil provincial de justice.
Signalons en passant ce détail, en digression. A Luxembourg, le petit-fils de Gérard Joseph, c’est-à-dire Antoine RUTH (né en 1802), docteur en droit, fut condamné à mort, par contumace, par la Cour d’Assises du Grand-Duché le 6 février 1833, parce qu’il s’était rallié au Gouvernement de Bruxelles de 1830. il fut cependant amnistié peu après, devint procureur du Roi à Neufchâteau, puis de 1844 à 1849, professeur de droit civil à l’Université de Liège. Il mourut du choléra en 1849.

A Vielsalm, le 3 avril 1767, l’un des indivisaires, Jeanne Elisabeth, sœur d’Eric Adolphe, fit donation de sa part à sa nièce Marie Jeanne HARTER, veuve LAMBERTY (dont la mère était Marie Gertrude RUTH, sœur de Jeanne Elisabeth. Devenue veuve, M.J. HARTER, dont le mari était officier de Cronenbourg, était revenue à Vielsalm avec ses quatre enfants.
Possédant désormais le tiers de la maison qui nous intéresse ici, sa famille finit par en avoir la totale propriété. Et le fils Jean Christophe LAMBERTY est bien « possesseur de la maison de feu Monsieur l’officier RUTH », dit un document de 1789. toutefois, une pierre toujours visible au mur de façade (au-dessus du calvaire) porte l’inscription « C.L. 1777 »).

Jean Chrisptophe, lui aussi, n’est pas le premier venu. Né en 1743, décédé en 1809. juriste. Prévôt du comté de Salm de 1780 jusqu’à la fin du comté. Mayeur de Gouvy nommé par le comte Sigismond le 20 octobre 1779. premier maire de la commune de Vielsalm ( sa pierre tombale est encastrée dans le mur d’enceinte de l’église de Vielsalm).

Il mourut après une maladie de six jours. Il avait épousé, le 4 août 1772, Catherine Thérèse OTTE, fille de Jean Bernard OTTE, mayeur de Salm. Neuf enfants.

Après 1809, Jean François Noël, fils de Jean Christophe, continua d’habiter au même endroit, finalement avec sa fille Philippine jusqu’en 1853.
A partir de ce moment, la famille abandonne sa résidence et la maison va bientôt prendre une autre destination.



En 1854, c’est le moment de la création de la chasse à courre à Vielsalm. Le comte de CORNELISSEM, venant de Spa, hébergeant sa petite meute et ses chevaux depuis quelques mois dans la maison « Sépult », les transféra à l’ancienne maison RUTH. CORNELISSEM, lui, n’y résidera qu’en pied-à-terre, mais non certains membres de son personnel.





Cela dura jusqu’en 1860, quand une demoiselle LAMBERTY, restée propriétaire de l’immeuble, le légua aux religieuses de la Providence qui y installèrent une école pour filles en 1862.








Désormais, la vieille maison, qui peu à peu subira une toilette nouvelle et des agrandissements, servira à des fins scolaires.
En 1909, les religieuses bâtirent le « Pensionnat du Sacré-Cœur » que l’on connaît. Les bâtiments « sur le marché » furent cédés à des religieux allemands qui y établirent un pensionnat. (L’école libre des filles continua de trouver place dans le bâtiment, sauf une petite interruption en 1909 et 1910)
La fin de la guerre de 1914-1918 amena le départ des religieux allemands et le bâtiment fut repris par les œuvres scolaires paroissiales de Vielsalm. C’est donc l’actuelle école St-Joseph, où l’école libre des garçons a rejoint celle des filles en septembre 1919.
Encore un détail.
La propriété créée il y a trois siècles par Jean RUTH est restée, à vrai dire, intacte. Elle s’étend toujours depuis la place du « marché jusqu’à la ruelle derrière la maison Bellevaux ».

Gaston REMACLE

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