dimanche 2 août 2009

Le château de Rosister a-t-il existé ?

(publié dans Pays de Salm, le 25 novembre 1962)

Parmi les personnages qui interviennent dans la légende intitulée « La chapelle de Farnière » qu’a publiée Marcellin LA GARDE dans « Le val de la Salm » aux environs de 1860, figure celui qu’il appelle le « sire de Rosister ».
Il figure également dans une autre légende relative à la même chapelle, contée par G. LAPORT dans son ouvrage « L’Ardenne légendaire » (1931, pp.47-52).
« Rosister » est un endroit situé non loin de Farnières (commune de Grand-Halleux). Il est actuellement complètement boisé et ne comporte aucune habitation.
À s’en tenir à la légende, il aurait donc servi autrefois d’emplacement à une maison seigneuriale, un « château », avec la présence d’une famille noble au nom emprunté à l’endroit.
Quelles sources d’information auraient utilisées les deux conteurs précités ? Vestiges sur le terrain ? Textes d’archives ? Ou quelque tradition ? On ne sait.
À Grand-Halleux, d’aucuns parleront aussi d’une tradition dans le même sens. L’emplacement du château présumé se situerait, dit-on, près d’une fontaine, voisinant avec un tas de pierres et un terrain « qui semble avoir été cultivé dans les siècles passés ».
C’est là que, en 1957, près d’une source, un édicule sans style a été construit par M. Van ROGISTER Frédéric, Camille, Guillaume, demeurant à Londres, sur une parcelle de 6 ares 3087, qu’il avait achetée, par acte du 2 juin 1954, à BRÉDO Alphonse, Joseph, de Mont (Commune de Grand-Halleux).
Toutefois, un ouvrage édité en 1951 par les œuvres paroissiales de la localité, mettait cette tradition en doute, écrivant : cette tradition « doit-elle un fond de vérité historique. Nous ne le savons ». (Grand-Halleux et ses environs p.29)
Nous nous sommes efforcé de voir un peu clair en cette affaire.
Les archives ne nous ont pas été d’un grand secours, qui désignent d’ailleurs souvent l’endroit en question sous le nom « hadricouy ». aucun des dénombrements des chefs de ménages, depuis celui de 1472, et les suivants de 1561, 1575, 1589, 1604, 1611, 1656, 1659, 1766, ne mentionne même le terme de « Rosister ».
Objecterait-on que l’existence de la famille seigneuriale de Rosister serait antérieure à 1472 ? Mais à défaut d’autres traces, quelles archives en font état ?
La carte de FERRARIS, vers 1780, indique bien « Ruine du château de Rosistère » ; mais ces prétendues « ruines » ne pouvaient être que des tas de pierres. Ceux-ci, comment FERRARIS les a-t-il constatés ? On l’ignore.
C’est à l’existence de tas de pierres, d’ailleurs, que ramènent les informations des personnes de Grand-Halleux. L’unanimité à cet égard, semble bien réelle. Encore que manque l’accord sur l’importance des tertres.
Ainsi, au siècle dernier, les instituteurs de Grand-Halleux et d’Arbrefontaine émettaient, à leur sujet, des avis discordants qu’à publiés l’ouvrage de M. TANDEL « Les communes luxembourgeoises » (T.IV, pp.140 et 206).
- M. DACO, d’Arbrefontaine, parle « de nombreux tas de pierres, plusieurs étangs, qui… attestent la présence d’une vaste habitation en ces lieux ».
- M. MAQUET, de Grand-Halleux déclare « A vrai dire, ces ruines se réduisent à peu de chose : quelques tas de pierres recouvertes de bruyère ».

La présence de pierres, dispersées ou rassemblées à l’endroit en question, n’étonnerait d’ailleurs pas.
Des travaux d’essartage ont ici utilisé, autrefois, le terrain ; les traces de ce genre d’activité, sous forme de monticules de pierres plus ou moins élevés, se rencontrent fréquemment en zone forestière.
L’endroit, resté en région boisée, n’a pas subi de notables changements. Nous nous sommes redu plus d’une fois sur les lieux, afin d’y déceler quelque signe éventuel de ruines. Quelques pierres gisent bien ça et là, sans présenter rien de spécial dans leur aspect ou leur disposition. Derrière l’édicule, le terrain paraît légèrement bosselé ; mais, à défaut d’autres indications, cette particularité ne semble pas susceptible d’être identifiée avec des ruines.
Que l’endroit ait comporté autrefois la présence d’un habitation, du genre agricole de l’époque, c’est possible. Toutefois, y a-t-il lieu de croire de l’importance d’un « château » ?
En tout cas l’endroit ne se prêtait nullement à l’édification d’une maison forte, du type féodal. Et s’il s’agit d’une famille seigneuriale, il faudrait que la vie de cette famille s’insère dans l’histoire de la région. Or, déjà vers l ‘an 1000, le comté de Salm existe ; Rosister, avec tout le ban des Halleux, en fait partie.
Les archives, les vestiges sur le terrain, l’histoire régionale, ne nous ont donc fourni aucun élément capable de fonder une certitude.
Un témoignage, néanmoins, doit à notre avis, être pris en considération, celui de M. Alphonse BRÉDO, de Mont, propriétaire du terrain, qu’il tient de ses ancêtres.
Selon son information et ce qu’il a constaté, jusqu’en 1915, l’amas de pierres gisant sur la parcelle vendue à M. Van ROGISTER, était assez considérable ; au cours de la guerre de 1914-1918, l’administration communale de Grand-Halleux fit exécuter des travaux de voirie, pour lesquels on utilisa la plupart des pierres de Rosister. Des habitants de Mont auraient aussi effectué quelques prélèvements, des plus belles pièces, comme pierres à bâtir. Au total, la quantité disponible aurait été, à l’estimation, non loin d’une centaine de mètres cubes.
L’endroit étant dépourvu de carrières, il ne peut s’agir ici que de matériaux apportés. Dès lors, la présence de ceux-ci ne s’explique que comme vestiges d’une construction et d’une construction de conséquence, la demeure d’un personnage ou d’une succession de personnages importants pour leur temps. On ne peut la situer qu’à l’époque pré-féodale, au temps des seigneurs campagnards. Faudrait-il même y voir la survivance d’une chose plus ancienne encore, et placer son origine aux temps romains ?
Qui sait ! seules des fouilles pourraient apporter ici quelque lumière.
Toujours est-il que les Halleux ont constitué anciennement un domaine dont on retrouve les traces longtemps encore au comté de Salm. Ce domaine avait nécessairement un centre vital et un maître. Peut-être se trouvaient-ils à Rosister.
Quant à la légende de Marcellin LA GARDE, nous pensons que ce dernier, pour animer son récit, aura tout simplement créé le personnage de Maure de ROSISTER. On n’ignore pas, du reste, que LA GARDE doit être considéré, ainsi qu’on l’a écrit, comme « prenant avec les traditions et la petite histoire, des libertés grandes ».

N.B. L’auteur de « Grand-Halleux et ses environs » signale (pp.28-29) l’existence, d’après les archives du Val Benoît, d’un Winand de ROGISTER, en 1256, et d’un Arnold de ROGISTER qui en 1550, quitta le pays pour se fixer en Suisse où sa descendance « existe toujours ». mais, ajoute-t-il, « reste à prouver l’identité de ces « ROGISTER » et du « Rosister » de chez nous ». nous pensons de même. Le toponyme « Rogister » se rencontre ailleurs qu’en la commune de Grand-Halleux.
Dans son « Val de la Salm » (1929 p.163). Marcellin LA GARDE fait encore intervenir un « sire de Rosister » en 1414, lors d’un tournoi au château de Salm. À cette date, il n’est évidemment pas possible de voir voisiner un seigneur de Rosister et un comte de Salm.

Gaston REMACLE

Ndlr :
1) Cet article corrige une faute de frappe, en « 1957 ».
2) Dans les notes de G. REMACLE : Van ROGISTER Frédéric-Camille-Guillaume, avocat, né à Berlin le 3 septembre 1898, demeurant à Londres n°10, rue Landcastergate.

4 commentaires:

  1. Merci de ce texte expliquant un peu le mythe ou réalité Rosister.
    il sera je pense difficile de déterminer le vrai du fau...

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  2. Ferraris n'était pas un comique. Sa carte fait référence. Il y a donc eu quelque chose à cet endroit.

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  3. Il est certain que les relevés effectués par les topographes de Ferraris étaient très précis, basés sur des notes, croquis , mesures et plans faits sur le terrain et reportés ensuite sur la carte définitive ....

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