vendredi 7 août 2009

Qui était Gustine MAKA ?

(publié le 24 janvier 1960)

Les habitants de Rencheux – et sans doute aussi de la région de Salm – seront, je crois, intéressés de connaître la véritable personnalité de cette femme de chez nous.
Depuis que le sympathique groupe des « Macrâlles » a sacré Gustine MAKA comme reine incontestée des sorcières, elle est devenue on ne peut plus populaire dans notre région, et même en dehors de notre commune.

Gustine MAKA s’appelait en réalité Marie-Joseph-Augustine LEMOINE. Elle était née à Rencheux le 21 mai 1836 et était la fille de Jean-Joseph LEMOINE et de Marie-Jeanne MAKA, de Fraiture (Bihain) mariés à Vielsalm le 7 août 1833.

Gustine épousa en premières noces M. Herman TOUBON, d’Arbrefontaine, dont elle eut deux fils, et en secondes noces, Monsieur Jean RENIER, de Villettes (Bra).

Elle quitta Rencheux pour Arbrefontaine en 1887 et décéda à l’hospice de Turnhout le 18 février 1915. Elle a donc vécu 79 ans.

Elle habitait à Rencheux dans la maison « Tatache », je m’excuse du sobriquet occupée présentement par M. André GERMAIN-PAULUS et appartenant à M. Auguste LOBET-GOFFIN.

MAKA n’était donc pas un sobriquet, comme tout porte à le croire, mais bien le véritable nom de jeune fille de sa maman.

La famille LEMOINE, dont est issue Augustine, est très ancienne ; elle était de très bonne réputation et vivait dans l’aisance. C’est à la suite de nombreux événements malheureux, que Gustine fut amenée à vivre difficilement et fut réduite presque à la mendicité. Son honnêteté est toutefois toujours restée sans tâches ni reproches.
C’était donc une brave vieille femme de Rencheux, toujours habillée exactement comme le sont les Ardennais de la Fête des Myrtilles, avec foulard et « badjolet », quoique pauvrement toutefois.
Physiquement, elle était impotente, avait le dos très voûté et surtout, marchait excessivement lentement, en traînant péniblement les pieds. Une demi-journée lui était nécessaire pour se rendre de Rencheux à Vielsalm, et on peut se demander, dès lors, comment elle pouvait faire le trajet Arbrefontaine-Vielsalm. Pourtant, plusieurs personnes, qui ont connu Gustine m’ont affirmé qu’elle revenait presque chaque semaine quémander son pain auprès des familles aisées de Vielsalm.
Souvent, il lui arrivait de demander à un enfant ou à un passant de bien vouloir lui nouer ses souliers. Gustine avançant péniblement et en plus, ses lacets étant plus que certainement en mauvais état, elle était elle-même incapable de le faire. Plusieurs parents de l’époque interdisaient à leurs enfants de porter aide à la malheureuse, car les lacets des souliers étaient disait-on alors, un des artifices préférés des Macrâlles pour jeter des sorts ( !). il y a donc de fortes chances pour que ce soit là une des principales raisons qui fit de Gustine une sorcière malgré elle. Il est encore bien connu de nos jours, aussi bien à Rencheux qu’à Arbrefontaine, qu’elle n’a jamais pratiqué la sorcellerie ; elle en était d’ailleurs bien incapable, et elle avait seulement le grand tort d’être vieille, impotente et pauvre.

Nos Macrâlles du Val de Salm ne m’en voudront certainement pas d’avoir écrit ces quelques lignes sur leur grande patronne, mais il faut bien rendre à César ce qui lui appartient et à la mémoire de Gustine l’honneur qui lui revient.
Chacun comprend qu’il s’agit uniquement de folklore, et puis, MAKA rime si bien avec Bonalfat, tchatcha et tchêna, mais je crois pouvoir déduire que, impotente comme elle était dans les dernières années qu’elles a passées à Rencheux, Gustine MAKA ne s’est certainement pas risquée de monter au Bonalfat pour y quérir des « frambâches plein s’tchèna ».
Néanmoins, je prends mes précautions, et pour m’éviter les pires représailles de la part de ses disciples au prochain sabbat, je me garde bien de signer.

Jean KAISER

Ndlr :
1) Dans les notes de Gaston REMACLE, il est dit que les renseignement sur l’identité de Gustine MAKA, dans cet article ont été communiqués par G. REMACLE.
2) Habitant à Arbrefontaine, Gustine venait à Vielsalm par la malle-poste. Parfois elle venait loger à la maison LERUSE (dite vieux baron).

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