vendredi 7 août 2009

Sur la fabrication des ardoises pour toitures (1).

(publié dans L’Annonce de Vielsalm, le 24 août 1952)

Une nouvelle industrie est née à Vielsalm. La société anonyme « Les Ardoisières du Gros-Thier » a engagé de gros capitaux pour l’utilisation des déchets de schiste ardoisier accumulés au pied du thier.
Et la question vient tout naturellement à l’esprit. Où faut-il reporter la naissance de terrils ? Depuis combien de siècles les hommes ont-ils reconnu, là, les propriétés du schiste ardoisier ? Depuis quand ont-ils tendu là leurs muscles pour le mettre à leu service ?

C’est une histoire longue …

Et ardente, d’un dur et patient effort que ces terrils pourraient révéler.
Celle d’hommes qui ont peiné, pour vivre.
Depuis plus de deux cents ans, nous a-t-on dit.
PLINE, dans son « Histoire naturelle », rapporte que dans la province Belgique on rencontrait des pierres qui se laissent travailler, dont on fait une espèce de toiture.
Qui sait si, en s’exprimant de la sorte, la pensée de PLINE n’allait pas aussi au schiste ardoisier du pays de Salm.
Toujours est-il que des fragments en nombre considérable, d’ardoises pour toiture, ont été retrouvés sur l’emplacement de villas gallo-romaines qui ne sont pas tellement éloignées de Vielsalm, à Mont-Houffalize et la commune de Limerlé. Ces ardoises venaient-elles de chez nous ?
On ne sait. En tout cas notre schiste ardoisier est d’excellente qualité et il ne serait nullement étonnant que celle-ci ait été reconnue au début de notre ère déjà.

A la découverte.

Les archives ne disent rien, croyons-nous, pour situer les débuts de l’exploitation du schiste ardoisier du thier dominant Cahay.
Certains auteurs ont bien pensé qu’il faudrait remonter aux temps gallo-romains pour y trouver déjà la fabrication et le trafic des ardoises.
Mais, à notre connaissance, ils n’apportent, pour étayer cette opinion, aucun élément de preuve. Présomption, sans plus. Il faut chercher des informations à d’autres sources.
Par un effort sincère de l’esprit et en s’attachant à l’observation soigneuse de l’endroit, ne parviendrait-on pas à déceler des indices révélant l’âge des exploitations primitives ? Pour notre part, nous le croyons bien.

L’exploitation du schiste du thier n’est souterraine que depuis un siècle environ, nous basant, pour cet avis, sur la constatation d’un voyageur au pays de Salm en 1854, et qui consignait ainsi son observation : « A la différence des autres ardoisières de l’Ardenne, la pierre s’exploite ici non par galeries, mais à ciel ouvert ».
Mais alors, les déchirures du flanc du thier sont d’une époque antérieure ! Leur aspect, à bien les regarder, révèle un long passé. Leur importance surtout nous reporte à bien des siècles en arrière. Non, ce ne sont pas là les vestiges d’un travail d’il y a deux siècles. Il faut les situer bien plus loin.
L’œil attentif découvre toutefois des signes d’une autre valeur, et qui ne trompent pas. Des chemins.
C’est un fait que la voirie des premiers siècles de notre ère s’est inscrite au sol selon des principes bien connus : maintenir la ligne droite et garder la hauteur. On peut les reconnaître encore fort souvent, et le promeneur trouve à cet examen une satisfaction passionnée.
Précisément, que remarque-t-on ? L’on voit accourir de l’horizon combien de ces chemins antiques, comme à un rendez-vous commun qu’ils se sont donnés. Les uns dégringolent par les Quatre-Vents, les autres viennent à leur rencontre, par le bas du thier.
Celui-ci apparaît de la sorte, en cet âge reculé, comme un centre de rayonnement. Et centre d’activité ; car s’il y a eu, là, une force expansive, créatrice de voies de circulation, c’est qu’il y a eu présence fort active de l’homme.
Cette dernière ne trouve ici son explication que dans le fait d’une exploitation des couches du thier.
Nous croyons donc qu’il y a lieu d’admettre, sur base des signes toujours marqués au sol, que la fabrication des ardoises, chez nous, a été entreprise sur une échelle sérieuse au début de notre ère.
Et, sûrement, cette exploitation s’est opérée selon le système en vigueur à l’époque dans l’empire romain.
Mais Rome n’était pas éternelle.

Déclin et renouveau.

A la fin du IIe siècle déjà, avec les Chauques, puis au IIIe, avec les Francs, voici que des invasions déferlent sur notre pays. La paix romaine est menacée. Bien des centres d’activité tombent peu à peu en ruines.
La vie industrielle et commerciale en subit les conséquences.
Aussi, note-t-on d’une façon générale, pour ce qui est de l’emploi de l’ardoise pour toitures, qu’il tombas peu à peu en désuétude, à tel point que, par exemple, lorsque Wiric, abbé de Saint-Trond, fit recouvrir d’ardoises une aile de son monastère en 1157, le procédé paraissait entièrement nouveau, et excellent contre les incendies.

Pour notre région, à quel moment peut on fixer une reprise sérieuse de l’exploitation du schiste ardoisier ?
Il est difficile de l’établir, à défaut d’archives. Sans doute, a-t-elle dû être progressive.
Toutefois, des éléments d’informations de la fin du XVIe siècle nous donnent la certitude qu’à ce moment-là il y a une réelle exploitation de notre schiste ardoisier. La dénomination de « thierme des ardoises », de « chayres » est alors bien établie. Des personnages sont signalés comme adonnés au travail des ardoises, tel ce « Jean Jacques, escailteur, demeurant e la vieille Saulme » en 1565.
Des transactions commerciales s’opèrent au sujet d’ardoises.

Gaston REMACLE

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