lundi 14 septembre 2009

Au temps des malles-postes de Vielsalm.

(publié dans Pays de Salm, le 28 février 1965)

Notre époque est devenue celle de la vitesse.

À vive allure, la vie change de visage, et l’on a à peine de se représenter ce qu’était l’existence de nos grands-parents. Même ceux qui ont encore un peu vécu ces temps qui paraissent presque préhistoriques retrouvent difficilement leurs souvenirs, bousculés qu’ils sont par les nouveautés toujours plus nombreuses d’aujourd’hui.

Les déplacements, si rapides à l’heure actuelle, présentaient un tout autre aspect, il y a un demi-siècle et plus. On vivait encore le temps des diligences, à propos duquel nous voudrions rappeler quelques détails.

On verra, sur le cliché, l’une des malles-postes de Vielsalm vers 1910. La gravure peut être ainsi datée, vu que le Pensionnat du Sacré-Cœur, bâti en 1909, figure déjà sur la photo qui représente la place de la gare de Vielsalm et ses abords.
Je dis bien l’une des malles-postes, car Vielsalm a été, en ce temps-là, le point de départ, et d’arrivée, de plusieurs services de diligence.

En ce qui concerne la circulation routière, la construction de la route de Trois-Ponts à Salmchâteau et la Baraque de Fraiture, en 1846, comme celle de Liège vers la Baraque, en 1838, avait constitué le point de départ d’une modification sensible des itinéraires suivis par les voyageurs. Elle permit aussi la création de services de malles-postes.

Jusqu’à ce moment, un déplacement, par exemple de Vielsalm à Grand-Halleux centre empruntait la montée du Thier-de-la-Justice et Baraque Mathy. Fallait-il se rendre à Stavelot, un piéton ou un cavalier pouvait suivre le même tracé puis s’engager vers Wanne par la côte de Lavaux-Wanne ; mais les charrois, très souvent, afin d’éviter les fortes pentes, gagnaient Rond-Chêne par la Halinne-Vôye, puis Mont-le-Soie. Vers Bihain, on allait par Rencheux et Sart-Lierneux. Tandis que, pour ladirection de Liège, on gagnait Goronne, Arbrefontaine, et Werbomont.

Mais voilà donc qu’une nouvelle voirie commence à rayonner dans le pays.

À partir du 1er mars 1850, un service quotidien de voitures relia Vielsalm à Stavelot, où il se raccordait à un service vers Spa et Pepinster. Départ de Vielsalm, à l’Hôtel de Belle-Vue, près de l’église, à 7 h.30, et retour le soir. Durée du trajet : deux bonnes heures. Prix du parcours : 2 fr., soit plus que la valeur d’une journée d’ouvrier ordinaire. Les colis : de 20 centimes à 1,50 fr., selon le poids.

À Pepinster, l’horaire d’arrivée et de départ était en correspondance avec l’arrivée du train vers Liège ou en venant.
Plus tard, la voie ferrée de Pepinster à Spa remplaça la malle reliant ces deux localités.
C’est ce service que le bourgmestre de la commune de Vielsalm, Jean Henri ROUXHE de Salmchâteau, utilisa un jour pour se rendre à Bruxelles, y plaider une cause, et avec succès, auprès de ses anciens amis de collège devenus l’un ministre des Chemins de fer (d’HOFFSCHMIDT), l’autre, bourgmestre de la capitale (ANSPACH-PUISSANT). Il voulait faire établir la gare de Vielsalm là où elle se trouve actuellement. Soit dit en passant, son voyage de retour fut bien pénible ; car, atteint du choléra contracté dans la capitale, notre bourgmestre mourut quatre jours après, le 5 septembre 1866.

Revenons à nos diligences.
En 1851, une seconde malle prit le départ de Vielsalm, avec comme destination la Baraque de Fraiture, qui devint aussi le point d’arrêt de trois diligences et de l’échange des dépêches postales, à l’auberge de Pierre Antoine MOLHAN. S’arrêtait notamment à cet endroit, la diligence de Liège, permettant les relations avec le Sud, Arlon et Luxembourg.





Après 1867, suppression du service vers Stavelot, à la suite de l’arrivée de la voie ferrée de Spa à Luxembourg.
Quant au service vers la Baraque de Fraiture, encore en activité en 1903, il fut prolongé vers Samrée (trajet de 3,50 h.) où il se raccordait avec un service vers La Roche.
Ajoutons encore, par rapport à la vie régionale, que roula également, à partir de 1845, une malle-poste passant à Saint-Vith chaque jour, assurant le service de Luxembourg à Aix-la-Chapelle en 24 heures.





C’est la malle-poste de Vielsalm-Lierneux qui figure sur la gravure.
En service dès 1880, jusqu’à 1914, elle effectuait deux voyages par jour, aller et retour, partant de la gare de Vielsalm et, par Vielsalm-centre, gagnait Lierneux par Rencheux et Goronne. Durée du trajet : 1,35 h. Départs de Vielsalm-gare vers 9 h. et 17 h., l’horaire étant relié à celui du service de Lierneux-La Roche et à l’horaire du chemin de fer à Vielsalm. Distance à parcourir : 9,5 km. Prix du trajet (une place) : 1 fr.

On peut distinguer, sur la photo, l’inscription « Arrêt de la malle-poste » peinte sur le café MOLHAN.
Le bâtiment en face témoigne un peu aussi de l’existence d’un service des postes, puisque son enseigne, comme on peut lire, est « Hôtel des Postes », bâtiment bien situé évidemment pour les voyageurs utilisant la malle ou le train.
Le tarif de transport pour voyageurs, comme il a été noté plus haut (2 frs. pour se rendre à Stavelot), s’il nous paraît aujourd’hui bien modique, restait pourtant en dehors de la portée de toutes les bourses.
Aussi, pendant longtemps encore, bien des randonnées vers Stavelot, Lierneux, et plus loin, ont continué de se faire à pied. On ne reculait pas, en ce temps-là, devant les kilomètres, et ce temps-là n’est pas si éloigné. Il y avait alors de rudes marcheurs dans le pays, bien munis, disait-on, d’ « huile de pied de facteur ».





Que de faits, à cet égard, dont le récit ou le souvenir nous est resté. N’en rappelons qu’un.
Un jour que Jean Joseph LESAINT, de Beaufays (1838 – 1902), soldat « chasseur » à Anvers, avait le mal du pays et de sa famille, il n’hésita pas. Sans même la permission de ses supérieurs, il revint « voir sa mère », aller et retour, à pied vous dis-je. Il ne manqua que trois appels ; ses chefs, touchés de cet amour filial, lui pardonnèrent son écart.

En trente-quatre ans, la dernière malle, celle de Lierneux, a évidemment connu plusieurs conducteurs.
Le premier, croyons-nous, a été Mathieu PECHEUX, originaire de Witry, établit à Rencheux, époux en secondes noces, en 1853, de Marie Elisabeth RONDEUX, de Rencheux, et décédé en 1896.
On garde le souvenir également de Adelin RENARD, né en 1864, originaire de Rochefort (le premier personnage à droite sur la photo), beau-frère de Joseph MOLHAN, tenancier du café au départ du véhicule à Vielsalm.
Les malles ont sans doute aussi assisté à bien des événements d’ordre divers, tragiques, comiques, …
Citons-en un, dont la malle de Lierneux n’a pas gardé le secret.
Un soir, en quête d’aventure sentimentale, tel citoyen de la commune s’était réfugié dans la malle de Lierneux. Que se passa-t-il ? On le devine par ce passage d’une chansonnette satirique de l’époque, sur l’air du pas redoublé « Spearmint », favori de « La Lyre ouvrière de la Salm » :
« I lodj’ d’vint lès mall’ poss èt s’fait rossî s’cabosse »…



L’établissement du vicinal Lierneux-Vielsalm, en 1904, provoqua la suppression des diligences, d’abord de la malle vers La Roche, puis, en 1914, du service par Goronne.
Une époque finissait…

Gaston REMACLE

1 commentaire:

  1. Mon grand -père Joseph Schmitz de Commanster, né en 1879 a encore connu "la diligence" ,et il m'en parlait lorsqu'il est venu habité chez nous en 1974. Aussi lorsque en 1969,alors qu'il était en vacances chez nous à Bastogne, nous nous extasions devant notre nouveau poste de télévision en regardant Neil Amstrong marché pour la première fois sur la lune , il n'a jamais voulu le croire, c'était trop pour lui, (il avait 90 ans alors), et il nous disait , "c'est pas vrai , c'est du cinéma, c'est du chiqué"

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