dimanche 18 octobre 2009

Un différend entre les manants de Salm et leur seigneur, au XVIe siècle.

(publié dans Reflets de Salm, le 15 mars 1979)

À la moitié du XVIe siècle, des différends sérieux surgirent entre les sujets de Salm et leur comte.

Deux contestations faisaient l’objet du litige, présentées séparément d’abord à la Justice, puis reprises ensemble au Grand Conseil de Malines.

Et d’abord, les manants du comté contestaient au comte le droit de lever sur ses sujets deux tailles annuelles (en mai et à la Saint-Remy), appelées le Meyschaff et le Herfschaff, comme aussi le mortemain.

Ils introduisirent leur cause devant la Cour de Justice de Salm, qui refusa d’admettre leurs prétentions, le 14 mai 1548. Appelants ensuite au Conseil de Luxembourg, ils n’y obtinrent pas encore satisfaction, le 5 juillet 1548.

Ils s’adressèrent alors au Grand Conseil de Malines, par une requête de février 1552, ajoutant à leur première revendication une seconde, concernant l’utilisation des bois d’aisance, particulièrement le Grand-Bois.

Entretemps, ils avaient essayé, mais en vain, de vider leur différend par sentence arbitrale, le 5 décembre 1555, tentative qui avait provoqué notamment une réunion en l’église de Vielsalm, en présence de la plupart des manants du comté.

La plainte concernant les bois portait surtout sur le fait que le comte usait des bois à son gré, disaient-ils, y ayant effectué des coupes considérables pour ventes à des forgerons.
Les manants réclamaient ainsi au comte une indemnité réparatrice de 2 000 écus d’or, et ils demandaient de le voir condamner à ne plus procéder à des abatages, ni à des locations de bois d’aisance à des fins de pâturage.
Grossissant leur cause, les manants se plaignaient également d’avoir subi bien des violences de la part d’agents du seigneur au sujet de la levée des redevances contestées citant à cet égard des cas précis.

Pour sa défense, de son côté le comte se déclarait lésé dans l’usage des bois, réclamant une indemnité de 10 000 florins carolus pour paiement de dévastations prétendument subies.
Il assurait d’autre part que ses prédécesseurs avaient toujours disposé du droit de lever le schaff et le mortemain, comme aussi de disposer de corvées pour les travaux d’entretien et de réparation de son château, ainsi que pour le charroi de victuailles et de vin nécessaires à la vie du château. Il rejetait en outre l’accusation de violences contre ses sujets.
Les habitants allèrent jusqu’à demander au comte de produire ses titres au droit de lever le schaff et le mortemain, et ils contestèrent la valeur d’un record de 1481 sur lequel s’appuyait le comte.

Au total, il semble bien que, sur un fond de vérité, la plainte de chacune des parties se teintait d’exagération. Il appartenait à la justice de faire la part des choses.

La sentence de Malines fut rendue le 15 février 1560. Elle maintenait au comte le droit de lever le schaff et le mortemain, et de disposer des corvées de bars, de chevaux, de charrois, pour le service du château. Mais elle lui interdisait, pour ce qui concerne les bois d’aisance, d’y faire des abatages en vue de la vente, et d’y louer la paisson.
Cette affaire montre, en tout cas, combien les manants de Salm n’en étaient plus à l’état de sujétion du Moyen Age, et qu’ils savaient affirmer une personnalité capable de s’opposer à l’autorité même, si celle-ci contrariait leur droit à l’existence.

Gaston REMACLE

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