lundi 3 août 2009

Après les invasions.

(mise-à-jour le 22/09/09)

En 406, toute la Gaule du nord et du centre fut envahie par de véritables essaims de peuples : Alamans, Suèves, Hérules, Vandales, Burgondes, Goths. Puis les Huns, en 451. Ce qui restait de la présence romaine après les invasions antérieures, fut ruiné.

Vers 648, à l'arrivée de l'abbé Remacle à Stavelot, le pays n'était plus guère qu'une région boisée et inculte : « in locis vaste solitudinis, in quibus’ caterva bestiarum germinat », stipule le diplôme du roi Sigebert III, bien que cette façon de s'exprimer ne doive pas être prise à la lettre.
En décembre 881, les pirates normands arrivèrent dans la région. Le 6, ils étaient à Stavelot, d'où les moines partis en grande hâte avec les restes de saint Remacle, ne revinrent qu'à Noël 882 ; les barbares y avaient tout détruit. L'année suivante, les pirates revinrent encore. Ces calamités avaient ruiné le pays.

(F. BAIX, Etude sur l'abbaye et principauté de Stavelot-Malmedy, T.I, Ed. La Terre wallonne, 1924, pp. 99 à 103.)

Quelques années plus tard, ce fut le tour des Hongrois, poussant en 954 jusqu'à Stavelot et Malmedy.

(F. BAIX, Etude sur l'abbaye et principauté de Stavelot-Malmedy, T.I, Ed. La Terre wallonne, 1924, pp. 135-136.)

Nous ne savons dans quelle mesure le pays de Salm souffrit de ces calamités. Néanmoins on peut penser que tous ces envahisseurs furent davantage attirés par les monastères de Stavelot et de Malmedy.

La population de notre région était donc, à ce moment, forcément clairsemée.

L'organisation de l'Ardenne mérovingienne présente une répartition de ce territoire en domaines correspondant à peu près à l'une de nos grandes communes actuelles. Ces domaines sont calqués, en général, sur les villas romaines et, pour certains du moins, ils ne sont que la continuation de domaines celtiques. Cette organisation durera, dans l'ensemble, jusqu'à la féodalité.
Tout le territoire de nos environs est constellé de ces domaines : Amblève (Amblava), Thommen (ad Tumbas), Bellain( Belsonacum), Cherain (Charango), Lierneux (Ledernao), Glain (Glaniau villa).
Pour ce qui est de l'étendue allant du ruisseau d'Ennal jusqu'à Cierreux, son histoire à cette époque est assez obscure. Toutefois, elle n'a pu échapper au système d'exploitation du moment. Deux des domaines précités paraissent bien l'avoir constituée, ainsi qu'on en retrouve les traces au comté de Salm encore.

(G. REMACLE, A propos de la Justice au comté de Salm, dans B.I.A.LUX., 1952)

L'un comprenait le territoire de l'actuelle commune de Grand-Halleux, plus Goronne et Rencheux jusqu'au Bonalfa et au Glain. Ce sera, plus tard, ce qui constituera la mairie des Halleux.
L'autre concordait avec les territoires des actuelles communes de Petit-Thier et de Vielsalm, plus Commanster, et Cierreux jusqu'au ruisseau.
Comment s'appelait ce dernier domaine et quel était son centre vital ?
Ce domaine est certainement envisagé dans un document de 915 assignant les limites de la villa de Glain (celle-ci correspondant à peu près à l'actuelle commune de Bovigny), c'est-à- dire la terre d'Erlebold, la terre de Saint-Remacle, la terre d'Everhelm, et la terre de Saint-Aubin.

(J. HALKIN et C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, Comm. Roy. D’hist., Bruxelles, 1909, T. I, pp. 128-129)

Sauf la dernière, identifiée avec Gouvy, laquelle de ces terres comprenait le territoire de l'actuelle commune de Vielsalm ? Le texte du document en question n'a pas permis, jusqu'à présent du moins, de répondre à cette question, et diverses interprétations en ont été données.

( B. WILLEMS, Everhelm und Erlebold die ältesten Herren von Salm und Thommen, dans Folklore Stavelot-Malmedy, t. IX, 1939. — L. et P.F. LOMRY, La toponymie de la commune de Bovigny, dans A.I.A.LUX., 1947, p. 131. — C. GUILLAUME, notes diverses inédites. — J. de WALQUE, Les origines territoriales et la formation du comté de Salm, dans Journal des Ardennes, Trois-Ponts, 1962 et L’Annonce de Vielsalm, Vielsalm, 1965)

La discussion à ce sujet peut paraître assez vaine.

Aucun document connu ne donne, à ce propos, de certitude absolue. Toutefois, nous pensons qu'on peut l'identifier avec une des villas mentionnée à la fin du VIIe siècle et au début du VIlle sous le nom de Silvestrivilla. Voici à quel propos.

Dans un acte à situer entre 687 et 714, est signalée la cession, au moyen d'un contrat de précaire, par l'abbé Papolène de Stavelot à un certain Rotgisus, de villas de l'abbaye de Stavelot, Silvestrivilla. Suivant la nature du contrat, à la mort de Rotgisus l'abbaye devait rentrer en jouissance de ces deux terres et recevoir en outre certains autres biens provenant de Rotgisus. Or, celui-ci étant mort, ses héritiers représentés par Wolfrannus agissant au nom de sa femme Richilde contestèrent les droits de l'abbaye. Pour trancher le différend, les deux parties en cause se rendirent à la villa royale de Glain (entre Beho et Bovigny) où Charles Martel se trouvait en ce moment. La sentence fut promulguée le 6 décembre 720 elle confirmait les droits de Stavelot sur ces terres.

(J. HALKIN et C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, Comm. Roy. D’hist., Bruxelles, 1909, T. I, p. 38. ;
Le précaire est une concession d'usufruit accordée à la suite d'une prière (precaria) ou demande, moyennant renonciation à la nue propriété d'un fonds. Le nouveau propriétaire du fonds laissait donc viagèrement à l'ancien propriétaire l'usufruit du fonds cédé, et il y ajoutait souvent l'usufruit d'un autre bien. Le fonds cédé en précaire par une église était ordinairement situé près de la propriété que lui abandonnait le particulier en continuant à l'exploiter viagèrement (d'après F. BAIX, Etude sur l'abbaye et principauté de Stavelot-Malmedy, T.I, Ed. La Terre wallonne, 1924,, pp. 154 à 156)




Quel est ce domaine ? On a proposé l'identification de Silvestrivilla avec Ville-du-Bois (7).

(J. HALKIN et C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, Comm. Roy. D’hist., Bruxelles, 1909, T. I, indiquent (p. 41, note 1) pour Silvestrivilla et Tofino, constamment cités ensemble dans le document envisagé : « Lieux inconnus ». — F. BAIX, Etude sur l'abbaye et principauté de Stavelot-Malmedy, T.I, Ed. La Terre wallonne, 1924, p. 54, déclare qu'il n'est guère possible d'identifier avec certitude « Silvestrivilla ». — E. TANDEL, Les communes luxembourgeoises, t. IV, p. 639, note « Ville-du-Bois, en 719-720, Sylvestris villa ». — L. THOMASSIN, Mémoire statistique du département de l'Ourte, Liège, 1879, écrit, p. 142 : « Ville du Bois - Silvestris villa. Ce village a été restitué à l'abbaye de Stavelot par une ordonnance de Charles Martel en 719 ». J. YERNAUX, Les premiers siècles de l'abbaye de Stavelot-Malmedy, dans Bull. de la Soc. D’art et d’hist. Du dioc. De Liège, 1910, p. 333, signale l'avis suivant de GRANDGAGNAGE (Mémoire sur les anciens noms de lieux de la Belgique orientale, 1855, p. 20) : « Tofino et Silvestrivilla sont difficiles à identifier d'une manière certaine. Grandgagnage propose, pour la seconde, Ville-du-Bois près de Vielsalm, tout en faisant remarquer que cette traduction d'un nom de lieu latin en roman est chose extrêmement rare. » — A. VINCENT, Les noms de lieux de la Belgique, Bruxelles, 1927, p. 91, s'en référant, lui, à J. HALKIN et C.G. ROLAND, identifie Silvestrivilla avec Fescourt, près Beauraing.)

Remarquons précisément que la proximité de Glain, où est rendue la sentence de 720, par rapport à Ville-du-Bois et à Stavelot, est frappante s'il s'agissait d'un domaine plus éloigné de Stavelot, on comprendrait moins le choix de Glain pour l'événement en question.
Ajoutons que si l'on tient compte de l'ancienneté des diverses localités actuelles ou disparues des environs de Vielsalm, de leur situation et de leur approvisionnement naturel en eau potable, c'est Ville-du-Bois qui paraît bien la mieux placée pour avoir été le centre actif du domaine au nord du ruisseau de Cierreux.
Gaston REMACLE pense que Silvestrivilla ou Tofino est tout simplement Ville-du-Bois.

(Gaston REMACLE estime donc que l'expression « Ville-du-Bois » (vèye do bwès), de langage roman, aura remplacé peu à peu l'appellation plus ancienne . Il ne peut s’ étendre ici sur ce sujet. Quant au second domaine voisin, ne serait-ce pas ce qui sera plus tard dénommé les Halleux ? A remarquer que le territoire de la commune de Grand-Halleux comporte deux endroits, déserts depuis fort longtemps — vu le silence des archives à leur sujet — mais autrefois habités : Rosister et Sâte ; des vestiges importants de constructions y ont été relevés.)

Revenons un peu en arrière, pour relever un fait important par ses conséquences : l'installation des moines à Stavelot.

C'est vers 648 que Sigebert III, fils et successeur du bon roi Dagobert, notifia par diplôme royal la fondation des abbayes de Stavelot et de Malmedy : « Sigebert, roi des Francs..., sous l'impulsion de notre cœur, nous voulons veiller, avec l'aide du Seigneur, aux intérêts des serviteurs de Dieu dans notre forêt d'Ardenne, en des lieux où règne une vaste solitude, où pullulent les bêtes féroces, et afin d'obtenir abondance de récompense éternelle par les mérites de ceux qui, en ces lieux, vont se mettre sous la protection des Saints, nous leur avons accordé d'y fonder les monastères appelés Malmunderio et Stabelaco, où, avec l'aide du Christ, le chef sera le vénérable abbé Remacle... »

Il est difficile d'évaluer la superficie du domaine ainsi cédé à saint Remacle : « Nous avons permis, déclare Sigebert, que, en traçant le cercle sur le territoire des deux monastères, on mesurât vers la droite, dans notre forêt d'Ardenne, des étendues de douze milles. » Texte assez ambigu. Toutefois, on admet généralement que le mille mentionné de la sorte équivaut à 2 km 1/2.

(D'après les évaluations de J. VERNAUX, Les premiers siècles de l'abbaye de Stavelot-Malmedy, dans Bull. de la Soc. D’art et d’hist. Du dioc. De Liège, 1910,)

Ainsi, avec un rayon de 30 km, à partir de Stavelot, le domaine abbatial comprenait tout le territoire de l'actuelle commune de Vielsalm.

Cette appartenance aux possessions monastiques ne dura pas longtemps. Car l'abbé Remacle et ses compagnons demandèrent une délimitation réelle et précise de leurs propriétés. Le roi Childéric II la leur accorda en 670. Par un acte du 6 septembre scellé à Maestricht, cette délimitation est indiquée bien concrètement et aboutit à réduire le domaine, de moitié, du côté des villas royales d'Amblève, Cherain et Lierneux.
La ligne frontière fixée de la sorte comprend notamment le ruisseau d'Ennal jusqu'à son confluent avec le Glain : « De Jocunda Fania... per ipsam alsenam usque ubi in Glanem ingreditur ».

(J. HALKIN et C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, Comm. Roy. D’hist., Bruxelles, 1909, T. I, p. 22.)

Le Glain franchi, on se rabattait, par Rochelinval, vers l'Amblève en face de Stoumont.

Le fait que, dans cette réduction du domaine, le ruisseau d'Ennal est retenu comme limite, prouve bien qu'auparavant les possessions abbatiales dépassaient ce ruisseau vers le sud.

Qu'est alors devenu ce territoire au sud d'Ennal ? A-t-il été rattaché à l'une des cours royales de Cherain et de Lierneux ou de Glain ? Ou plutôt a-t-il constitué un territoire de régime propre ? Nous sommes porté à admettre cette dernière hypothèse du fait que, par la suite, aucun indice ne révèle une influence de l'une des trois cours précitées sur notre région. Celle-ci, quand se créera le comté de Salm, ne semble nullement avoir été détachée à ce moment d'un autre territoire.
Cette solution se raccorde aussi à ce qui a été dit plus haut de Silvestrivilla.
D'autre part, si, en 720, Silvestrivilla est devenu dépendant de Stavelot, comment ce retour s'est-il effectué ? On l'ignore. Sans doute sous forme d'un don, selon l'usage du temps, pour s'attirer et mériter des faveurs spirituelles.
Puis comment Stavelot a-t-il de nouveau perdu ses droits sur ce centre du territoire salmien ? On sait, en général, qu'au cours des IXe et Xe siècles notamment, l'abbaye fit d'énormes pertes de propriétés ; au milieu des désordres qui éclatèrent à ce moment, les droits de l'abbaye furent facilement usurpés, et la disparition des archives a supprimé dans son histoire beaucoup de traces de contrats d'échanges, ou de ventes de biens.

(F. BAIX, Etude sur l'abbaye et principauté de Stavelot-Malmedy, T.I, Ed. La Terre wallonne, 1924, pp. 81 et 82.)

Quoi qu'il en soit, c'est un fait que le rayonnement de Stavelot se manifesta rapidement.
Il s'établit de façon particulière par l'évangélisation et la création de paroisses. L'origine de celle de Salm, comme nous le dirons plus loin, lui est due.

Ndlr:
1) Texte revu sur base des corrections apportées par Gaston REMACLE.

2) C. WILLEMS-LAGAMME, Origine de quelques centres religieux de Haute-Ardenne aux VIIe et VIIIe siècle (régions de Lierneux, Malmedy, Stavelot, Vielsalm), dans G.S.H.A. n°13 (1980) pp.19-23.

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