samedi 15 août 2009

Le Val de Salm.

(publié dans le Bulletin du Syndicat d’Initiative de Vielsalm, 1950 n°2)

Chaque région a son visage propre. Le touriste aime à le découvrir, le comprendre, en garder le souvenir, peut-être plus que l’homme de l’endroit, trop habitué à ses horizons familiers.
S’il fallait dire l’originalité de celui du pays de Salm, par quelle particularité le définir ?
Le trait dominant paraît bien être, ici, un vaste sillon sur lequel viennent s’articuler les lignes du pays. Orienté du midi vers le nord, il coupe la région presque en son milieu, tantôt resserré, sauvage, entre des roches qui le dominent, tantôt mieux à l’aise pour recevoir quelque ruisseau.
S’y glisse, active, une rivière. Qu’elle a dû lutter pour se frayer la route ! elle miroite, « Glanis », la « brillante » des anciens, allant de Commanster à Trois-Ponts à la rencontre de l’Amblève. Val de Salm, oui, mais dont le nom ne vient pas de la rivière qui l’anime.
Car c’est bien l’expression « eau de Glain », « rivière de Glain », qui, jusqu’au siècle dernier, a désigné cette rivière ; quantité de documents en font foi. Avec le terme « Glain », la langue celtique nous a laissé un témoignage de sa présence dans le pays. D’autre part, en 670 déjà, c’est également sous ce terme, « Glanem », que reconnut notre rivière, sous Grand-Halleux à l’endroit où elle reçoit le ruisseau d’Ennal,une commission composée de commissaires royaux et de délégués de l’Évêque de Liège réduisant le territoire de Stavelot à la demande des moines de l’abbaye. Et vers le même temps, c’est au domaine ou villa de Glain, situé aux environs de la ferme des Concessions-Bovigny, que Charles Martel vint siéger avec une suite nombreuse le 6 décembre 720.
Mais le temps a-t-il vraiment jeté cet antique nom dans l’oubli ? Nullement, puisque, tout le long u val, des toponymes en gardent le souvenir : « pont de Glain » à Trois-Ponts ; le lieu dit « è Glain » à Grand-Halleux ; un autre, « fosse à Glain » à Salmchâteau ; « Glainfa » à Commanster.
Aujourd’hui, les cartes et l’école donnent souvent le nom de Salm à la rivière, comme si en elle était passée la vie de la région.
Et c’est vrai que, depuis un siècle, elle s’est faite impérieuse, commandant à la route et a rail de l’accompagner sur la plus grande partie de son cours. Toute l’activité des environs s’en est ressentie. Les demeures même tendent à descendre vers elle, et lui créer un cadre nouveau ; Grand-Halleux, Vielsalm, Salmchâteau, Bovigny, grandissent sur ses rives. Le val de Salm est devenu comme le cœur de la région.
S’il est plein d’histoire, il manifeste tout autant un riche pittoresque. Quelques sommets en révèlent le charme : les roches du Hour, le Bonalfat, le Thier des Carrières, le Camp romain … On peut choisir et, de là, découvrir les horizons étalés. Ou bien cheminer au creux de la vallée, sous les roches, les ombrages, avec de continuelles surprises de décor.
Mais, de part et d’autre du val central, d’autres richesses se déploient. Des crêtes se détachent, perpendiculaires au vaste sillon. Elles gagnent le lointain, jusqu’où ? à la rencontre d’autres pays. Qu’on les suive, et chaque pas, chaque coup d’œil découvriront un détail nouveau.
Le promeneur attentif découvrira davantage, le merveilleux de légendes bien normal pour un pays chargé d’histoire et de relief tourmenté : le souvenir, lié à la roche de Rompt-le-cou, du cheval Hora sauvant la jolie Odette d’Ennal ; les sabbats de sorcières sur les hauteurs du Hour ; la joute des deux guerriers se retrouvant chaque année au Gros-Thier pour le Jugement de Dieu ; l’intervention du cheval de Bon Secours encore, en faveur des amours de Laïde et de Lambiet de La Bedinne ; et le rendez-vous, aux environs de Saint-Martin, de toutes les légendes qui courent les chemins, les fonts baptismaux qui ne veulent pas être déplacés, le trésor gardé par Satan, le curé assassiné à l’autel par son seigneur, Lopin-Lopar, les cloches au fond d’un puits, et d’autres… traduction de l’éternel drame humain aux prises avec le mystère.
C’est une vive impression que peut laisser le Val de Salm.

Gaston REMACLE

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