mercredi 28 octobre 2009

L’ancienne maison Otte à Vielsalm et une pierre curieuse, de 1725.


(publié dans Ardenne et Famenne, revue trimestrielle, n°4, 1968-1969) pp.241-245)

La pierre datée figurant sur la photo reproduite ci-contre se trouve actuellement encastrée dans le mur de soutènement d’une propriété située à Vielsalm, à l’extrémité de la ruelle dite « des Savoyards », derrière l’église.
Elle est en grès d’arkose, pierre du pays (dimensions : 45 cm. de hauteur, 26 cm. à la plus grande largeur).

A Vielsalm, bien peu de gens la connaissent.

Disons tout de suite que, de prime abord, elle nous a fortement intrigué, non par sa forme qui paraît bien la destiner à occuper le centre d’un cintre de porte, celle-ci d’assez belle ampleur, mais par les détails de la sculpture et par le terrain sur lequel elle se trouve.



On le voit, au-dessus de la date, il y a une tête, genre de masque, riant ou grimaçant ; le sens de cette figure nous échappe.

La date surtout nous a frappé. Nous devons absolument écarter « 1125 », car l’emploi de chiffres arabes en 1125 ne se conçoit pas. Du reste, d’autres éléments d’information permettent d’admettre que, malgré l’insolite conformation du deuxième chiffre, la date à retenir est donc celle de 1725.

L’intérêt qu’a éveillé en nous cette pierre s’est avivé surtout du fait de l’endroit où elle se trouve. L’immeuble qui l’a portée est celui d’une famille qui a profondément marqué de son influence Vielsalm autrefois, et même le comté de Salm ; nous parlons de la famille OTTE, dont la figure la plus marquante a été Jean-Bernard (1719 – 1793).







Nous sommes certain que la maison en question a été celle de Jean-Bernard OTTE, licencié (docteur) en médecine, mayeur de Salm de 1747 à son décès, soit pendant plus de 45 ans, receveur du comté et greffier à certain moment, homme de confiance plus d’une fois du comte de Salm au cours d’un demi-siècle salmien assez troublé.

Par son aspect et sa disposition, l’immeuble datait certainement du XVIIIe siècle. Tel qu’on l’a connu jusqu’en 1931, il avait, pour le XVIIIe siècle, une allure dépassant de loin celle des demeures communes, avec son corridor central, trois pièces à gauche, trois pièces à droite, l’étage de même, sans parler des dépendances, de belles boiseries et lambris au corps de logis. La situation matérielle du constructeur devait être à l’avenant.
Qui était ce bâtisseur ?



En 1725, Jean-Bernard ne comptait que six ans. Son père, Georges OTTE, était décédé en 1720. Il n’avait pas manqué déjà d’une certaine aisance matérielle, comme ses ancêtres directs d’ailleurs, et il avait, comme ceux-ci, exercé des activités commerciales. Son mariage lui avait donné l’entrée, acceptée sans doute, dans la « grande » famille de Vielsalm à ce moment, la famille PIERRET.

(On trouvera divers détails sur ces familles OTTE et PIERRET dans notre ouvrage de G.REMACLE, Vielsalm et ses environs (2e édition, Vielsalm, 1968.))

Et par Jeanne-Elisabeth PIERRET, mère de Jean-Bernard, fille de Catherine de LIMBOURG de Malmedy, filleule de Gilles de LIMBOURG, docteur en médecine et bourgmestre de Malmedy, les vues et les ambitions de la famille de Georges pouvaient encore s’élargir.

(Sur la famille de LIMBOURG, voir Annuaire de la noblesse belge, 1895, pp.121, 139, et revue Folklore Stavelot-Malmedy-Saint-Vith, 1963, p.92, et 1964, pp.110-111)

On peut raisonnablement penser que c’est sous l’influence des de LIMBOURG que Jean-Bernard put faire des études de médecine. A en juger par son activité et son comportement au cours de son mayorat, il devait être intelligent et sensé. Son instruction lui a permis une belle carrière et une destinée dont a bénéficié sa descendance.

Jeanne-Elisabeth PIERRET a-t-elle été « bâtisseur » ? Comme elle était veuve depuis 1720, on l’admet difficilement. On voit plutôt que la propriété, déjà bâtie, sera venue un jour à Jean-Bernard par héritage. L’étude des anciennes familles de Vielsalm nous amène à penser que seul un membre de sa famille, en 1725, a pu faire édifier la maison, sans doute l’un des deux frères de Georges, plus particulièrement Bernard, marchand et sans alliance, ou Jean PIERRET, grand-père et parrain de Jean-Bernard OTTE.

Notons en passant que cette maison ne figure pas sur le dessin de Vielsalm établi par le dessinateur spadois Mathieu XHROUET avant 1715, alors que l’emplacement de l’immeuble y est très visible.

Nous estimons donc que la date de 1725 se justifie pour la construction du bâtiment.

Celui-ci comportait, s’ouvrant sur la façade et à côté du corps de logis, une grande porte cintrée. La pierre de 1725 devait normalement se trouver au milieu de l’arc de cercle.

Jean-Bernard OTTE est décédé en sa demeure le 11 décembre 1793. Son épouse, Marie-Elisabeth LEMOINE,le 1er ventôse an XII ; le procès-verbal de mise sous scellés après le décès de la défunte témoigne de la disposition du bâtiment et de la valeur de son mobilier.

(AESTH, Justice de paix de Vielsalm, 1er ventôse an XII)

Henri-Joseph (décédé le 6 juin 1814), fils de Jean-Bernard, reprit l’immeuble après le décès de ses parents, bien qu’il fût juge au tribunal civil de première instance de Malmedy, puis son neveu, Jean-François OTTE, établi à Commanster. Dès lors, la maison a vu défiler bien des occupants (dont l’école communale des filles de 1884 à 1892).

De 1845 à 1866, elle servit même de caserne de gendarmerie, ce qui lui valut, jusqu’à sa fin, le surnom de « Vieille Caserne ».

Cette fin approchait. Des locataires de passage se succédèrent, de divers genres. Le vendredi 20 février 1931, vers 5 h. du matin, un incendie ravagea tout. Incendie toujours resté un peu mystérieux.

Le journal L’Organe de Vielsalm du 22 février 1931, relatant l’incendie, déclare la maison « construite en 1725 », opinion basée, sans doute, sur la date de notre pierre.

Propriété à ce moment de Joseph PAQUAY-TALBOT, après Léonard JEUNEJEAN, le bâtiment comptait six ménages. Il ne resta que des murs branlants ; on n’a gardé qu’un beau marteau de porte en cuivre (replacé à la maison de Mme. Annie BELLEFROID-PAQUAY) et … la pierre de 1725.

Toutefois, peu avant l’incendie, le bel escalier intérieur avait été enlevé et vendu ; il se trouve maintenant au mess des officiers, rue du Général JACQUES, à Vielsalm.

Depuis une trentaine d’années, on a rebâti une nouvelle maison à cet endroit. Il est dommage que notre pierre n’y ait pas retrouvé sa place.

Le masque léonin grimaçant qui décore la pierre a vraisemblablement une valeur apotropaïque. Sans doute à comparer avec différentes têtes de pierre qui ont été décrites dans cette revue (1958, I, p.10 ; 2, p.53 ; 4, p.170 ; 1959, 3, p.138).

Gaston REMACLE

Au moment de mettre la revue sous presse, M. G. REMACLE a découvert une photo de la maison (dans L’art populaire en Wallonie, Ed. Musée Vie Wallonne, Lg, 1970). Nous regrettons de ne pouvoir la reproduire (N.d.l.R.)

Mayeurs de tout le comté.


Jean Salentin PIERET, précité.

Balthazar HALL. Né vers 1645. Fils de Guillaume HALL, haut-officier du comté. Epoux de Marie DEMERAD. Résidait à Vielsalm. Est cité comme mayeur le 28 août 1670, et encore le 15 juillet 1682. Décédé le 14 novembre 1695.

Gérard PIERET ou PIERREZ. Fils de Jean Salentin PIERET précité et de Catherine EISDEN. Né le 26 janvier 1653 et baptisé à Salm. Epousa en premières noces, le 6 février 1679, Jeanne-Elisabeth, de Vielsalm, fille de Guillaume HALL haut-officier du comté, et soeur de Balthazar HALL mayeur précité. En secondes noces, après 1689, épousa Thérèse HENDRICY, veuve DUMESNIL. Il est cité comme « vice » mayeur le 15 septembre 1682 et le 6 avril 1684, puis comme mayeur, encore le 24 janvier 1705. Les documents lui donnent le nom de « PIERET », «PIERRET », «PIERREZ ». L'acte de son baptême le désigne sous la seule dénomination de « Gerardus filius Salentini et Catherine Eysden ». Est décédé le 8 novembre 1711.

François-Guillaume PIERREZ. Né le 17 janvier 1681. Fils de Gérard PIERREZ précité, et Jeanne-Elisabeth HALL. Nommé comme mayeur du comté le 10 décembre 1711.

(AELUX. Registrature, 230)

Est resté mayeur jusqu'à son décès le 31 décembre 1722. Voici le texte de l'acte de son décès : « le 31 Xbre est décédé le Sieur François Guillaume Pierrez mayeur de ce comté ». On remarquera que le nom de famille à laquelle appartient Français-Guillaume a subi toute une évolution, avant de se fixer ; de « Gillet », prénom de Gilles ou Gillet le meunier de Vielsalm, il est passé à GILLET, puis à IERRE, PIERET, PIERRET, PIERREZ.

Jean-Quirin REMACLY. Etant prévôt du comté, est signalé comme «lieutenant mayeur », notamment le 29 novembre 1726 et à l'acte de son décès le 27 mars 1727. Il a donc exercé les fonctions mayorales de façon intérimaire. Résidait à Vielsalm avec son frère Gaspar, prêtre, mais n'en était pas originaire.

Michel JACOB, Est originaire de Gennevaux, commune de Léglise. Baptisé le 10 février 1673. Epousa avant 1708 Catherine BERTHOLET, de Vielsalm, soeur du jésuite et historien Jean BERTHOLET. Receveur au bureau de Florenville en 1720 et 1722. Michel JACOB est déjà cité comme mayeur le 27 septembre 1727, et jusqu'à son décès à Priesmont le 9 mai 1747. Au début de 1703, il était établi depuis peu à Vielsalm comme receveur du roi. Il s'y trouvait encore le 29 mars 1708, après son mariage. De 1727 au moins jusqu'à son décès, il habita Priesmont, dans la maison occupée en 1968 par les familles BELGE-DANTINE et BURTON-LAURENT, et qui était l'ancienne maison WIROTTE, famille de la belle-mère de Michel JACOB. Voici la copie de l'acte de son décès, 9 mai 1747 : « le 9e est décédé le Sr Michel Jacob de
Priesmont, mayeur de ce comté
».

Jean-Bernard OTTE. Né à Vielsalm le 31 mai 1719. Fils de Georges OTTE de Vielsalm et de Jeanne-Elisabeth PIERREZ ; petit-neveu, par sa mère, de Gérard PIERREZ, mayeur précité. Licencié en médecine. Epousa le 26 avril 1745, Marie-Elisabeth LEMOINE, de Rencheux. Est décédé le 11 décembre 1793. Est cité comme mayeur déjà le 31 décembre 1748, et le restera jusqu'à sa mort, soit donc plus de 45 ans. Il signe lui-même, par exemple le 1 décembre 1782, « J.B. Otte, Licencié en médecine Mayeur et Receveur du Comté de Salm ». Voici la copie de l'acte de son décès : « Le 11 vers onze heures du soir est décédé Jean-Bernard Otte, docteur en médecine et mayeur de Salm. P. Barthelemy, curé de Salm ». J.B. OTTE a également rempli, pendant plusieurs années, les fonctions de receveur et greffier du comté.


Gouvy.

G. REMACLE à relevé les noms suivants des mayeurs de la part de Salm à Gouvy :

Claus Lambert RENARD, de Couvv, cité au dénombrement de 1575 ;

Lambert CLOSQUIN de Gouvy, fils du précédent, cité en 1591, 1604 et 1013.

Thibaut de Gouvy, cité en 1617 et 1620.

Henri ALARDIN, cité un 1651.

Gille THIBAUT, de Gouvy, cité aux dénombrements de 1656 et 1659.

Philippe des LOUPS, de Gouvy, cité en 1675, 1678 et 1684.

Nicolas MARTIN, cité en 1701 et encore en 1734.

Jean MARTINY, de Halconreux, cité en 1740 et 1745.

Jean Henri SCHEURETTE, de Gonvy, nommé le 20 mars 1746. En 1755, Jean REUTER est lieutenant mayeur.

Henri-François BAPTISTE, de Commanster, époux d'Anne-Pétronille SCHEURETTE, nommé le 17 janvier 1749, et jusqu'a son décès en 1762.

Richard-Antoine SCHEURETTE, neveu du précédent, nommé en 1764.

Jean-Louis BAUJOZ, jusqu'à son décès en 1779.

Jean-Christophe LAMBERTY, de Vielsalm, nommé par le comte Sigismond le 20 octobre 1779. et jusqu'à la Révolution française.

_______________________________________________________
Ndlr :
Publié avec les additions et corrections de G. REMACLE.

mercredi 21 octobre 2009

Mayeurs de Laloux.

«Colard de Courty » (Courtil). Cité le 15 juin 1377, à propos d'une
donation faite par devant les hommes de fief et les échevins du comté.

(J. VANNERUS, Les comtes…, II/143, aux AELUX)

« Collet Hubert », de Ville-du-Bois, cité dans un record de 1481.


Gérard, de Priesmont. Cité le 18 octobre 1547, et comme âgé de 60 ans.

« Jehan Pyrard» (Jean PIRARD), de Halconreux. Signalé comme échevin le 14 octobre 1547 et âgé de 45 ans. Cité comme mayeur en 1556 à propos d'un procès de sorcellerie, au dénombrement de 1561 et le 18 novembre 1561 dans un record de justice à propos de la cession des ruines du vieux château de Vielsalm.

Servais, de Halconreux. Cité comme mayeur le 25 avril 1565 et en 1575.

Thomas SCHEFFE, de Bêche. Cité comme mayeur en 1589, le 2 février 1590 et le 11 juin 1594. A cessé ses fonctions peu après cette dernière date, bien que son
décès n'ait eu lieu qu'après le 2 juin 1614. Un différend sérieux a dû surgir entre lui et les villages de Laloux, car, les 10 et 13 septembre 1601, les délégués de ces villages désignèrent, par devant la Justice de Laloux, leurs représentants et défenseurs pour agir en leur nom devant le Conseil provincial de Malines, « contre les prétentes et exactions » de Thomas SCHEFFE.
(CS, 1597-1603/236 vo et 237)

Pierre GILLET, de Vielsalm. Il s'agit de «Pierre fils Giellet le meusnier de la vieille Saulme », âgé de 25 ans en novembre 1571, et donc né en 1546 ou 1545. Le dit « Giellet » est le meunier à qui fut cédé héréditablement en fief, le 9 septembre 1560, l'emplacement du vieux château de Vielsalm avec ses abords. Pierre son fils, meunier également, est constamment désigné sous le nom de « Pierre GILLET ». Il avait épousé Maron (Marie), fille de Henri WIROTTE de Priesmont, haut-forestier du comté de Salm. Pierre Gillet est cité comme échevin en 1584, 1590 et le 28 mai 1595. Comme mayeur, le 30 janvier 1596 et encore le 11 juin 1609. Il est décédé avant le 9 mars 1612.

Jean PIERRE, de Vielsalm. Les archives indiquent clairement qu'il est bien «Jean, fils à Pierre gillet mayeur de Laloux », qui précède. Après la mort de son père, il est désigné généralement sous le nom de «Jean PIERRE ». Voici, par exemple, un texte : « ... est comparu en personne Maron relicte de feu Pierre Gillet en son vivant mayeur de ce lieu, laquelle assistée de Jean Pierre mayeur, son fils » (9-3-1612). Jean PIERRE avait épousé Catherine, fille de Jean BIEVER et Elsquinne (Jean BIEVER, officier du comté de Salm). Il est cité comme mayeur le 9 mars 1612 et le 3 août 1629. Est décédé avant le 21 février 1631.

Jean PIERRE. Fils du précédent. Cité comme mayeur le 10 janvier 1639 et le 28 février 1645. Après cette date, il ne figure plus comme mayeur, mais il s'identifie avec Jean PIERRE, cité maintes fois comme receveur du comté, déjà le 11 mars 1646, et le 3 juin 1660. Est décédé avant le 20 septembre 1661. Il avait épousé Claudine DEUMER, d'Ourthe. Il est signalé le 12 novembre 1666, après son décès, sous le nom de « Jean PIERREZ ».

Herman-Théodore HARDINGH, ou HERDING. Est cité le 25 mars 1647 : « D. Hermanno herdeingin Wesfalienses praetor de Laloux », comme parrain au baptême de Herman fils de Léonard le HOURY de Vielsalm. Est déjà parrain à Vielsalm le 24 juin 1646. Cité comme maïeur également à l'acte de son mariage à Liège Saint-Servais, le 11 août 1648, avec Catherine POTESTA de Malmedy. Décédé avant le 7 juin 1649, date du baptême de sa fille Madeleine, à Malmedy. Son nom est étranger au pays de Salm.

Après H.T. HARDINGH, les fonctions mayorales de Laloux ont vraisemblablement été exercées par intérim, puisque nous trouvons, le 14 juillet 1652, un « lieutenant mayeur », en la personne de Mathieu WIROTTE, de Priesmont, prévôt du comté.

Salentin ou Jean Salentin PIERET. Fils de Jean PIERRE, mayeur précité, et de
Catherine BIEVER. Epousa, le 12 septembre 1652, Catherine EISDEN, fille du haut-officier du comté. Est cité comme mayeur du 12 mai 1655 à son décès le 13 juin 1669. Voici le texte de l'acte de son décès : « le 13° est décedez le Sr Jean Salentin pieret mayeur de Saline environ les onze heures du matin ». C'est le dernier mayeur propre à Laloux ; à partir des environs de 1649, il exercera les fonctions mayorales pour tout le comté. Il est désigné dans les documents sous les dénominations suivantes : « Salentini », ou « Salentini PIERET », ou « Salentini PETRI », ou Salentini joannis PETRI », ou « Jean Salentin PIERRE », ou «Jean Salentin PIERET ».

dimanche 18 octobre 2009

Un différend entre les manants de Salm et leur seigneur, au XVIe siècle.

(publié dans Reflets de Salm, le 15 mars 1979)

À la moitié du XVIe siècle, des différends sérieux surgirent entre les sujets de Salm et leur comte.

Deux contestations faisaient l’objet du litige, présentées séparément d’abord à la Justice, puis reprises ensemble au Grand Conseil de Malines.

Et d’abord, les manants du comté contestaient au comte le droit de lever sur ses sujets deux tailles annuelles (en mai et à la Saint-Remy), appelées le Meyschaff et le Herfschaff, comme aussi le mortemain.

Ils introduisirent leur cause devant la Cour de Justice de Salm, qui refusa d’admettre leurs prétentions, le 14 mai 1548. Appelants ensuite au Conseil de Luxembourg, ils n’y obtinrent pas encore satisfaction, le 5 juillet 1548.

Ils s’adressèrent alors au Grand Conseil de Malines, par une requête de février 1552, ajoutant à leur première revendication une seconde, concernant l’utilisation des bois d’aisance, particulièrement le Grand-Bois.

Entretemps, ils avaient essayé, mais en vain, de vider leur différend par sentence arbitrale, le 5 décembre 1555, tentative qui avait provoqué notamment une réunion en l’église de Vielsalm, en présence de la plupart des manants du comté.

La plainte concernant les bois portait surtout sur le fait que le comte usait des bois à son gré, disaient-ils, y ayant effectué des coupes considérables pour ventes à des forgerons.
Les manants réclamaient ainsi au comte une indemnité réparatrice de 2 000 écus d’or, et ils demandaient de le voir condamner à ne plus procéder à des abatages, ni à des locations de bois d’aisance à des fins de pâturage.
Grossissant leur cause, les manants se plaignaient également d’avoir subi bien des violences de la part d’agents du seigneur au sujet de la levée des redevances contestées citant à cet égard des cas précis.

Pour sa défense, de son côté le comte se déclarait lésé dans l’usage des bois, réclamant une indemnité de 10 000 florins carolus pour paiement de dévastations prétendument subies.
Il assurait d’autre part que ses prédécesseurs avaient toujours disposé du droit de lever le schaff et le mortemain, comme aussi de disposer de corvées pour les travaux d’entretien et de réparation de son château, ainsi que pour le charroi de victuailles et de vin nécessaires à la vie du château. Il rejetait en outre l’accusation de violences contre ses sujets.
Les habitants allèrent jusqu’à demander au comte de produire ses titres au droit de lever le schaff et le mortemain, et ils contestèrent la valeur d’un record de 1481 sur lequel s’appuyait le comte.

Au total, il semble bien que, sur un fond de vérité, la plainte de chacune des parties se teintait d’exagération. Il appartenait à la justice de faire la part des choses.

La sentence de Malines fut rendue le 15 février 1560. Elle maintenait au comte le droit de lever le schaff et le mortemain, et de disposer des corvées de bars, de chevaux, de charrois, pour le service du château. Mais elle lui interdisait, pour ce qui concerne les bois d’aisance, d’y faire des abatages en vue de la vente, et d’y louer la paisson.
Cette affaire montre, en tout cas, combien les manants de Salm n’en étaient plus à l’état de sujétion du Moyen Age, et qu’ils savaient affirmer une personnalité capable de s’opposer à l’autorité même, si celle-ci contrariait leur droit à l’existence.

Gaston REMACLE

A travers l’histoire régionale, Vielsalm et ses environs. Sur Saint Gengoux.

(publié le 9 novembre 1978)

Saint Gengoux est le patron primaire de la paroisse de Vielsalm comme saint Laurent celui de Grand-Halleux, et saint Maurice celui d’Arbrefontaine.
Gengoux, ou Gangulphe (on trouve 24 manières différentes d’écrire ou prononcer son nom) naquit en 703 au château de Varennes sur Amance, près de Langres (France). Il épousa une femme du nom de Ganéa et combattit au service de son suzerain Pépin le Bref. Il mourut le 11 mai 763, assassiné par le complice de sa femme, qui était très volage.
La vie de Gengoux avait été sainte. Les prodiges miraculeux qui suivirent sa mort firent sensation ; le culte du saint se répandit de façon immédiate et extraordinaire.
Actuellement le diocèse de Namur compte quatre églises qui lui sont dédiées : Chéoux-Rendeux, Florennes, Vielsalm et Villers-devant-Orval.
L’église de Vielsalm détruite en 1940 comportait, au petit autel, une peinture représentant le meurtre de saint Gengoux.
Dans l’église actuelle, il y a toujours une petite statue du saint, ancienne, en habit militaire.
La chapelle, maintenant incorporée au mémorial des agents coloniaux, existait déjà avant 1600 et est dédiée à saint Gengoux.
Il y a encore une chapelle [dédiée] au même saint près du terrain de football et construite en 1928.
Il y a aussi à Vielsalm la « clinique Saint-Gengoux », un « Rallye Saint-Gengoux » de sonneurs de cors, une troupe de scouts « Saint-Gengoux », la « mutualité Saint-Gengoux ».
En dessous de la nouvelle piscine, dans le talus, il y avait de temps immémorial la « fontaine Saint-Gengoux », aujourd’hui comblée depuis une trentaine d’années ; ses eaux possédaient, disait-on, des propriétés spéciales pour la guérison des maux d’yeux.
Enfin, disons qu’autrefois, le prénom de Gengoux était souvent donné aux petits garçons, comme Laurent à Grand-Halleux et Maurice à Arbrefontaine ; actuellement, il n’y a plus, dans la commune de Vielsalm, qu’un seul Gengoux, M. Gengoux PAQUAY, à Priesmont.

Gaston REMACLE

mardi 13 octobre 2009

Mayeurs des Halleux.

Collart, d’Arbrefontaine, cité en 1481, dans un record.

Jean « BEWART », de Goronne, cité le 14 octobre 1547 et comme âgé de 46 ans.

Jehan WIROT, de Goronne, cité en 1548.

Gérard de « PRESMONT, mayeur des Halleux » est cité en 1556.
(C11/28). Il est dit « Gera vonn PRESTMON, meyer », cité en 1547.
(Codex, p.282)

Henri « de PRIESMONT », cité au dénombrement de 1561 et le 28 novembre 1561 dans le record établissant que la place du vieux château, à Vielsalm, a été cédée en fief à Gilles, le meunier de Vielsalm.

Servais « Jean GERARD », cité le 25 avril 1565. Etait encore mayeur en 1584 et jusqu’à son décès. Décédé avant le 8 juin 1594. Probablement de Vielsalm.

Jean de FROIDCOURT, de Menil, époux de Anne, fille de Renard OTTE de Menil. Cité comme mayeur le 28 janvier 1595 et le 10 décembre 1598. Deviendra prévôt, et cité comme tel déjà le 30 décembre 1598. Décédé entre le 4 mai 1617 et le 15 mai 1619.

Jean « GEORGE », de Gernechamps, appelé aussi Jean « GEORIS ». Cité du 7 janvier 1599 au 23 décembre 1625. Décédé avant le 17 février 1628.

Servais OTTE, de Menil, fils de Hubert OTTE de Menil. Epoux de Anne, fille de Jean « COLLA » de Menil, et cousin de l’épouse de Jean de FROIDCOURT précité. Est cité comme mayeur le 25 janvier 1629 et encore le 4 septembre 1647. Décédé avant le 29 décembre 1649. C’est le dernier mayeur propre aux Halleux.

samedi 10 octobre 2009

Deux comtes de Salm Evêques de Tournai sous l’ancien Régime. (1)

(publié dan L’Annonce de Vielsalm, le 5 décembre 1954)

Au hasard de recherches effectuées, au cours de cet été, à la Bibliothèque de Tournai, nous tombâmes tout à fait par hasard sur la mention de deux comtes de Salm qui furent les deux derniers évêques de Tournai sous l’ancien régime.

Il n’en fallait plus pour aiguiser notre curiosité de mieux connaître ces personnages illustres qui, ainsi que nous allons le montrer, se rattachent — de loin sans doute — à la grande famille des SALM de nos Ardennes. En guise de modeste contribution à la connaissance de notre renommée lignée de comtes salmiens, dont les historiens locaux et particulièrement M. Gaston REMACLE, ont dit tout ce qu’il était actuellement possible de dire, nus livrons aujourd’hui au lecteur le fruit de nos recherches.

Une question préalable : comment se fait-il que des comtes de Salm aient occupé le siège épiscopal tournaisien ?
Il faut savoir que la prise de Tournai par Louis XIV en 1667 valut à cette ville d’avoir pour évêques une série de gentilshommes français. Mais, après la victoire des Alliés et le traité d’Utrecht (1713), ce furent des princes allemands qui remplacèrent les favoris de la cour de Versailles : Jean-Ernest comte de LÖWENSTEIN-WERTHEIM (1713 – 1731) et les deux SALM qui menèrent l’histoire de l’Eglise de Tournai jusqu’au cœur de la grande Révolution.

Le comte François-Ernest de SALM-REIFFERSCHEID se rattachait par son double nom à deux familles aussi illustres l’une que l’autre.
On sait que la ligné masculine des comtes de Salm, en Ardennes, s’était éteinte en 1416, avec la mort d’Henri VII, qui avait survécu à ses trois enfants : Henri, son fils tué en 1408 à la bataille d’Othée, et ses filles Jeanne, décédée entre 1399 et 1402, et Marie, mariée à Otton de ROUGRAVE, morte sans enfants en 1415. À la mort de cette dernière, Henri VII désigna pour lui succéder son plus proche parent, Jean, sire de WASSEMBERG et de REIFFERSCHEID, lequel prit le titre de comte de Salm et fut la souche des comtes de SALM-REIFFERSCHEID.

François-Ernest naquit à Vienne, le 6 juin 1698, de Marie-Agnès, comtesse de SLAVATA, et de François-Guillaume, comte du Saint-Empire romain, de Salm et de Reifferscheid, seigneur de Bedbur, de Dyck, d’Alster et de Hackenbroich, maréchal héréditaire de l’archevêché de Cologne, ci-devant capitaine de la compagnie des archers de l’Empereur, et présentement grand-écuyer de l’Impératrice douairière Guillemine-Amélie, et privé conseiller de l’Empereur.
En outre, François-Ernest était le neveu de l’Evêque de Tournai, Jean-Ernest de Bavière, comte de LÖWENSTEIN-WERTHEIM. Et lorsque ce dernier prélat mourut à Aix-la-Chapelle, le 26 juillet 1731, l’empereur Charles VI désigna le jeune chanoine de Strasbourg et de Cologne pour succéder à son oncle maternel dans cet important bénéfice ecclésiastique (1er octobre 1731).
Le sacre eut lieu à Vienne le 29 mars 1732. Le nouvel élu prêta un mois plus tard (23 avril) le serment de fidélité à Sa Majesté impériale et catholique, entre les mains de Son Altesse sérénissime Marie-Elisabeth, gouvernante générale des Pays-Bas. Le 11 septembre, il arrivait à Tournai. Une délégation du chapitre alla lui souhaiter la bienvenue et lui offrir la magnifique chape avec la riche crosse pastorale de son oncle et prédécesseur sur le siège épiscopal. Le lendemain, un Te Deum triomphal, avec accompagnement de « symphonie », retentissant sous les voûtes de la vieille cathédrale à l’occasion de la prise de possession canonique du prélat et de sa joyeuse entrée.
(Cfr. Actes du Vicariat, aux Archives de l’évêché de Tournai)

Le comte de Salm fit preuve en toutes circonstances d’une foi profonde et d’une non moins vive piété.

La majeure partie de ses mandements réclamaient des prières aux fidèles : tantôt pour obtenir un héritier au trône d’Autriche, tantôt pour le succès des armées de l’Empire, tantôt pour prévenir des malheurs publics ou conjurer une épidémie. Le même esprit le guidait dans son zèle pour la sanctification des jours de fêtes (mandement du 27 octobre 1751, aux Archives de l’évêché de Tournai), et dans les prescriptions religieuses au clergé de son diocèse (mandement du 9 avril 1765, idem).
Mais, en haut seigneur qu’il était, le prélat se révélait aussi très jaloux de son autorité et très susceptible dans l’exercice de son pouvoir. Ce trait de caractère devait le mettre plus d’une fois en conflit avec le chapitre, surtout à cause de son doyen ; il ne peut évidemment être question d’en donner le détail dans le cadre de cet article.



Le prélat aimait le faste des grands salons et des beaux séjours. Le château d’Helchin (localité à quelques kilomètres de Tournai) dut à ce goût du luxe d’être transformé en une résidence charmante, aux jardins splendides et aux eaux magnifiques. Il se plaisait à passer les mois d’été dans ce « petit Versailles ».
L’hiver, au contraire, le voyait revenir dans son palais épiscopal. L’un et l’autre de ces immeubles regorgeaient de collections remarquables.

Le comte de Salm était aussi un mélomane au suprême degré. Il avait attiré dans son palais épiscopal les artistes les plus renommés, qu’il hébergeait et payait largement.

Ces goûts dispendieux épuisèrent souvent les ressources de l’évêque. Pour rétablir ses finances et s’obliger à un genre de vie plus simple, il s’exilait alors de son diocèse. Il se trouvait précisément dans une de ces situations embarrassées lorsque Louis XV fit le siège de Tournai et emporta la ville d’assaut (1745). Absent depuis six mois, le comte de SALM revint précipitamment sur l’ordre sur l’ordre exprès de l’impératrice Marie-Thérèse. En dix jours de poste, il brûla le long trajet de Vienne à Tournai, où il arriva juste à temps pour recevoir en habits pontificaux le monarque vainqueur et chanter le Te Deum d’actions de grâces.

Durant toute la domination française, jusqu’en février 1749, François-Ernest se retira dans son séminaire épiscopal où il vécut économiquement avec un personnel des plus réduit, uniquement composé d’un domestique, d’un valet de chambre et d’un cocher. Mais lorsqu’après le traité d’Aix-la-Chapelle, des feux de joie saluèrent à Tournai le départ des Français devenus impopulaires par leurs ruineuses exactions, le prélat en revint à son ancienne magnificence.

Il mourut à Strasbourg, le 16 juin 1770, à l’âge de 72 ans, après 38 années d’épiscopat. Suivant l’usage, on brisa aussitôt le sceau du défunt et on remit les morceaux au Chapitre qui reprenait par intérim le gouvernement du diocèse. Son sceau se trouve au musée d’antiquités à Bruxelles, sous le n.4222 ; et l’empreinte, au musée de Tournai.



La cathédrale de Tournai en 1720.

Rappelons que, comme armoiries, les comtes de SALM-REIFFERSCHEID portaient écartelé. Au 1 parti d’argent et encore de même, à deux saumons adossés de gueules sur la première partition (SALM), et sur la seconde partition un écusson de gueules plein, surmonté d’un lambel d’azur à cinq pièces (REIFFERSCHEID). Au 2 de gueules, au lion couronné d’argent, l’écu semé de billettes de même (BEDBUR). Au 3 d’or, au lion d’argent (HACKENBROICH). Au 4 fascé d’or et de gueules de neuf pièces, au lion d’argent brochant sur tout (ALSTER). Et sur le tout, d’argent à trois fusées de gueules 2 et 1 (DYCK).

Toutefois, sur la vignette surmontant les mandements de l’évêque de Tournai (Collection de Mandements, aux Archives de l’évêché), on trouve constamment les deux derniers quartiers intervertis : le 3 terminant l’écu, et le 4 tenant la place du 3, mais avec le lion retourné, de manière à prendre l’aspect affronté.

R.L.

La justice.

Le comte de Salm avait droit de haute, de moyenne et de basse justice.
Il exerçait la justice civile par l’intermédiaire de deux cours plénières, l’une censale, ou Haute Justice, l’autre féodale, ou Haute Cour, et par l’entrecour de Gouvy.

La Haute Justice se composait d’un mayeur et de 7 échevins. La cour féodale d’un prévôt et de 7 échevins féodaux ; ces derniers étaient pratiquement les mêmes que ceux de la cour censale.
Ces deux cours exerçaient la basse et la moyenne justice, mais séparément, l’activité de la cour féodale se rapportant aux biens fiefs.
On appelait de leurs jugements aux hommes de fief du comte, et du jugement de ceux-ci au comte lui-même, assisté de ses hommes, siégeant en la grande salle de justice du château de Salm. Après 1550, les appels se firent au Conseil de Luxembourg.

(AGR, Cour des Comptes n°36, folio 267vo)

Après sa réorganisation sous Charles-Quint en 1531, le Conseil provincial devint « à la fois une Cour supérieure de justice, à laquelle on pouvait recourir contre les sentences des justices échevinales, seigneuriales et prévôtales, et une sorte de Conseil d’Etat, qui avait, sous l’autorité du gouvernement central de Bruxelles, la direction de l’administration du duché »
(A. HERCHEN, p.116)

le Grand Conseil de Malines, créé en 1473 par Charles le Téméraire, constituant la cour suprême de justice de l’ancien régime, jugeait en appel les procès du Conseil de Luxembourg, indépendamment de certaines causes en première instance.

La cour féodale était également chargée de la justice criminelle. Toutefois, au XVIIIe siècle, à partir d’une date que G. REMACLE n’a pu déterminer, le mayeur unique du comté se joignit à la cour féodale pour les cas de justice criminelle.

La cour censale comportait, jusqu’à la moitié du XVIIe siècle, deux mayeurs, le mayeur de Laloux et le mayeur des Halleux, assistés chacun du même corps d’échevins. Il y avait donc en fait, jusqu’à ce moment, deux cours censales. Les actes passés devant la Justice des Halleux concernaient le territoire correspondant à la commune actuelle de Grand-Halleux, plus la rive gauche du Glain jusqu’à la crête allant du Bonalfa vers l’ouest (donc aussi Rencheux, Goronne, Arbrefontaine, Menil et Gernechamps).
Le reste du comté relevait de la Justice de Laloux.

A partir de la moitié du XVIIe siècle, on constate, d’après les archives, qu’il n’y a désormais plus qu’un mayeur pour tout le comté.

Ce changement s’est produit, de l’avis de G. REMACLE, de la façon suivante. Servais OTTE, de Menil, était mayeur des Halleux jusqu’à son décès vers 1648. à ce moment, la vie de la région est marquée de grosses difficultés. De là des nécessités et une adaptation nouvelle pour bien des choses. Une évolution du genre de vie se manifeste d’ailleurs nettement dès la deuxième moitié de ce XVIIe siècle. L’un des deux mayeurs du comté étant donc décédé, ses fonctions auront été exercées provisoirement par l’autre mayeur. Et, de provisoire, la situation sera restée définitive.
A d’autres moments d’ailleurs, des fonctions mayorales ont été exercées de façon intérimaire et provisoire. Par exemple, par Mathieu WIROTTE et Jean-Querin REMACLY.

Pour Gouvy, dont une partie dépendait de Salm et l’autre de la prévôté de Bastogne, il y avait une cour de justice spéciale pour laquelle le comte nommait un mayeur, un échevin, un clerc juré, et un sergent ; un autre mayeur et un échevin dépendaient de l’autre partie de l’entrecour.
Prévôts, mayeurs, échevins, greffiers, sergents, étaient nommés par le comte ; tous achetaient leur charge. Ils bénéficiaient par ailleurs d’une petite part dans certaines redevances pour leurs peines ou vacations.

Voici un exemple de nomination d’échevin, celle de Jean-Gérard RASSE, de Grand-Halleux, en 1773 :
« Je soussigné, avocat au Grand Conseil de sa Majesté l’Impératrice douairière et reine, authorisé à l’effet des présentes par son excellence Madame la Comtesse douairière de SALM-REIFFERSCHEIDT, née comtesse de ROGENDORFF, déclare que comme il vaque actuellement quatre places d’eschevins dans les cours féodale et censale du Comté de Salm dont la moitié appartient à la collation de sa dite Excellence et aïant eu rapport de la bonne conduite et prudhomie et capacité de Jean Gérard RASSE, je luy ay conféré comme je fais par les présentes, au nom de la dite Excellence, une des dittes places d’eschevin des cours féodales et censales du dit comté de Salm et sera ladit RASSE obligé au désir de l’ordonnance du 12 juin 1746 de prêter rectivement le serment y prescrit pour obtenir la dite place d’eschevin ou accause d’icelle, il n’a offert, promis ni donné, fait offrir, promettre ni donné aucun argent ou autre chose quelconque, ni de donner ni directement ni indirectement et parmi ce il jouira des droits et émoluments attachés à cet emploi et en foi de quoy jay signé cette et y apposé mon cachet ordinaire à Malines le 27 juin 1773 ».
Signé BEAUJOZ. La comtesse de ROGENDORFF précitée est la veuve du comte Antoine de SALM, décédé le 5 avril 1769.
(PF. GERARD)

où se tenaient les réunions des Cours ?
En fait, jusqu’à la fin du comté de Salm, en dehors du château il n’y eut point de bâtiment spécialement destiné aux assemblées de la Justice. Les réunions en question se tenaient dans la maison du mayeur ou du prévôt.
Exceptionnellement toutefois, selon la particularité des affaires à traiter, la Justice se déplaçait. Nous avons ainsi relevé le cas de telles réunions spéciales à Petit-Halleux, La Comté, Rencheux, Arbrefontaine, Ennal, Ville-du-Bois, la « franchise de Saulme », le château de Salm, même l’église de Vielsalm le 3 décembre 1553.

Les réunions de Justice ou plaids ordinaires devaient se tenir, comme le rappellent les ordonnances comtales de 1539 et 1731, tous les quinze jours, ce à partir de 8 heures du matin pour la période d’avril à septembre, de 9 heures d’octobre à mars, et afin de pouvoir « expédier les affaires les plus considérables et qui méritent le plus d’attention avant midy ». le haut-officier, représentant du comte, pouvait assister à ces séances chaque fois qu’il le jugeait convenable.
Quant à la Justice pour les causes criminelles, elle siégeait au château de Salm, où se tenaient également « le jeudi après la conversion de St Paul », la séance annuelle tous les chefs de ménage, du moins à l’origine du comté.

lundi 5 octobre 2009

Une ancienne maison de Vielsalm dénommée « château ».

(publié le 17 septembre 1966)

On a rappelé ici, il y a quelques semaines, la destinée d’une ancienne maison de Vielsalm, dite « maison Sépult ».
Parlons aujourd’hui d’une autre, plus ancienne encore, démolie et reconstruite il y a environ cinquante ans.

Des documents des environs de 1800 notent la présence, à Vielsalm, d’un « château » appartenant au comte de Salm.
La chose peut, à l’abord, paraître assez étrange, si l’on sait qu’à ce moment, depuis plus de quatre siècles déjà, la maison forte des comtes de Salm se trouve à Salmchâteau ; en 1561, « la place appelée le vieu chasteau gisant au dit vieille Salme » avait été cédée par la famille de SALM, ce à Gilles, le meunier de Vielsalm.

Quel est donc ce « château de Vielsalm » dont il est question vers 1800 et que les autorités françaises d’alors ont mis sous séquestre ?

C’est encore une longue histoire que ce bâtiment et ses abords pourraient conter, mêlée à celle de Vielsalm et du comté de Salm.
Relevons-en l’essentiel.

Il s’agit du bâtiment, démoli en 1913, sur l’emplacement duquel s’élève la maison actuelle DE POTTER, rue du Général JACQUES, en face de la Poste.

Qui l’a érigé ? On y voit, vers 1600, un homme d’une valeur peu commune pour l’époque : Georges WIROTTE.
Né vers 1570, il est cousin du haut-forestier, son homonyme de Priesmont. Il est apparenté à l’ancienne famille WIROTTE de Goronne, qui a fourni plusieurs personnalités du moment. Il est clerc juré de Salm, greffier des Hautes Cour et Justice, et exercera même, quelque temps, les fonctions de prévôt. Il sait manier le latin, a donc fréquenté les écoles. Son écriture est caractéristique, est agréable et régulière. Les documents qu’il établit témoignent d’une composition et d’un vocabulaire supérieurs au travail de ses devanciers Denys de RETTIGNY et Everard de BASTOGNE.

À la Cour de Salm, il établit des actes un peu avant 1600 et jusqu’au 7 août 1628, donc durant une trentaine d’années. C’est, disent les documents, « Maître Georges WIROTTE ».
Il avait épousé, le 16 septembre 1600, Irmgarde, fille d’Antoine BELLEVAUX, de Vielsalm, brasseur ; il en eut au moins 7 enfants. Son décès se place avant le 10 février 1630 ; sa veuve vivait encore en 1650.

La maison de Georges WIROTTE, située à l’extrémité de Vielsalm à ce moment, s’encadrait d’une belle propriété qui subsistera durant deux siècles, coupée par la route vers Neuville et devenue la rue du général JACQUES ; derrière le bâtiment, environ un hectare et demi qui sera la « cour George » dont on parle encore maintenant ; devant, au-delà du chemin, un jardin d’environ 36 ares.
Quant à la maison, elle était « assez ample », assure un relevé.

Georges meurt avant les graves événements de 1636 : peste, passage de troupes ennemies, incendie de 17 maisons à Vielsalm, …
La maison échappe à l’incendie qui s’est acharné sur le noyau de la localité, les abords de la place du marché.
Mais l’occupant de l’immeuble, le fils Philippe, qui le possède avec « cincq parçonniers ses frères et sœurs », est devenu un pauvre homme ainsi que tant d’autres à ce moment de misères ; on « ne scait de quoy il vive, sinon qu’il réfugie bien des passants ».

Voici l’année 1662. Georges DUMONT de Vielsalm (né en 1631), petit-fils de Georges WIROTTE par sa mère, reprend la maison de son grand-père maternel à la suite d’échange de biens avec Philippe WIROTTE son oncle. Il s’y installe, avec son petit commerce. Jusqu’en 1695, quand il s’agit du mariage de sa file Catherine.

Le 14 janvier de cette année, par devant la Cour féodale de Salm, Georges DUMONT constitua la dot de mariage de sa fille. Un beau mariage. Était-elle avenante, sans doute, Catherine, à 26 ans, pour avoir conquis le cœur du « Sr Erich PIERRET, lieutenant de la compagnie des fusilliers de Catina » (né en 1664). La dot était copieuse, 612 écus, dont « la maison WIROT située à la Vielsalm ».
La destinée de Catherine est « montante ». la famille de son mari est la « grande » famille de Vielsalm depuis quelque temps déjà. Vers 1710, Erich-François devient propriétaire de la petite seigneurie de Bihain. Le voilà « PIERRET de BIHAIN » (plus tard, le nom deviendra « PIRET de BIHAIN »). Il prend pied dans l’état noble. Et Catherine est désormais « dame de Bihain ».

Au soir de sa vie, le 23 janvier 1740, elle céda à sa fille Jeanne-Elisabeth « sa maison située à Vielsalm … de même que les écuries derrière icelle, les jardins potagers et à herbes, la prairie nommée Cour George si longue et si large qu’elle s’extend… item le jardin à herbes gisant devant la ditte maison fermé de muraille devant au chemin … ».

Le sort de l’ancienne maison WIROTTE va pourtant bientôt changer.
Jeanne-Elisabeth PIERRET avait épousé en 1741, à 32 ans, Jean-Guillaume HENNUY, veuf d’Anne-Thérèse OTTE de Vielsalm. HENNUY est un personnage à la vie quelque peu mouvementée et dont la maison de Maître George pâtira. Il est né à Stoumont. Sa grand-mère maternelle est Catherine BERTHOLET, originaire de Vielsalm et tante de l’historien Jean BERTHOLET. Cette parenté a peut-être orienté la vie de Jean-Guillaume vers le pays de Salm. Ses deux épouses sont de Vielsalm ; par leurs famille, OTTE et PIERRET, Jean-Guillaume entre facilement, peut-on penser, dans les affaires administratives du comté de Salm.

Le voilà greffier du comté en 1737, puis receveur en 1746, et plus tard receveur des domaines de S.M. l’impératrice et reine au département de Bastogne. Par sa seconde épouse, il devient aussi co-seigneur de Bihain.

Bien qu’habile et probe, avait-il entrepris trop d’affaires ? Toujours est-il qu’à son décès, en 1759, elles se trouvaient en bien mauvais état. À ce moment, HENNUY se voyait toujours redevable au comte de Salm de 12 500 écus, provenant de la recette des impôts. Pour liquider cette dette, sa veuve ne trouva rien de mieux, en 1761, que de céder au comte Sigismond la plupart de ses biens, dont l’ancienne maison WIROTTE et ses annexes, estimées 1 600 écus.

Dès ce moment, la belle propriété est donc passée dans les mains du comte de Salm. Elle y restera jusqu’à la fin du siècle, quand le régime de la République française la confisquera pour en faire un bien d’État. Elle est alors, dit un document : « ressemblant parfaitement à une maison ordinaire de maistre, composé d’un corps de logis de onze places, tant chambres que cabinet, et d’un grenier au-dessus, d’une cour, écuries, grange ». Il n’en fallait pas d’avantage pour, à l’époque, être dénommée un « château ».

Mais que va en faire le comte ? Il la laisse à l’usage de son haut-officier. Celui-ci, en 1782, est le sieur de GRABLER. Comme HENNUY auparavant, il a une dette à l’égard de son seigneur, qui, en manière de garantie, fait inventorier et vendre tous les meubles et effets, dont on connaît le détail, de son débiteur.

Le régime français vendra les terrains de l’ancienne propriété WIROTTE, en 1807, à l’hôtel de ville de Liège, mais il gardera la maison.

En 1804, durant quelques mois, celle-ci avait accueilli l’abbé DUMONT, curé-doyen de Vielsalm, qui ne pouvait s’installer au presbytère occupé par la brigade de gendarmerie depuis six ans ; en 1805, après bien des interventions, il réussit à la faire partir, et l’ancienne maison WIROTTE, domaine de l’État, la reçut pour la garder, jusqu’en 1845.

Ainsi donc, à travers le régime français, celui du grand-duché de Luxembourg, celui des premières années du royaume de Belgique, avec quelques aménagements nécessaires à sa nouvelle fonction, dont des écuries, la vieille maison fut la caserne de la maréchaussée de Vielsalm.

1845. Nouvelle étape. L’État belge vend l’immeuble, devenu vétuste, sans doute, après tant d’aventures et d’occupants. L’achète Pierre-Joseph JACQUES, notaire, grand-père du général baron JACQUES de DIXMUDE.
JACQUES y effectue des améliorations. Sa famille gardera le bien jusqu’en 1899, pour le vendre au juge de paix L. DE POTTER, qui s’y installe.
Toutefois, en 1913, la vieille bâtisse est rasée, et remplacée par le bel immeuble que l’on voit de nos jours, et toujours habité par Mme DE POTTER.
Ah ! chère Madame, si les allées de votre jardin pouvaient parler, que de choses étonnantes elles nous révéleraient ! mais nous ne pourrons jamais que les imaginer et en nourrir nos rêveries.

Gaston REMACLE

dimanche 4 octobre 2009

La « maison Sépult », de Vielsalm, est démolie.

(publié le 19 février 1966)

La démolition récente du bâtiment dit « maison SÉPULT » aura encore enlevé à Vielsalm des traces de son passé. De rares photos, sans doute, rappelleront le souvenir de cette construction. Nous voudrions aider celui-ci à garder un peu de vie en apportant quelques notes d’histoire.

La bâtisse était-elle ancienne ? Nous n’avons trouvé, à ce sujet, aucune information sûre, et le style du bâtiment ne fournit pas, croyons-nous, d’indications traduisant l’esprit d’une époque. Il y a bien, dans le mur de soutènement de la propriété, le long de la rue du Vieux-Marché, une pierre datée de 1813, heureusement replacée ces dernières années, mais a-t-elle un rapport avec le bâtiment ? Nous ne le pensons pas.
À notre avis, le passé de l’endroit bâti n’est pas indépendant de toute la propriété joignant la maison. Et précisément, des documents anciens nous enseignent que, depuis près de quatre siècles au moins, cette propriété n’a guère changé jusqu’à ces dernières années. Disons-en quelques mots.

En ce temps-là, — ainsi commencent bien des histoires — il y a donc près de quatre cents ans, l’endroit occupé par la maison qui vient d’être démolie portait déjà une demeure. C’était le temps du vieux Vielsalm, d’une trentaine de maisons, toutes groupées près de l’église.
Habitait sur ce coin, au bas de la place « du marché », face à l’église entourée du cimetière, un personnage, et non des moindres, la plus haute personnalité du comté de Salm à ce moment, Jean BIEVER.
Jean est un étranger, mais établi ici, comme officier et receveur du comté de Salm. Il est marié. Son épouse s’appelle Elisabeth FERBERIN. Il a au moins six enfants qui lui survivront. Il mourut, assez jeune, croyons-nous, vers 1602, alors que son épouse vivait encore au début de 1624.

À cette époque de guerres de religion, les temps sont bien tragiques. La famille de NASSAU, dont on sait la part qu’elle prend alors dans les affaires hollandaises, possède la seigneurie de Saint-Vith. C’est ainsi, qu’à plusieurs reprises, des troupes hollandaises, commandées par Philippe de NASSAU s’amènent de Saint-Vith vers l’ouest. En 1593 notamment, les voilà de passage à Salm, y commettant bien des sévices, menaçant du feu, prenant des otages. Et il faut leur payer la grosse rançon pour laquelle les autorités de Salm contractent un emprunt auprès de Laurent GÉRARD, bourgeois de Liège.
Mais l’emprunt, tôt ou tard, doit être remboursé.
Le 7 juin 1599, c’est « au domicile habitatoire du Sr Jean BIEVER » que les autorités salmiennes se réunissent pour régler l’affaire. Il y a là Jean BIEVER, Jean de FROIDCOURT de Menil, prévôt du comté, Pierre GILLET de Vielsalm, mayeur, Jean GEORIS de Gernechamps, mayeur des Halleux, et les échevins : « Jean NOËL de Commanster, PASQUEAU de Courtys, Jean SAUVAGE de Loinchamps, Hubert OTTE du Menil, Jean REMACLE de la Ville-du-Bois, et Gérard MACQUAR » de Petit-Halleux. Également, l’épouse de Laurent GÉRARD, de Liège, et son frère Jean.
On discuta chaudement, sans doute. Finalement, Pierre GILLET garantit, sur ses biens, le remboursement de 2 000 florins carolus, empruntés « au denier douzième » (environ 8 %). Hubert OTTE fait de même pour la somme de 1 000 florins carolus (le dit florin valait 20 sols, soit environ la valeur de trois journées d’ouvrier-manœuvre).

À la maison BIEVER, joignait une belle propriété dont nous parlent plusieurs documents. Elle comprenait nn seulement l’aisance derrière la construction, mais aussi « un jardin aux arbres et potager, et champs s’extendant jusques au courtis TRISSET ». Nous savons que le « courtis TRISSET » (TRISSET est le nom d’une famille de Vielsalm à l’époque) se trouvait vers le bout de l’actuelle propriété de M. le notaire LAMBERT, en face de l’école des handicapés ; la propriété BIEVER longeait donc la route devenue actuellement rue du Vieux Marché.

Elle comprenait même, à ce moment, de l’autre côté de la route, une bande de huit journaux (environ 1,75 hectare) bordant la route ; c’est plus tard, vers 1750, que cette bande de huit journaux est sortie de la propriété à la suite de diverses opérations de vente.

Jean BIEVER décédé vers 1602, sa propriété passa donc à ses héritiers, ses enfants.
Vers 1625, l’épouse BIEVER meurt. La propriété resta d’abord en indivision, certains enfants étant d’ailleurs encore mineurs.
Mais voici l’année 1636, si terrible pour la région et tout le Luxembourg. Au comté de Salm, les Hollandais de Saint-Vith, reviennent. Entre autres méfaits, on leur doit l’incendie de 17 maisons à Vielsalm, soit environ la moitié de la localité. Parmi les maisons incendiées, il y a celle de feu Jean BIEVER.

La maison va-t-elle être reconstruite en ces temps mauvais ? Elle ne l’est pas encore en 1656, quand ses ruines sont désignées comme étant « une chassie de maison consumée par le feu que l’ennemi hollandais y avoit mis, granges et estableries aussy ruynées… » ; ni en 1661.

Avec le temps, les co-propriétaires voudraient toutefois sortir d’indivision. Mais « parmy la présente conioncture de guère (ils) n’ont sceu bonnement venir ensemble pour faire la dite division et veu que cependant les dits biens et héritages alloient de plus en plus en ruyne, et tomboient en frische », il faut bien en finir.
En 1656 donc, l’un des six indivisaires se décide à racheter la propriété et ruines dans leur état du moment. Il y a cinq parts à racheter, chacune estimée à 400 daldres ( le daldre vaut 30 sols).

L’acheteur est Jean PIERRE, de Vielsalm, petit-fils de Jean BIEVER par sa mère Catherine BIEVER. Il est l’époux de Anne Claude DEUMER. Il est mayeur de Salm, ainsi que l’ont été son père Jean PIERRE (ainsi nommé également), et son grand-père Pierre GILLET cité ci-dessus.

Soit dit en passant, Pierre GILLET, grand-père paternel de Jean PIERRE (II), était fils de Gillet le meunier qui, en 1560, avait reçu en fief, de la comtesse de Salm Elisabeth de HENNENBERG, « la place appellée le vieu chasteau gisant au dit Vieille Salm ». il y aurait beaucoup à dire sur la descendance du dit meunier Gillet, à la destinée vraiment curieuse, et dont la lignée subsiste toujours actuellement dans la noblesse avec le titre de baron ; mais passons.







Revenons à la maison BIEVER. Jean PIERRE ne profita guère de son acquisition. En 1657, il décède. Sa veuve, Anne Claude DEUMER, reprit alors, avec ses enfants, le chemin de son village natal, à Ourthe (Beho), gardant toutefois la propriété des biens de Vielsalm.
Ses enfants, après son décès, finiront par se débarrasser de l’héritage. Le 2 août 1698, Jean Jacques, fils d’Anne Claude, agissant pour lui, ses frères et sœurs, effectue un échange de biens avec son cousin Quirin DEUMER, de Vielsalm. Jean Jacques lui cède tous ses biens de famille situés au comté de Salm, tandis que Jean Quirin cède à Jean Jacques tous ses biens provenant de ses parents « au finage d’Ourte ».

Voilà donc Quirin DEUMER propriétaire de l’ancienne propriété BIEVER. Il trouve là, sans doute, une satisfaction sentimentale puisqu’il est également arrière-petit-fils de Jean BIEVER, par sa grand-mère Catherine BIEVER.
Dans quel état se trouve alors la propriété en question et particulièrement la partie bâtie ? Nous l’ignorons. Mais, cinquante ans plus tard, c’est certain, une demeure, spacieuse, existe. Elle est en effet « située desous le marché à Vielsalm avec une cour renfermée, deux écuries de vaches, une bergerie, écurie de chevaux et granges ». cela ne ressemble-t-il pas à ce qui est venu à nous jusqu’à ces derniers jours ?
Et derrière ces bâtiments, il y a « derrière les dites grange et écuries … un petit jardin à herbes, et derrière celui-cy un jardin potager, derrière celui-ci un verger ».

Qui en est propriétaire ? Le 5 février 1718, Jean Quirin DEUMER avait fait donation de tous ses biens à ses deux neveux, le prêtre Gaspar REMACLY et son frère Jean Quirin REMACLY, prévôt de Salm (ils sont fils d’Anne Elisabeth DEUMER, sœur de Jean Quirin DEUMER, et habitent Vielsalm).

Le 27 mai 1727, décès de Jean Quirin REMACLY. Son frère Gaspar hérite de ses biens.
On peut penser que la reconstruction de la maison, ainsi qu’elle est décrite ci-dessus pour l’année 1752, est l’œuvre des frères REMACLY.

Gaspar REMACLY décède le 11 juillet 1748. Avant sa mort déjà, il était entré en procès pour diverses affaires. Une sentence finale du Grand Conseil de Malines, du 23 novembre 1751, provoqua la vente de ses biens. Ainsi, en 1752, en vente publique, devient acquéreur, comme dernier enchérisseur, de toute la propriété BIEVER, ce pour 1 500 écus, Jean Henri DAVID de Malmedy (l’écu valait 56 sols).

DAVID garda son nouveau bien à peine huit ans. Le 21 mai 1760, il vendit « une maison située dessous le marché dudit Vielsalm, écuries, jardin potager et verger derier les dites écuries… la dite maison, écuries et jardins provenans de feu Sire REMACLY vivant personnat de Salm… ». Montant de la vente : 900 écus (le reste des biens REMACLY trouva un autre acquéreur).

Qui était le nouveau propriétaire ? Jean Louis RAPHAËL, notaire.

Jean Louis est le fils de Jean RAPHAËL, étranger au pays, marchand établi à Vielsalm, marié en 1725 ou 1726 à Barbe Catherine PIETTE de Vielsalm ; 9 enfants, dont Jean Louis. Celui-ci, né en 1728, se maria deux fois, ses épouse étant de Bitbourg, et lui donnèrent 13 enfants.

Jean Louis RAPHAËL exerça aussi diverses fonctions dans l’administration du comté de Salm. Il est décédé à Vielsalm le 14 septembre 1810, et son épouse en 1819. Il était l’arrière-grand-père de M. Clément RAPHAËL, décédé en 1965.

Le 17 mars 1817, pardevant le notaire MARTHOZ de Vielsalm, eut lieu la vente des biens RAPHAËL afin de sortir d’indivision.

Qui acheta la maison ? Nous n’en avons pas d’indication mais, quelques années plus tard, on trouve dans cet immeuble, comme propriétaire, Christophe LAMBERTY. Sauf erreur, considérons-le donc comme acheteur en 1817. Né en 1787, Christophe est négociant, notamment de pierres à rasoir. Bourgmestre de Vielsalm d’octobre 1823 au 31 août 1836. Est décédé en 1864. Il est fils de Jean Christophe LAMBERTY, dernier prévôt de Salm et premier bourgmestre de la commune ; Jean Christophe habitait l’immeuble devenu l’actuelle école St-Joseph.

Les destinées de la « maison SÉPULT » sont ainsi arrivées très proches des temps actuels, et nos recherches se sont arrêtées à peu près ici. On trouve encore, comme occupant de la maison, à la fin du siècle dernier, Charles BOTTE, époux OFFERGELD, clerc de notaire.
On peut dire aussi qu’en 1853, durant quelques mois, les écuries et annexes de la maison abritèrent les débuts de la chasse à courre, appartenant au comte de CORNELISSEM.
Comment la dite maison et sa propriété sont-elles passées à la famille SÉPULT ? Il ne faudrait sans doute pas chercher beaucoup pour trouver à cet égard un peu de lumière.
Mais il suffira d’avoir, par les lignes qui précèdent, évoqué à grands traits, tout un passé de Vielsalm, et tout un passé d’une belle propriété désormais vouée à un autre destin.

Gaston REMACLE

La paroisse de Salm-Vielsalm.

(publié le 21 décembre 1978)

Il y a bien des siècles déjà qu’un centre paroissial s’est créé à l’endroit devenu Vielsalm ; mais on ne sait quand. Il s’agissait alors d’une grande paroisse régionale.

Un document de 1131 mentionne l’existence de l’ « ecclesia de Salmes » ; c’est à propos de redevances dues par cette église à l’abbaye de Stavelot. Sans nul doute, cette église de Salm est l’ancienne paroisse de Salm qui a subsisté jusqu’en 1803.
Ainsi signalée en 1131, elle existait alors déjà depuis longtemps, certainement, et sa création ne peut être due qu’au travail apostolique des moines de Stavelot.
C’est vers 650 que l’abbé Remacle et ses compagnons s’installèrent à Stavelot et commencèrent sans tarder l’évangélisation de la région.

Cette paroisse de Salm était fort grande. Elle comprenait les territoires des actuelles communes de Grand-Halleux, Petit-Thier et Vielsalm, de même que les villages de Goronne, Cierreux et Commanster. Elle avait ainsi pris les limites de deux anciens domaines contigus. On ne sait quel a été son nom à son origine ; celui de « Salm » n’a pu lui être attribué qu’après la création du comté de même nom.

Pendant longtemps, cette ancienne paroisse ne comporta qu’un seul édifice du culte, chapelle ou église, que tous les paroissiens rejoignaient en temps opportun.
Dès le début, une église s’est-elle fixée à l’endroit devenu Vielsalm, désert à ce moment-là ? Ce n’est pas certain, et nous pensons que, édifiée non loin toutefois, elle n’y est venue qu’après quelque temps avec la naissance du comté de Salm vers l’an mille, et une nouvelle autorité civile dans la région.
Au cours des siècles, l’augmentation de la population notamment devait rendre l’église paroissiale trop petite, et d’accès trop éloigné pour bien des personnes. Aussi vit-on peu à peu des communautés villageoises en expansion s’efforcer d’avoir chez elles un édifice du culte également, avec un vicaire écolâtre, ce avec l’accord de l’autorité religieuse. Ainsi, Grand-Halleux eu sa chapelle déjà avant 1430, Goronne en 1691, Commanster en 1683, Salmchâteau en 1725, Burtonville en 1703, Petit-Thier en 1704, Cierreux en 1704, Ville-du-Bois en 1766.

La paroisse actuelle de Vielsalm est née en 1803, du démembrement de l’ancienne paroisse et à la suite du concordat napoléonien de 1801.

La nouvelle organisation des paroisses fit aussi de Vielsalm le centre d’un doyenné du même nom.

Cette nouvelle paroisse de Vielsalm ne comprit plus Cierreux, Goronne, Grand-Halleux, Petit-Thier, Salmchâteau. Plus tard, elle perdit encore Commanster en 1835, Ville-du-Bois en 1842, Neuville et Burtonville en 1913.

La paroisse de Vielsalm, ainsi que toutes celles du canton, sont passées le 15 janvier 1843 au diocèse de Namur, alors que précédemment, la région avait toujours fait partie du diocèse de Liège.

Gaston REMACLE