(publié dans « La Meuse » le 20 septembre 1946)
Situés aux confins N.-E. du Luxembourg belge à 25 km. au nord de Bastogne, à 15 km. de Houffalize, Gouvy se campe à 469 m. d’altitude, aux bords de l’Eifel, montagneux et boisé, d’une part, et de la crête ardennaise, d’autre part. Gouvy compte plus d’un millier d’habitants et fait partie de la commune de Limerlé.
Il est rattaché à l’arrondissement administratif de Bastogne et judiciaire de Marche. La Justice de Paix se rend à Houffalize.
Le terrain est assez vallonné, borné au nord et à l’ouest par des montagnes et des rochers très élevés. Le sol est rocailleux, les terres sont un mélange de tertiaire salmien et de calcaire. On relève cependant beaucoup de veines argileuses.
Gouvy se situe à la source de l’Ourthe orientale aux vallées profondes et boisées, à proximité aussi d’une ancienne chaussée romaine qui traverse la commune du S.-O. au N.-E.
À ce propos, on relève aussi des tumulus, des tombes romaines et des débris de villas dans lesquelles on a découvert, dernièrement encore, des urnes funéraires, etc…
Étendons-nous quelque peu sur le passé historique de ce vieux village ardennais.
Le berceau de Gouvy fut une entrecour sans grande importance et sans grande valeur. La partie sud de la bourgade appartenait à la cour d’Arras et dépendait de la Prévôté de Bastogne pour l’exercice de la moyenne et de la haute justice. La troisième partie dépendait des Comtes de Salm pour la haute justice seulement.
Entrecour sans grande valeur, avons-nous dit ; en effet, elle fut vendue au cours du XIVe siècle pour 40 patacons, soit 320 fr.
En 1576, Gouvy devint une mairie, titre qu’elle perdit, malheureusement, dès 1824. C’est là, l’origine du non-sens que nous connaissons aujourd’hui encore. Gouvy, avec un millier d’habitants, fait partie de la commune de Limerlé, village de 500 habitants seulement.
Pour nos lecteurs, nous citerons les différentes modifications du nom de notre village : de Govis, en 1243, Goivis en 1472, Gombis en 1497, Gouwy en 155., Gulich en 1589, Gouvy en 1611, Geilleg en 1772, pour arriver à Gouvy en 1789.
Gouvy, en allemand Geilig, est réapparu aux différentes périodes autrichiennes de l’histoire de notre province. Gouvy signifierait, selon son étymologie : Vij-vicus, marais boisé ; Gouvy, village des marais boisés. Faut-il croire par là, que notre village est resté longtemps enfoncé dans les forêts, ignoré des moines qui se répandaient dans nos régions à cette époque ? Cette hypothèqe s’avère fausse, si nous en croyons une charte de l’abbaye de Stavelot du 14 avril 915 qui fait mention de la paroisse St-Aubin de Gouvy. Elle donne les limites de l’ancienne ville de Glaniacus (Glain-lez-Bovigny), bornée d’un côté par la terre de St-Remacle (Lierneux) et, de l’autre, par la terre de St-Aubin (Gouvy).
Cette mention de la paroisse au Xe siècle et le mode de division de la dîme par tiers nous amènent à reporter l’origine de notre église au début de la période carolingienne.
D’autre part, comme la circonscription primitive de la paroisse fut toujours très restreinte, enclavée qu’elle était entre les grands domaines de Bellain, de Cherain et de Glain-Bovigny, nous avons préféré reconnaître, dans Gouvy, une lointaine filiale de Bellain, plutôt que de considérer cette église comme primitive.
Pour s’en convaincre, il suffira de visiter le cimetière de ce premier village luxembourgeois ; nous y trouvons, en effet, des tombes d’anciennes familles de Gouvy.
Un cimetière fut cependant délimité vers 1300, sur le sol de Gouvy, au lieu dit : Saceux ou Sacô, ce qui pourrait désigner païen ou d’un autel votif de la période romaine, comme le cas s’est présenté à Maboge-sur-Ourthe.
Au début du XIIIe siècle, la dîme et le droit de patronage (collation de la paroisse) appartenaient à Henri Ier, seigneur d’Houffalize, qui en fit don, en 1243, au prieuré de Ste-Catherine de Houffalize. En 1707 et en 1716, le droit de collation était alternativement partagé entre le prieuré et le comté de Salm.
En 1630, la paroisse de Gouvy compte 60 familles et 250 communiants. Jusqu’à la révolution de 1789, qui vit l’annexion de la Belgique à la France, Gouvy relevait du diocèse de Liège. Il faisait partie de la chrétienté (doyenné) de Stavelot, qui formait elle-même, avec la chrétienté de Bastogne, l’archidiaconé d’Ardenne. La révolution de 1789 a laissé à Gouvy aussi, certains souvenirs ; notons en passant : l’autel en pierre taillée de la cave NICOLAY, qui servit de sanctuaire pendant ces années de troubles.
Suite aux modifications apportées par la France révolutionnaire et par le Concordat entre le Pape et Napoléon Ier, la paroisse de Gouvy fut incorporée au diocèse de Namur.
Ne manquons pas de renseigner l’église de Gouvy à l’attention des touristes. Les boiseries murales et la chaire de vérité sont de purs chefs-d’œuvre de sculpture ancienne. Nous relevons aussi des pierres tumulaires devant le chœur et, au cimetière, de nombreuses pierres tombales du XVIIIe siècle.
Par suite de la distance séparant Gouvy-station de Gouvy-village une nécessité s’est fait sentir de fonder une chapelle pour le quartier de la gare. La construction fut décidée fin 1929 par monsieur l’abbé MARÉCHAL. Les plans que celui-ci dressa au début de 1930, furent mis en exécution en 1932. Les travaux furent achevés en 1933 et la bénédiction lui fut donnée en novembre de la même année. La chapelle de Gouvy-station est unique en son genre. Son aspect extérieur nous fait penser à une chapelle de mission. Elle reste parfois inaperçue des étrangers parce qu’elle est dépourvue de tour et un peu retirée de la grand’route.
Remarquons le bon goût de l’autel en marbre noir du pays, la peinture murale de fond, un banc de communion en briques avec une tablette de marbre et, surtout le chemin de croix dû à la compétence de monsieur l’abbé MARÉCHAL. C’est là, une des curiosités de Gouvy-gare.
La station du chemin de fer a été installée en 1865, par la compagnie de l’Est français. Gouvy se trouvait alors sur la voie Trois-Vierges – Spa. En 1884, on plaçait la ligne vers Bastogne et, pendant la guerre 14-18, les Allemands installèrent la voie ferrée vers St-Vith.
Gouvy-station possède un atelier de réparation de wagons et une remise de locomotives. Notre station a beaucoup d’importance de par sa situation frontière. Elle possède un bureau de douanes et accises. Elle se distingue aussi par son grand quai de chargement de bois, largement approvisionné par une région très boisée.
L’avenue de la gare est essentiellement commerçante. Sait-on par exemple, que le quart du nombre des habitations de Gouvy sont des maisons de commerce ? La population est mi)agricole et mi-ouvrière.
Au point de vue agricole, Gouvy n’a pas toute l’importance d’un vrai village paysan. Les cultivateurs font produire la terre pour autant qu’ils aient l’utilisation directe de ses fruits, c’est-à-dire, qu’il n’y a pas de cultivateurs qui vivent de la vente des fruits de la terre qu’il cultive. Nous relevons comme culture : 19 ha de froment, 9 de seigle, 48 d’avoine, 12 d’orge, 22 de pommes de terre et 3 de betteraves.
L’élevage contrebalance la production agricole. Plus de 500 bêtes à cornes, environ 50 chevaux, des poules et des moutons. La campagne qui environne le village s’étend en pâturages verts bordés de haies droites jusqu’aux forêts d’épicéas noires et profondes, jusqu’aux bosquets et taillis verdelets. Partout ce charme campagnard, ces sentiers sauvages au milieu des fleurs, au flanc des rochers gris cachés sous un tapis moussu partout des grands arbres et des plantations. Là-bas aussi, cette gentille vallée de l’Ourthe naissante, une suite sans fin de méandres au pied des taillis et dans la brousse neigeuse des reines-des-prés. Que de coins ignorés par vous, Messieurs les promeneurs qui ne visitez que ce que vous annonce une propagande touristique malheureusement incomplète !
Gouvy n’a, en effet, jamais été signalé comme digne d’éveiller l’attention du touriste. Jamais nous n’avons profité des tracts touristiques ! Mais que diable, pourquoi ?
[…]
E.A.
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