Un oublié ?
En effet, ne l’était-il pas un peu, oublié à Vielsalm, ce Père BERTHOLET, issu de la capitale du pays de Salm ? Depuis plus de deux siècles, on ne s’en souvient plus guère.
La ville de Liège, qui a enregistré son décès, lui a gardé un souvenir plus fidèle puisqu’elle lui a dédié une rue.
Le Syndicat d’Initiative de Vielsalm avait édité, l’an dernier, un dépliant au dos duquel un texte rappelle brièvement le souvenir du réputé Jésuite.
L’avait-on remarqué ? Toujours est-il qu’une coquille – heureuse peut-être – vieillissant Jean BERTHOLET d’une vingtaine d’années, a retenu l’attention, provoqué des réflexions, suscité un intérêt, envers cette figure de la terre salmienne. Et voilà, déjà un peu davantage dissipé, l’oubli dans lequel restait le savant religieux dans son pays natal.
Peut-être pourrait-on y ajouter les quelques notes suivantes, afin d’éclairer davantage la figure de l’éminent historien ?
Une ancienne famille.
C’est bien le 30 décembre 1688 qu’est né à Vielsalm, Jean BERTHOLET, fils de Paul BERTHOLET et de Lucie WIROTTE.
La famille est ancienne dans la région.
On y relève le nom de BERTHOLET au début du XVIIe siècle. Après les tristes années et la misère de la guerre de trente ans, la famille BERTHOLET subsiste à Vielsalm. En 1659, Michel BERTHOLET et Jean BERTHOLET, chefs de ménage, y exercent la profession de maréchal ; l’un d’eux sera le grand-père du futur Jésuite.
La famille maternelle, celle des WIROTTE, n’est pas moins bien établie dans le pays. En 1472 déjà, un recensement la mentionne à Goronne. À la fin du seizième siècle, elle apparaît come présente à Priesmont avec Mathieu Jean WIROTTE. C’est de Priesmont que viendra Lucie WIROTTE pour s’unir à Paul BERTHOLET de Vielsalm.
La famille WIROTTE de Priesmont occupait, dans ce coquet hameau, une des deux maisons existantes à la fin du seizième siècle. Priesmont est ancien, peut-être plus que Vielsalm.
Le site, d’ailleurs, est favorable à un habitat, offrant une belle exposition du soleil, une eau potable abondante. Un panorama vaste, et de la proximité d’un fort vieux chemin. Les WIROTTE d’avant 1600 y voisinaient avec la famille de Jean, époux d’Elisabeth, dont la maison reste aujourd’hui encore partie d’un groupe de bâtiments.
Quant à celle des WIROTTE, remise à neuf et amplifiée au début du dix-huitième siècle – le linteau de la porte est daté de 1723 – elle accuse encore, à l’heure actuelle, une personnalité imposante bien marquée : c’est la demeure qu’occupent les familles BELGE-DANTINE et BURTON-LAURENT. Une maison de notabilités jusqu’à la fin de l’ancien régime.
Au service de la région.
Sans doute, comme les familles de ce temps-là, les WIROTTE et les BERTHOLET étaient de rudes ouvriers, vivant surtout du travail de la terre, sur leur propre bien, ou d’un métier artisanal.
Mais leur pensée et leur ambition se montrent plus larges que le dur labeur pour la subsistance quotidienne. Elles se manifestent, à vrai dire, une âme d’élite. On voit ces deux familles rechercher la fonction publique, au service de leur région ; et ce goût de la chose publique, et du service se continue, se multiplie au cours de plusieurs générations.
Ainsi, Georges WIROTTE de Priesmont est clerc juré du Comté de Salm au début du dix-septième siècle. Quelques années plus tard, Mathieu WIROTTE de Priesmont est prévôt du Comté. Philippe WIROTTE est échevin de la Cour de Justice à la fin du dix-septième siècle. Également, Jean WIROTTE, frère de Lucie WIROTTE et oncle du futur Jésuite. On verra enfin, dans la première moitié du dix-huitième siècle, Henry WIROTTE comme Haut officier du Comté.
La famille BERTHOLET témoigne du même esprit, Michel JACOB, de Priesmont, qui épousa Catherine BERTHOLET, sœur du futur historien, devient mayeur de Salm. Michel BERTHOLET, de Vielsalm, est échevin au début du XVIIIe siècle ; et Sébastien HONVLÉ, second mari de Lucie WIROTTE, restera, durant combien d’années, échevin féodal.
C’est dans cette atmosphère que grandit le fils de Paul BERTHOLET et de Lucie WIROTTE. Comment n’y aurait-il pas trouvé le désir d’une généreuse vie et d’une belle vocation !
Les jeunes années…
de Jean BERTHOLET s’écoulèrent selon l’austère vie de l’époque. Les BERTHOLET et les WIROTTE vivant en ordre principal et direct de l’agriculture. Jean a dû certainement participer au travail du sol.
D’autre part, le malheur entra dans la famille. Le père, Paul BERTHOLET, vint à mourir, laissant trois enfants en bas-âge.
Après quelques années de veuvage, Lucie WIROTTE se refit un foyer en épousant en secondes noces Sébastien HONVLÉ.
On imagine u peu le jeune Jean dans le cadre du moment, au sein du si charmant site, hélas ! à jamais anéanti aujourd’hui, allant du Tiennemesse à Priesmont, dévalant sous l’église vers le « pont de la vallée » jeté sur la fraîche rivière venant de Vifsâm, ou grimpant par « les roches » vers Priesmont, tandis qu’à deux pas, sous la place du « vieux château », tournait le moulin banal alimenté par le Glain.
Les débuts du savoir, Jean les acquit sans doute, selon l’usage, à l’école tenue par le clergé local. Il se sentit appelé à l’état religieux et attiré par la Compagnie de Jésus. Mais les études, alors déjà, étaient coûteuses, Sébastien HONVLÉ fit des avances au jeune étudiant, assurant son entretien et sa pension annuelle. De son côté, Jean ne voulut pas imposer à son beau-père de trop lourdes charges ; par acte passé devant le notaire MEURICE de Vielsalm le 28 septembre 1708, l’étudiant lui abandonnait ses biens provenant de ses parents, moyennant quoi le dit HONVLÉ s’obligeait à donner deux cents écus pour payer les deux années de noviciat à Tournai.
Historien
Jean BERTHOLET est devenu le R.P. BERTHOLET, Jésuite.
Il fallait qu’il s’imposât par une valeur peu commune pour être choisi par les Etats du Luxembourg afin de composer l’Histoire ecclésiastique et civile de la province. Travail considérable, puisqu’il ne comporte pas moins de huit volumes, publiés de 1741 à 1743. L’historien l’entreprît, avec joie et avec diligence, déclare-t-il lui même, sous les auspices de S.M. l’Impératrice et reine.
L’œuvre, pourtant, valut à son auteur d’amers déboires. La guerre allumée durant la composition et l’impression dérangea les projets. L’écrivain dut contracter des dettes onéreuses. Pour y satisfaire, il se vit obligé de laisser vendre une partie de sa bibliothèque les 4 et 5 mai 1747. En 1751, encore, les héritiers de l’imprimeur le poursuivaient.
BERTHOLET parle même des « injures, grossièretés et calomnies grossières vomies » contre lui par Pierre BOURGEOIS, fournisseur du papier nécessaire.
Faisant suite à sa requête, les Etats du Luxembourg décidèrent de l’aider en lui remettant une somme de 2 216 florins 16 sols.
…
Afin de raviver et perpétuer à Vielsalm le souvenir de Jean BERTHOLET, un collaborateur de l’ « Avenir » a, dernièrement, suggéré de voir dédier à l’historien du Luxembourg, une rue de sa localité natale.
La suggestion est heureuse ; il ne semble pas bien malaisé de la réaliser sans rien sacrifier du folklore de la localité. Oserait-on l’espérer ?
À une époque où l’enseignement de l’histoire s’appuie sur la notion d’éléments locaux, ce serait par là maintenir vivant au pays de Salm, pour les générations qui montent, un grand et noble souvenir.
Gaston REMACLE
Ndlr:
1) G. REMACLE donne en note: Décédé le 25 février 1755 à Liège.
2) Des articles ultérieurs de G. REMACLE rectifièrent quelques données inexactes de cet article. (sur Georges WIROTTE, le nombre de maisons à Priesmont)
3) Sur la jeunesse de Jean BERTHOLET et ses rapports avec son beau-père, voir G. BENOIT Apports concernant la vie de Jean Bertholet, dans G.S.H.A. n°55, 2001, pp.18-24.
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