Il n’a pas accepté de figurer nommément dans cette galerie des « personnages » locaux malgré mon insistance répétée. Après tout, il y a bien un soldat inconnu, parfois un invité mystère, un agent secret, pourquoi cette série n’aurait-elle pas son héros anonyme ? Il ne le restera pas pour quelques personnes qui vont le reconnaître aisément mais la plupart des lecteurs se demandera qui il peut bien être.
Sa profession est une des plus exigeantes qui soient mais aussi une qui s’exerce en pleine communion avec la nature. Il est en effet bûcheron, et même bûcheron chevronné : il accepte tous les travaux même les plus difficiles comme les coupes à blanc à effectuer dans nos escarpés croupets ardennais, là où même le cheval débarde péniblement puisqu’il utilise souvent treuil et câble pour amener les troncs où ils pourront être chargés sur camion. Il peut travailler seul, des heures durant, ne voyant pas le temps passer si ce n’est par la tombée de la nuit, mettant au sol des dizaines et des dizaines de gros arbres sur sa journée. Après les grosses tempêtes de 1999 en France, il fut sollicité comme quelques autres pour aller dégager les chablis du côté de St-Dié dans les Vosges. Durant plus d’un an et demi, il abattit un boulot énorme, logeant et mangeant dans sa voiture stationnée dans la coupe pour ne pas perdre de temps !
Rien que pour ceci il mérite les « honneurs » de cette rubrique mais ce qui m’a fait insister auprès de lui pour l’y faire figurer, c’est surtout son habileté à se faufiler dans les endroits les plus incroyables. Qu’on en juge par ces quelques exemples.
Lors du Tour de France 1993, à l’arrivée de l’étape à Serre-Chevalier, il apparut en direct à la TV sur le podium en compagnie de Gérard Holtz qui ne savait comment s’en débarrasser. Il fut évidemment reconnu immédiatement par des Salmiens qui n’en croyaient pas leurs yeux.
Lors d’un Grand prix de Formule1 à Francorchamps, il se glissa parmi la garde d’accompagnement de Bernie Ecclestone et entra ainsi – gratuitement – dans le saint des saints. De la resquille trois étoiles !
Une autre année, dans le paddock du même grand prix où il n’avait évidemment rien à faire, il se trouva en contournant un motor-home face à face avec le grand Ayrton Senna. Les deux hommes se serrèrent la main. Moment fugace. Moment intense. Souvenir inoubliable et émouvant.
A Roland-Garros, alors qu’il essayait d’apercevoir une partie de tennis par les interstices de la palissade, il fut surpris par un gardien. Au lieu de l’expulser, celui-ci le fit au contraire entrer et le plaça à 3 mètres de sa Justine préférée !
Qui dit mieux ?
Par contre, parti un peu tard pour assister au Prix d’Amérique à Vincennes ( remarquons au passage l’éclectisme de ses centres d’intérêt !) il arriva trop juste et suivit la course à la radio dans sa voiture sur le parking de l’hippodrome.
S’il excelle pour se mettre dans des positions invraisemblables, il se sort tout aussi bien de situations particulièrement scabreuses par son sens extraordinaire de la débrouillardise.
Ainsi, tombé en panne de boîte de vitesse à Stavelot, il rejoignit son domicile à Commanster, plus de 26 km, en marche arrière.
En revenant du CHU où il avait conduit sa grosse voisine voir son mari, la suspension de la voiture de celle-ci cassa. N’hésitant pas, il prit sa cognée, grimpa sur le talus où il abattit un bouleau qu’il débita pour obtenir un morceau qu’il intercala entre la roue et le châssis et parvint encore ainsi à rejoindre son village.
A un autre moment, l’alimentation en essence de sa voiture étant défectueuse, il se balada quelques jours avec une nourrice d’essence suspendue à l’extérieur de la portière arrière et alimentant directement le carburateur.
En revenant de Zolder, le câble d’accélérateur de sa Simca 1000 casse. Jamais à court d’idée, il avise un jardin où se trouvait un sèche-linge : il y prélève un morceau de fil et actionne ainsi l’accélérateur par la vitre ouverte de sa portière. Il faut dire que cette Simca en avait déjà vu d’autres puisque notre homme a fait du moto-cross de 1967à 1985, dans la province du Luxembourg d’abord puis à la F.M.B. Débarrassée de tous les sièges sauf celui du conducteur, cette voiture accueillait la moto de cross, tous les outils et souvent un ami mécano pour se rendre sur les différents circuits.
Le florilège de ses exploits ne s’arrête pas là mais il faut bien limiter leur énumération. Ajoutons qu’à ses capacités à abattre un énorme boulot, vous pouvez lui demander un service : il n’hésite jamais à vous le rendre.
Seul point noir de sa personnalité : il est un fan inconditionnel d’un vieux paletot qui a repris du service en formule 1, d’où de nombreuses passes d’armes entre nous deux !
Qui peut le plus peut le moins.
Robert NIZET
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